La communauté internationale se nourrit elle des conflits au Moyen Orient Partie I ?

25 03 2016
Rafale - copie

©Benoît Muracciole

Introduction

Les informations rassemblées, et à partir desquelles se fondent les analyses à venir, sont basées sur des sources ouvertes. Il est important de le noter et indique donc que ces sources sont aussi accessibles aux gouvernements. Les Etats sont donc face à leurs responsabilités devant le droit international en matières de transferts d’armes (due diligence), dont notamment le traité sur le commerce des armes et les accords régionaux juridiquement contraignants. Même si toutes les sources se doivent d’être soumises à la question légitime de leur authenticité, il est aujourd’hui plus que difficile pour un gouvernement de déclarer « qu’il ne savait pas » quant au risques d’usage des armes qu’il a transféré.

Quels gains économiques avec ce commerce des armes ?

Dans les précédents billets nous avions relevé un certain nombre de transferts d’armes (qui considère les ventes, les dons, les prêts…) en direction des différents acteurs engagés au Moyen Orient[1]. Les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies plus l’UE européenne, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, l’Iran, Israël, le Qatar et la Turquie sont les principaux exportateurs / importateurs de ces armes. Depuis le début de la guerre en Syrie, les armes continuent d’arriver dans les mains de tous les camps engagés (utilisateurs finaux) soit directement, soit indirectement (réexportation ou diversion).

Les sommes réelles sont difficiles à identifier d’abord parce que les Etats exportateurs – pourtant engagés dans des accords politiques et/ou juridiquement contraignants régionaux (Arrangement de Wassenaar, OSCE, Position commune de l’UE) ou internationaux (Traité sur le commerce des armes, registre des Nations Unies) – ne souhaitent pas une véritable transparence dans ce domaine. Dans la production de rapports sur les transferts d’armes, nous devons comparer des chiffres qui se réfèrent à des poireaux pour les uns et des carottes pour les autres. Ils sont souvent volontairement illisibles noyant l’information dans une multitude de chiffres. Dans cette foire, la France est un des rares pays qui publie les livraisons, mais elle en exclut un certain nombre comme une partie du matériel de sécurité et de police, les explosifs ainsi que les biens à doubles usages.

 

Toutes les arguties sont bonnes pour justifier cette semi opacité, ou semi transparence, en matière de transferts d’armes, mais essayons d’y voir un peu clair dans les chiffres donnés :

Le gouvernement français aurait livré, entre 1995 et 2014 près de 30 milliards € d’armes au Moyen Orient[2]. Mais est ce véritablement un gain de 30 milliards € ?

Quelques un de ces contrats ont ruiné une partie de l’économie de défense française. La vente en 1993 des chars Leclercs aux Emirats Arabes Unis avait déjà coûté plus d’un milliard et trois cent millions d’euro en 2002[3]. L’entreprise nationale GIAT, productrice du char, avait du être recapitalisée par l’Etat pour plus de 5 milliards €[4]. Pour les vedettes vendues à l’Arabie Saoudite en 1994, Sawari I et II, elles ont alimenté pour quelques millions de francs, les caisses des partis politiques[5]. Les Rafales vendus à l’Egypte  seront peut être payés par le contribuable français[6], quant à ceux vendus au Qatar, ils vont au moins coûter quelques millions € à Air France[7].

Pour résumer, une industrie de l’armement coûte cher aux citoyens français, mais fait gagner beaucoup d’argent aux industriels[8]. C’est encore plus évident lorsque l’on reprend l’exemple de la cour des comptes sur le chiffre d’affaires total des industries de défense françaises en 2006. Il est de 15 milliards €[9] alors que les exportations d’armes de la France étaient, pour la même époque, de 4,33 milliards €[10]. Il a y donc une charge de 10,67 milliards € pour le budget de l’Etat et de fait, pour les citoyens français.

Le gouvernement britannique ne communique pas sur ses livraisons mais sur les licences accordées. Pour l’Arabe Saoudite elle en a déclaré, pour 2013 et 2014, respectivement 1 938 435 414€ et 82 708 054€. Ce pays traine également quelques contrats de corruptions massives dont le contrat Al Yamamah[11]. Pour un contrat de plus de 42 milliards £, des dizaines, voire des centaines de millions se sont envolés dans les poches d’intermédiaires plus ou moins sulfureux, jusqu’au fils de Margaret Thatcher[12]

Le gouvernement de Russie n’est pas en reste et cette région constitue, comme pour les précédents pays, sa première zone d’exportation avec 4 ? 5 ? 6 ? milliards $. La Russie continue de livrer son armement au régime de Bachard al Assad, discute avec les saoudiens et semble même s’ouvrir un nouveau marché avec un pays comme Bahreïn[13].

