Après 12 ans d’engagement de la coalition de la Force Internationale d’Assistance et de Sécurité[1] en Afghanistan le bilan est pour le moins discutable. Sur le plan humain ce sont au minimum des dizaines de milliers de morts, environ six cent cinquante mille déplacés et plus d’un million de réfugiés[2]. Quant au bilan comptable, le coût dépasse les centaines de milliards de dollars de dépenses. Les Talibans sont en bonne voix de reprendre le pouvoir, et je ne suis pas sûr que les droits de l’Homme dont celui des femmes, aient beaucoup avancé dans les campagnes et les villes afghanes. De plus, malgré un investissement conséquent en terme de formation de l’Armée Nationale Afghane (ANA), le taux de désertion oblige à un recrutement annuel d’environ 50 000 personnes[3].
Cet important signal peut signifier que les standards de ces formations[4], ou que les objectifs du gouvernement de Karzai et de ses alliés, ne correspondent pas véritablement aux attentes des soldats issus de la population, et explique en partie le recul sur le terrain de l’ANA[5]. En partie seulement, car il apparaît globalement que la logique de conversion à la démocratie avec l’aide de fusils d’assauts M16 et de missiles air-sol Hellfire tirés par des drones étasuniens, n’ait pas encore complétement convaincu le peuple afghan de son bien fondé.
Enfin cette politique s’est appuyée sur des livraisons de tonnes d’armes pour les forces officielles afghanes. Entre mai 2002 et janvier 2008 les forces afghanes, qui apparaissent pourtant toujours à court d’équipements, auraient notamment reçu 409 022 armes de petits calibres[6]. Ce différentiel, entre le nombre d’armes livrées et le nombre de soldats et policiers pouvant les utiliser, pose déjà la question de la rigueur avec laquelle les dotations sont effectuées ainsi que de la sécurité des stocks là où elles sont entreposées.
Mais il faudrait aussi s’interroger plus avant, sur l’évaluation des critères qui ont justifié les autorisations d’exportations de ces dites armes, notamment à travers l’article 7 du traité sur le commerce des armes[7]. Que ce soit sur les questions de paix et de sécurité, de grave violation des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, mais aussi sur les critères liés au terrorisme et aux Conventions et Protocoles relatifs à la criminalité internationale organisée.
En d’autres termes : Où sont donc passées toutes ces armes et en quoi ont-elles contribué à la paix et à la sécurité ainsi qu’à protéger les droits des citoyens afghans pour les années à venir ?
Benoît Muracciole
[1] Qui a compté jusqu’à 49 pays et une force armée privée de plus de 100 000 personnes sans que l’on ne connaisse la part du personnel combattant : Page 24 https://www.fas.org/sgp/crs/natsec/R43074.pdf
[2] http://owni.fr/2011/05/02/les-300-000-morts-de-la-guerre-contre-le-terrorisme/ et http://www.unhcr.fr/52bbead18.html
[3] Entre 25% et 30% selon les estimations : http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-22886263
[4] Dont on ne sait pas si elle comprend les questions du respect du droit international relatif aux droits de la personne et du droit international humanitaire
[5] Elles étaient en 2007 environ 30 200 pour la police nationale afghane et 61 879 pour l’armée nationale afghane : http://www.psi.ulaval.ca/fileadmin/psi/documents/Documents/Travaux_et_recherches/L_ANA_et_la_PNA__Les_efforts_de_reconstruction.pdf et 187 000 dans un document de la Force International d’Assistance et de Sécurité de 2014 : http://www.nato.int/isaf/docu/epub/pdf/placemat.pdf mais elles continuent de compter un taux de désertion très important, Entre 25% et 30% selon les estimations.
[6] Voir: http://www.amnesty.org/fr/library/asset/ASA11/004/2008/en/0869e616-018c-11dd-b95b-f14e309c7fde/asa110042008eng.html
[7] Qui compte aujourd’hui 116 signatures et 11 ratifications, il manquent donc 39 ratification pour son entrée en vigueur.