En Allemagne, le ministre de l’économie Sigmar Gabriel déclarait en janvier que son pays devait revoir sa politique d’exportation en direction de l’Arabie Saoudite[14]. Mais le gouvernement allemand a du se rendre compte de la difficulté de la mise pratique de cette déclaration. En effet il vient d’approuver la vente, pour 500 millions€, de 23 hélicoptères de type H 145 en direction de l’Arabie Saoudite[15]. De toute façon une bonne partie du matériel de guerre français est déjà largement équipé avec du matériel de guerre allemand. L’argent du court terme semble avoir eu raison de la volonté politique !

Quant à la Chine, même si elle exporte du matériel de guerre dans la région, sans doute des munitions[16], il est difficile d’en apprécier les quantités. Les assertions du SIPRI – largement repris par la presse sans analyse aucune – et autres déclarations d’officiels occidentaux ressemblent plus à une estimation au doigt mouillé des exportations de ce pays, plutôt qu’au résultat d’une recherche véritable.

Le gouvernement israélien distribue des armes à l’opposition syrienne sans que l’on puisse en chiffrer le nombre[17]. D’après le rapport israélien sur l’année 2014, les exportations au Moyen Orient seraient aux environs de 323 millions $[18].

Le gouvernement Turc laisse transiter des armes en direction de l’opposition au régime de Bachard al Assad, dont al Qaeda et les Takfiristes de Syrie et d’Irak, sans que l’on sache s’il en tire un gain financier direct[19]. Il semble aussi que le gaz utilisé à Ghouta soit passé par la Turquie et ait été livré aux rebelles[20].

Les gouvernements des pays du golfe, principalement l’Arabie Saoudite, le Qatar et les Emirats Arabes Unis font de la réexportation d’armes[21]. En cela ils sont tenus de demander l’autorisation des pays exportateurs, le font-ils réellement, notamment en ce qui concerne les missiles sol air (Manpads).

Mais le plus gros exportateur d’armes reste les Etats Unis. En 2014, le gouvernement des Etats Unis a annoncé au Congrès plus de plus de 47 milliards $ de transferts d’armes pour l’Arabe Saoudite[22], plus que la France en 20 ans. L’annonce est claire pour ces deux Etats, ils se tiennent par la barbichette et si l’un des deux lâche, l’autre sombre. L’industrie de l’armement étasunienne, qui a besoin de commandes pour ses mirifiques profits, l’Arabie Saoudite qui doit montrer qu’elle a des alliés notamment pour contenir ses tensions intérieures.

En plus de cela le gouvernement des Etats Unis déclare livrer pour 1 milliards $ d’armes / an aux groupes armés anti Bachard. Celui-ci pourrait donner l’impression de gagner de l’argent grâce à ces ventes gigantesques, mais c’est une goutte d’eau si l’on reprend les plus de 3 000 milliards $ – évaluation du prix Nobel de l’économie Joseph Stiglitz faite en 2010[23] – dépensés pour la seule guerre en Irak.

Au moins un pays de l’Union européenne a changé sa politique d’exportation en direction de l’Arabie Saoudite, il s’agit de la Suède. La ministre des affaires étrangères Margot Wallström a déclaré suspendre toutes les exportations d’armes pour des raisons de non respect des droits de l’Homme[24]. Même si le gouvernement suédois – avec 115 573 272€ d’autorisation de licences d’exportation en 2013 pour l’Arabie Saoudite[25] – n’était pas le plus gros vendeur de la région, il propose une lecture intéressante du préambule du traité sur le commerce des armes auquel il est Partie et qui précise :

« Sachant que la paix et la sécurité, le développement et les droits de l’homme sont des piliers du   système des Nations Unies et le fondement de la sécurité collective, et reconnaissant que le   développement, la paix et la sécurité, ainsi que les droits de l’homme sont interdépendants et se     renforcent mutuellement, »  

On peut penser qu’il y a là un lien avec ce paragraphe, mais il n’est pas certain que la déclaration de la ministre des affaires étrangères suédoise ait intégré toute la dimension stratégique qu’offre le traité sur le commerce des armes. La dramatique incapacité des Etats à penser l’assèchement du conflit, particulièrement avec la suspension des exportations d’armes, est le signe le plus frappant d’un attachement pathologique à la Realpolitik, à l’origine même de ces guerres.

Benoît Muracciole

[1] Qui comprend les territoires de l’Arabie Saoudite, du Bahreïn, d’Egypte, des Emirats Arabes Unis, d’Irak, d’Israël, de Jordanie, du Koweït, du Liban, du Qatar, d’Oman, de Syrie et du Yémen.

[2] Rapports des exportation d’armes de la France au Parlement : https://armerdesarmer.wordpress.com/rapports-au-parlement-sur-exportations-francaises-darmes/

[3] Les exportations d’armes classiques en Orient, Benoît Muracciole ; Les Cahiers de l’Orient n°106, printemps 2012 ; http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0474.asp#P567_42986 et le rapport de la cour des compte 2009 : Les industries d’armement de l’État, B – GIAT Industries, un redressement coûteux pour un rôle futur à préciser .

[4] Valeur 2008

[5] Voir livre Jean Guisnel : Armes de corruption massives, la découverte ; 2011

[6] https://armerdesarmer.wordpress.com/?s=Egypte+rafale note (15)

[7] http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/05/04/la-vente-de-rafale-profite-a-qatar-airways_4626755_3234.html#QBhjMtUQu86yFWuc.99 ;

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/vente-de-rafale-un-deal-entre-la-france-et-qatar-airways-non-dit-hollande-473759.html

[8] http://www.janes.com/article/49809/saudi-arabia-replaces-india-as-largest-defence-market-for-us

[9] Rapport de la cour des compte 2009 : Les industries d’armement de l’État, I – Le nouveau contexte page 688

[10] https://armerdesarmer.files.wordpress.com/2011/12/rapport-france-export-2006.pdf ; page 44 et avec le décompte par régions page 51

[11] Ibid.

[12] http://www.independent.co.uk/news/mark-thatcher-accused-sources-say-he-got-12m-pounds-from-arms-deal-signed-by-his-mother-1441851.html

[13] http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2015/08/russian-arms-supply-middle-east.html#ixzz40LWjuBEf

[14] https://www.rt.com/news/327970-germany-arms-saudi-arabia/

[15] http://www.reuters.com/article/us-germany-arms-exports-idUSKCN0WG1BH ; http://www.ladepeche.fr/article/2015/06/24/2131240-airbus-helicopters-va-vendre-23-appareils-a-l-arabie-saoudite.html

[16] Small Arms Survey a pu tracer en Syrie des munitions fabriquées entre 1964 et 2011 : http://www.smallarmssurvey.org/fileadmin/docs/F-Working-papers/SAS-WP18-Syria-Headstamp-Trail.pdf

[17] http://www.haaretz.com/israel-news/1.665113 ; http://www.middleeasteye.net/news/report-leaked-documents-show-israel-tried-sell-weapons-syria-oppositon-1500586222

[18] http://www.defensenews.com/story/defense/policy-budget/industry/2015/05/21/israel-defense-exports-plunge-to-seven-year-low/27728387/

[19] http://www.globalresearch.ca/is-turkey-collaborating-with-the-islamic-state-isis/5491516 , http://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-turkey-arms-idUSKBN0O61L220150521 , http://www.lrb.co.uk/v38/n01/seymour-m-hersh/military-to-military

[20] Voir « The Red Line and the Rat Line »   de Seymour Hersh ; avril 2014 : http://www.lrb.co.uk/v36/n08/seymour-m-hersh/the-red-line-and-the-rat-line

[21] http://www.lrb.co.uk/v38/n01/seymour-m-hersh/military-to-military

[22] P 28 : https://www.fas.org/sgp/crs/mideast/RL33533.pdf

[23] The Three Trillion Dollar War de Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, 2008, Ed W. W. Norton : http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/09/03/AR2010090302200.html

[24] http://www.france24.com/fr/20150311-suede-cooperation-militaire-arabie-saoudite-armes-exportations-droits-homme

[25] Rapport COARM UE : https://armerdesarmer.wordpress.com/rapports-coarm/





Et si Obama apprenait à Cuba comment protéger les citoyens étasuniens de la violence armée ?

17 03 2016
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Maison pour le séchage du tabac Vinales Cuba © Benoît Muracciole

Le voyage annoncé du Président des Etats Unis à Cuba semble avoir suscité des réactions pour le moins épidermiques de la part de nombreux journaux étasuniens[1]. Sans se poser le moins du monde la question du « bon droit », beaucoup pensent en effet que le Président Obama est la personne légitime pour aborder la question des droits de l’Homme auprès du gouvernement cubain.

Pourtant – et cela va bien au delà des problèmes endémiques de violations des les droits économiques sociaux et culturels, parties intégrantes des droits de l’Homme[2], auxquels les États Unis font face depuis des décennies – la question de la légitimité est ici primordiale. Ce ne sont donc pas les exhortations répétées en direction du Président Obama de « persuader » Raoul Castro d’engager le gouvernement cubain dans le respect de ces droits fondamentaux qui changera ce paradigme.

 

De ce point de vue, un rapide comparatif des praxis de ces deux pays est édifiant :

Oui la politique du gouvernement cubain à un volet répressif certain qui, selon le rapport annuel d’Amnesty International[3], arrête   et retient arbitrairement[4] (entre une et 30 heures) quelques 8 000 personnes chaque mois, en plus des cinq prisonniers d’opinion que le pays comptait à la fin de l’année 2014[5].

Mais que dire de la privation systématique de la vie privée aux États Unis révélée par Edward Snowden[6] et de la condamnation ainsi que des harcèlements de toutes sortes des centaines de lanceurs d’alerte comme Chelsea Manning (35 ans de prison), Jane Turner[7] ou John Kiriakou (30 mois de prison) pour les plus connus[8], ainsi que les détenus de Guantanamo[9] ?

Oui la politique du gouvernement cubain connaît de sérieux problèmes liés à la pauvreté et à l’accès au logement pour de nombreuses familles, particulièrement à La Havana[10].

Mais il n’y a rien de comparable à la violence des inégalités sociales aux États Unis qui comptait, dans une estimation de l’United States Census Bureau[11], plus 46,7 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en 2014 (14,8% de la population) et environ 1,56 millions de personnes vivant sans domicile en 2009[12].

Mais en essayant de reprendre, avec un souci d’honnêteté, quelques uns des droits fondamentaux, parties des différentes Conventions sur les droits de l’Homme[13], nous pourrions nous arrêter sur un des plus essentiels d’entre eux : le droit à la vie[14]. En effet, comme nous l’avions montré dans un billet précédent[15], la plus définitive des menaces que connaissent les citoyens étasuniens – citoyenneté qui comprend toutes les personnes vivant dans ce pays, y compris les sans papiers – est la privation de la vie par une personne usant d’une arme à feu. En effet, bien plus que les actes de terrorisme, le nombre de morts par armes à feu dans ce pays depuis le 11 septembre 2001 dépasse les quatre cent soixante dix mille (470 000) personnes[16]. Le nombre des personnes blessées physiquement ou psychologiquement, pour la même période, le distance largement puisqu’il s’élève à plus d’un million cinq cent soixante mille (1 560 000 000) personnes[17].

 

Il ne semble pas non plus que la solution proposée par la NRA, après le massacre de Sandy Hoock en décembre, de mettre un policier armé dans chaque école soit la solution[18]. Les tueries de fort Hood au Texas en 2009 et 2014[19], au Navy Yard a Washington DC en 2013[20] et de Chattanooga dans le Tennessee en juillet 2015[21] démontrent dramatiquement que la présence de professionnels armés ne peut toujours empêcher un individu d’en massacrer d’autres.

C’est sur ce point que la discussion pourrait porter entre les deux hommes. La violence des armes à feu à Cuba est à un niveau singulièrement bas, particulièrement celui concernant les homicides. Les chiffres – recueillis par GunPolicy.org[22] – sont édifiants. En 2013, le nombre d’homicides répertoriés sur l’ile est de 674 pour une population de 11 270 000 habitants (5,98 / 100 000 hb) ce qui est important, mais il tombe à 22 personnes tuées lorsqu’il s’agit d’un meurtre par arme à feu (0,20 / 100 000 habitants)[23], un des taux les plus bas de la planète[24].

Ce taux est de plus impressionnant encore lorsque l’on regarde celui des pays environnants :

 

  • Haïti le nombre d’homicides en 2014   est de 942[25] pour 10,8 millions d’habitants (8,77/ 100 000 habitants) ;
  • République Dominicaine le nombre d’homicides en 2013  est à 1 254 pour 10 millions d’habitants (12,54 / 100 000 habitants[26]) ;
  • Jamaïque en 2013 est de 884 morts pour 2,9 millions d’habitants (30,4 / 100 000 habitants ) ;
  • Kitts and Nevis le nombre d’homicides en 2011 est de 30[27] pour 54 000 habitants (55,53) ;
  • Bahamas le nombre d’homicides en 2013 est de 105[28] pour 320 000 habitants (32,81 / 100 000 habitants) ;
  • Honduras, le nombre d’homicides en 2013  est à 5 630[29] pour 10 millions d’habitants (56,30 / 100 000 habitants) ;
  • Guatemala le nombre d’homicides en 2013  est à 1 254 pour 10 millions d’habitants (12,54 / 100 000 habitants[30]) ;
  • Mexique le nombre d’homicides en 2014  est à 13 283 (1 642+ 11 541 +100[31]) pour 122,30 millions d’habitants (9,7 / 100 000 habitants) ;
  • San Salvador le nombre d’homicides en 2014  est à 2 976[32] pour 6,34 millions d’habitants (46,94 / 100 000 habitants) ;
  • Venezuela le nombre d’homicides en 2014  est entre 17 778 et 24 980[33] pour 30,41 millions d’habitants (entre 58,96 et 82,10 / 100 000 habitants) ;

 

Le choix par le gouvernement cubain, depuis 1960, de privilégier l’éducation avec un budget qui approche les 13% du PIB[34] – où quel que soit l’âge il est toujours possible de reprendre des études gratuites – pourrait inspirer le Président Obama. Les États Unis ne dépensent que 5,8% de son PIB dans l’éducation et les étudiants étasuniens totalisent plus de 1 200 milliards$ de dettes[35] (1 088 milliards€). Il me semble en effet raisonnable de penser que le succès de la lutte pour la diminution des actes de violence des armée vient aussi de l’éducation et qu’elle se conçoit dans le temps long.

 

Voilà donc un agenda tout tracé pour les deux chefs d’État. Peut être même que pendant leurs séances de travail, les deux Présidents pourront écouter des lectures d’auteurs[36] comme c’est toujours le cas pour les travailleuses et les travailleurs des fabriques de cigares[37].

 

Benoît Muracciole

[1] Avec plus ou moins de discernements selon les journaux : http://www.nytimes.com/2016/02/19/world/americas/obama-cuba-trip.html?_r=0 http://www.nationalreview.com/article/431692/obama-cuba-upcoming-trip , http://edition.cnn.com/2015/01/12/americas/cuba-prisoners-release/ , http://www.latimes.com/world/mexico-americas/la-fg-obama-cuba-visit-20160218-story.html , http://edition.cnn.com/2016/02/17/politics/obama-cuba-visit/ , http://www.usatoday.com/story/news/2016/02/17/obama-cuba-visit/80513264/ , http://insider.foxnews.com/2016/02/22/greta-van-susteren-calls-out-obama-planning-fun-trip-cuba-skipping-scalias-funeral ,

[2] Dont le droit à l’éducation pour tous, le droit à la santé pour tous, le droit à un logement pour tous…

[3] Rapport annuel AI 2014-2015 pages 158-159

[4] Il est dommageable que l’expression d’une opinion dissidente dans un lieu publique soit sujette au risque, substantiel, d’une arrestation voir d’un bref emprisonnement

[5] Plusieurs douzaines selon le rapport d’Human Rights Watch : https://www.hrw.org/world-report/2015/country-chapters/cuba#876dea

[6] https://armerdesarmer.wordpress.com/2013/06/27/les-droits-de-lhomme-et-internet-chine-etats-unis-russie-meme-combat/

[7] http://www.whistleblowersblog.org/2015/09/articles/news/fbi-whistleblower-featured-in-timberjay-news/ , https://en.wikipedia.org/wiki/Jane_Turner_(FBI_whistleblower)

[8] http://www.whistleblowersblog.org/articles/government-whistleblowers/

[9] https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/magazine-amnesty/2015-1/etats-unis-guantanamo-sous-la-loupe

[10] Espina Prieto (2008) et Mesa-Lago (2006) estiment que l’incapacité́ à satisfaire ses besoins de base touche environ 20% de la population cubaine entre 1999 et 2002. Mais la santé est gratuite et « l’amélioration des conditions sanitaires a en effet rallongé l’espérance de vie de vingt ans en deux générations : de 59 ans en 1953 à 78 ans en 2012… ». « …Elles (les autorités) n’ont pas versé aux familles de revenu supplémentaire, elles ont aménagé les conditions d’emploi des femmes enceintes et accordé des congés maternité généreux, soulagé les femmes ayant des grossesses difficiles des obligations familiales en leur proposant une institutionnalisation (hogar materno), systématisé l’éducation sexuelle et prévu une priorité d’accès à l’emploi pour les mères célibataires, garanti un large accès en crèche et universalisé la pré-scolarisation. Elles sont aussi accordé aux enfants nés hors mariage légal les mêmes droits qu’aux autres… »

Quelle « Bonne famille » ? assistance et solidarités familiales à Cuba Blandine Destremau

http://www.scielo.br/pdf/cp/v44n152/fr_04.pdf

[11] http://www.census.gov/hhes/www/poverty/data/incpovhlth/2014/highlights.html

[12] Executive summary ; page iii : https://www.huduser.gov/Publications/pdf/2009_homeless_508.pdf

[13] Notons qu’à ce jour Cuba n’avait toujours pas ratifié la Convention sur les droits civils et politiques ainsi que le Protocole des droits sociaux économiques et culturels.

[14] Article 3

Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

[15] https://armerdesarmer.wordpress.com/2014/07/12/al-qaida-vs-la-national-rifle-association-nra-combien-de-morts/

[16] Ibid. Chiffre remis à jour au 23 février 2016

[17] http://www.bradycampaign.org/key-gun-violence-statistics , chiffres sans doute en dessous du réel car certaines victimes ne portent pas plainte.

[18] https://www.washingtonpost.com/politics/remarks-from-the-nra-press-conference-on-sandy-hook-school-shooting-delivered-on-dec-21-2012-transcript/2012/12/21/bd1841fe-4b88-11e2-a6a6-aabac85e8036_story.html

[19] http://edition.cnn.com/2014/04/02/us/fort-hood-shooting/

[20] http://www.usatoday.com/story/news/2015/07/02/what-happened-in-2013-navy-yard-shooting/29614339/

[21] http://www.nbcwashington.com/news/local/A-History-of-Shootings-at-Military-Installations-in-the-US-223933651.html

[22] Centre de recherche qui est accueilli par l’université de Sydney http://www.gunpolicy.org/about

[23] http://www.gunpolicy.org/firearms/region/cuba

[24] Il est vrai que la loi cubaine est extrêmement restrictive quant à la possession d’armes par les civils. Décret-loi No. 262 de décembre 2008 : http://www.poa-iss.org/CASACountryProfile/PoANationalReports/2010@51@2010-National-Report-Cuba-REV.pdf . Mais il serait insuffisant de considérer cette loi comme l’unique cause de cette absence de violence armée, ou plutôt de ce sentiment de sécurité que l’on rencontre lorsque que l’on traverse l’ile de part en part.

[25] http://nofi.fr/2015/03/3-haitiens-meurent-chaque-jour-de-coups-de-feu/14512

[26] www.gunpolicy.org/firearms/region/dominican-republic

[27] http://www.gunpolicy.org/firearms/region/st-kitts-and-nevis

[28] http://www.gunpolicy.org/firearms/region/bahamas

[29] www.gunpolicy.org/firearms/region/dominican-republic

[30] www.gunpolicy.org/firearms/region/dominican-republic

[31] les 11 641 (lignes x94 et X95) représentent environ 60% des crimes par armes à feu, j’applique donc ce pourcentage à la ligne Y09) : http://www.inegi.org.mx/saladeprensa/boletines/2015/especiales/especiales2015_07_4.pdf

[32] http://www.laprensagrafica.com/2014/12/30/el-77-de-homicidios-fueron-cometidos-con-armas-de-fuego-en-2014

[33] Chiffres donc indicatifs et qui ne distingues pas les homicides par armes à feu des autres : http://informe21.com/actualidad/venezuela-cuadruplica-tasa-de-homicidios-de-otros-paises-en-america-latina

[34] http://hdr.undp.org/en/content/expenditure-education-public-gdp

[35] http://www.lemonde.fr/campus/article/2015/08/25/la-crise-de-la-dette-etudiante-nouvel-enjeu-de-la-presidentielle-americaine_4736186_4401467.html

[36] Chaque jour ils votent les textes qui leurs seront lus pendant toutes leurs heures de travail.

[37] Qui pourraient comme, les ouvriers étasuniens aussi, avoir de meilleurs salaires. Un travailleur touche 300 pesos cubanos par mois plus environ 7 pesos cubanos / jour (pour un peu plus d’une centaine de cigares fait main. 25 pesos cubano = 1$).





Quelle chance pour le cessez-le-feu au Moyen Orient ?

4 03 2016

Cessez-le-feu-treve-provisoire-de-deux-semaines-en-Syrie

Depuis le 22 février un accord a donc été conclu pour un cessez-le-feu entre les parties du conflit Syrie / Irak (pas toutes car les Takfiristes de Syrie et d’Irak, le Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaida en sont exclus). Il est entré en vigueur le 27 février à minuit. Sur le terrain il a été de nombreuses fois violé[1], notamment par l’armée turque[2], même s’il est toujours difficile de discerner et d’identifier, en temps de guerre, les véritables responsables d’actes qui pourraient remettre en cause un processus de paix ou provoquer l’entrée d’autres forces dans un conflit[3].

Mais il ne faut pas oublier qu’un cessez-le-feu est comme une cure de désintoxication, il faut en faire plusieurs pour en accepter l’issue avec conviction et sortir des logiques d’addictions que la prise, à hautes doses, de substances (alcool, drogues, médicaments…) impose. L’addiction étant ici renforcée par les enjeux stratégiques :

  • économiques avec notamment la rivalité entre les projets de gazoduc Iran/Syrie et du Qatar[4]
  • politiques dans la préservation de territoires d’influences.

Essayons donc d’analyser les positions des différentes parties et voir quels pourraient être leurs intérêts à trouver une véritable résolution dans ce conflit.

 

Du coté de Bachard al-Assad et de ses alliés Hezbollah, Iraniens et Russes il semble qu’il y ait une alliance plus « cohérente » – qui existe aussi malheureusement dans les moyens militaires utilisés contre les civils avec de graves violations des droits de l’Homme, des crimes de guerre[5] et des crimes contre l’humanité[6] – dans leur stratégie pour sortir de la guerre et obtenir un accord politique acceptable pour leurs intérêts en Syrie.

Il semble, car le régime de Bachar al-Assad continuerait d’être obsédé par la reconquête totale du territoire syrien, autant dire une guerre sans fin.

Pour les Russes et les Iraniens – chez lesquels il y a une volonté très forte de ne pas répéter les dramatiques interventions des pays occidentaux en Afghanistan, en Irak, en Libye, et à moindre degré au Mali – il faut stabiliser ces deux pays et particulièrement la Syrie. Il y a donc, pour ces deux pays, une vision stratégique de fin de conflit, même s’il ne se réalisera pas à n’importe quel prix. La Russie, en plus d’une base navale qui lui est utile, ne peut accepter la présence de combattants extrémistes (plutôt nihilistes violents) dont l’idéologie pourrait s’expatrier à l’intérieur de ses frontières. Elle est également très attentive aux risques de voir les pays occidentaux faire encore avancer leurs intérêts (OTAN) comme en Ukraine.

L’Iran, qui depuis la révolution de 1979 tient une politique extérieure indépendante, veut que ce conflit régional soit résolu régionalement[7]. Elle continue, malgré la crise économique qu’elle traverse, à soutenir le régime de Bachar al-Assad sans être, semble-t-il, obsédé par son maintien au pouvoir puisqu’elle l’avait invité à Téhéran avant même l’élection de Rohani[8]. La reconnaissance de l’Iran comme un acteur majeur de la région est maintenant actée et ce pays est aujourd’hui plus enclin à apaiser sa relation avec l’Arabie Saoudite[9] et à se concentrer sur la situation économique intérieure.

 

Dans le camp impliqué dans la lutte contre le régime de Bachard al-Assad, l’architecture des groupes armés et des Etats est bien plus complexe. Pour les pays occidentaux engagés, le discours renvoyé aux opinions publiques fut assez simple : il faut défendre les droits de l’Homme ! Avec un appui certain de la grande presse, les émotions ont été mobilisées à propos, notamment, des yézidis et des chrétiens d’Orient[10]. Cependant il est important de noter qu’à la vue du nombre de réfugiés accueillis à ce jour – en France, en Grande Bretagne et aux Etats Unis – ces postures ressemblent aux classiques narrations fictionnelles de ces mêmes gouvernements.

L’engagement sans discernement en terme d’exportations d’armes en direction des groupes aux idéologies absolutistes, et ce malgré les alertes des services de renseignements et des ONG[11], n’apparait pas toujours comme la volonté de trouver un accord pour une paix durable. Pire, si l’on en croit Alastair Crooke, ancien conseiller Moyen-Orient dans le domaine de la sécurité de l’Union Européenne[12], le cessez-le-feu ne sert qu’à réarmer les Takfiristes de Syrie et d’Irak, dont le Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaida[13]. Quant au traité sur le commerce des armes, qui vient d’enregistrer son 82 État Parties, il semble encore jouer le rôle d’un « joli tableau » dans les chancelleries des grands pays exportateurs[14].

 

Absence de stratégies ou au contraire stratégies ancrées dans de vieilles visions datant de la conférence de Berlin, de la fameuse partition Sikes / Picot[15] augmentée par celle du Heartland de Halford John Mackinder[16] et du Rimland de Nicholas Spykman[17] ?

Bien difficile de répondre avec assurance à cela, mais les signes donnés par la coalition occidentale renforcent ce doute[18]. Nous l’avons écrit ici de nombreuses fois, seul un accord sur un programme d’assèchement des combattants, en terme d’armes et de revenus, pourrait permettre une authentique négociation en y comprenant également tous les enjeux économiques et stratégiques des pays engagés.

Les prochaines semaines nous dirons quels ont été les choix du camp de la « démocratie » et les droits de l’Homme.

Benoît Muracciole

[1] http://lematin.ma/journal/2016/15-violations-du-cessez-le-feu-en-syrie/242644.html ,

[2] http://www.breitbart.com/national-security/2016/03/01/bombing-continues-despite-cease-fire-in-syria/ , http://www.hurriyetdailynews.com/turkey-denies-hitting-ypg-positions-in-northern-syria.aspx?pageID=238&nID=95801&NewsCatID=341

[3] Voir par exemple la question de l’utilisation du gaz sarin en août 2013 : https://www.documentcloud.org/documents/1006045-possible-implications-of-bad-intelligence.html . http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/syrie-la-responsabilite-du-regime-d-assad-dans-l-attaque-du-21-aout-ne-fait-aucun-doute_1283834.html , A ce propos également voir le documentaire avec l’ancien secrétaire d’Etat à la défense Robert S McNamara dans « Frog of War et particulièrement à partir de 1:04:50 : https://www.youtube.com/watch?v=-KSqnK_9WRA

[4] http://www.wsj.com/articles/SB10001424053111903591104576467631289250392

[5] Article 16 de la commission international des Nations Unies : https://armerdesarmer.wordpress.com/2014/07/30/de-la-responsabilite-des-etats-dans-le-soutien-aux-actes-illegaux-dautres-etats-suite/ et https://www.amnesty.org/en/latest/news/2015/12/syria-russias-shameful-failure-to-acknowledge-civilian-killings/ https://www.hrw.org/news/2016/02/08/russia/syria-daily-cluster-munition-attacks , https://www.hrw.org/news/2015/10/25/russia/syria-possibly-unlawful-russian-air-strikes ,

[6] http://orientxxi.info/magazine/les-calculs-de-la-russie-a-l-heure-du-cessez-le-feu-en-syrie,1221

[7] Ibid.

[8] Azadeh Khian à partir de la 27° minute : http://www.rfi.fr/emission/20160116-iran-arabie-saoudite-affrontement-crainte

[9] L’ Arabie Saoudite vient de suspendre l’aide de 4 milliards $ au Liban jugé « trop chiites », donc les armes pour l’armée libanaise que devaient livrer la France : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/02/19/97001-20160219FILWWW00193-riyad-interrompt-son-aide-militaire-au-liban.php

[10] http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/L-accueil-en-France-de-chretiens-et-yezidis-irakiens-n-est-pas-remis-en-cause-2015-09-22-1359605 , http://www.lexpress.fr/actualite/societe/le-sort-des-migrants-emeut-il-moins-que-celui-des-chretiens-d-orient_1712284.html , http://www.bbc.com/news/uk-34839477 , http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/islamic-state/11748943/UK-is-denying-refuge-to-Christians-fleeing-Isil-say-church-leaders.html , https://www.opendoorsusa.org/christian-persecution/stories/tag-blog-post/why-arent-more-christians-among-the-syrian-refugees-coming-to-the-united-states/ , http://www.foxnews.com/world/2015/08/12/yazidi-refugees-flee-isis-but-find-door-to-us-asylum-closed.html

[11] Voir : https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/01/06/sortir-des-logiques-de-violence-des-etats-au-moyen-orient/

[12] https://www.youtube.com/watch?v=clmy7hYOymY

[13] En France les décisions semblent influencées par de jeunes diplômés accros aux jeux de Nitendo, et ce nonobstant les alertes rouges envoyés par certains militaires.

[14] Rappelons encore ici l’article 6 qui interdit toute exportation qui viole les engagements internationaux des Etats et l’article 7 qui obligent ces mêmes Etats à considérer le risque prépondérant :

  1. i) Commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission;
  2. ii) Commettre une violation grave du droit international des droits de l’homme ou à en faciliter la commission;

https://armerdesarmer.files.wordpress.com/2010/04/texte-final-tca-2-avril-13-1.pdf

[15] http://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/LAURENS/10102

[16] https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_Heartland

[17] https://en.wikipedia.org/wiki/Rimland

[18] http://www.middleeasteye.net/columns/war-islamic-state-new-cold-war-fiction-1608242142