A travers quelques exemples précis, nous voulons montrer que la mise en place d’une loi régissant l’intermédiation est indispensable. Les deux cas suivants mettent en avant les conséquences de l’absence de contrôle des ventes d’armes opérées par des intermédiaires.
I Le projet de loi concernant l’intermédiation.
A) définition de l’intermédiation :
« Art. 23-1. – Constitue une activité d’intermédiation, lorsqu’elle est menée au profit de toute personne, quel que soit le lieu de son établissement, sous la forme d’opérations de courtage ou bien celle d’opérations faisant l’objet d’un mandat particulier ou d’un contrat de commission, toute activité à caractère commercial ou à but lucratif dont l’objet est, soit de rapprocher des personnes souhaitant conclure un contrat d’achat ou de vente de matériels de guerre ou de matériels assimilés, soit de conclure un tel contrat pour le compte d’une des parties. »[1]
Au jour d’aujourd’hui, la définition et le cadre de l’intermédiation définit dans l’article 23-1, ne permettent pas de faire face au commerce illicite d’armes mené par les courtiers car elle ne prend pas en compte tous les intervenants.
Pour que s’instaure un contrôle opérant et efficace, il est indispensable, au même titre que les courtiers, que toutes personnes impliquées entre le producteur et l’utilisateur final, transporteurs, financiers, assureurs…, soient considérés comme partie prenante des activités d’intermédiation et donc responsable à niveau égal au regard de la loi. Cela n’apparaît pas de manière explicite dans l’article 23-1 alors que pour être efficace, la loi définissant l’intermédiation devrait explicitement les nommer.
Les financiers dans « L’Angolagate »
En étaient les acteurs d’une part la Sofremi[2] et d’autre part Pierre Falcone, homme d’affaire français, qui, par sa société de vente d’armes, Brenco International, serait impliqué dans diverses affaires de commerce illicite d’armes. En effet, la Brenco International a vendu entre 1993 et 1994, sans avoir reçu d’autorisation officielle des autorités françaises, du matériel de guerre à l’Angola qu’elle se procurait auprès de sociétés slovaques et russes[3], comme l’atteste un avenant signé en 1995 par Pierre Falcone et son associé Arcadi Gaydamak qui étend le contrat avec l’Angola à 553 millions de dollars. Les ventes d’armes avaient été effectuées par l’intermédiaire d’une société slovaque, la ZTS-Osos représenté en France par Brenco, auprès de Promexport, l’une des principales entreprises russes spécialisée dans la livraison de matériel militaire. Ce trafic d’arme se serait poursuivi au moins jusqu’à l’été 2000, pour preuve la saisie en 2001 de documents à la Sofremi établissant l’approvisionnement de l’Angola en armes de guerre lourdes pour au moins 100 millions de dollars via la société Brenco International.
Enfin, en 1996, lors d’une perquisition à Paris, les services fiscaux découvrent l’ampleur du trafic d’armes vers l’Angola qui inclut des mines antipersonnel. Il faut rappeler que ces armes sont interdites par la convention d’Ottawa (1997), ratifiée par la France.
Au fait d’avoir vendu des armes en toute illégalité, s’ajoute le fait que ces transferts incluaient des armes misent hors la loi par le droit international.
Parmi les financiers impliqués dans les opérations de « l’Angolagate » se trouve également en bonne place la banque française BNP Paribas. Dans un rapport de synthèse les policiers déclarent que d’important crédit, a hauteur de 30 millions d’euros, ont été mis en place gagés sur la livraison future de pétrole angolais. Au final, L’enquête du juge Courroye a établi qu’entre 1995 et 1997, Paribas a financé à hauteur de 573 millions de dollars les ventes d’armes effectuées par la société ZTS Osos à l’Angola.
Les financiers intervenant ainsi doivent être inclus parmi les acteurs lorsqu’il s’agit de considérer ce type d’activités.
II) Le champ d’application du projet de loi :
« L’article L. 2332-12 définit le champ des opérations d’intermédiation couvertes par le projet de loi et explicite les différentes formes juridiques (courtage, mandat particulier ou contrat de commission) que peuvent prendre ces opérations. »
« L’article L. 2332-13 pose le principe de l’autorisation préalable des opérations d’intermédiation et d’achat pour revendre pour les matériels de guerre et matériels assimilés visés par les dispositions de l’article L. 2335-3 du code de la défense ; ce régime s’applique aux personnes résidentes ou établies en France pour les opérations réalisées en France ou à l’étranger. Seule la fourniture de matériel à l’étranger est visée.
Cet article précise en outre le champ d’application du régime d’autorisation en excluant les opérations d’intermédiation réalisées au profit de personnes établies en France pour faciliter l’exportation depuis la France des matériels concernés. L’exportation étant soumise au contrôle déjà prévu par le code de la défense, c’est en effet à ce titre que ces opérations seront contrôlées. De même, les opérations d’achat pour revendre qui se traduiront par une exportation hors de France de matériels de guerre, soumise à ce contrôle des exportations déjà existant, sont exclues du nouveau régime. Enfin, les opérations d’intermédiation qui consistent en des transferts de matériels entre des États membres de l’Union européenne sont exclues du nouveau régime. »
Le projet de loi ne permet donc pas d’intervenir sur des intermédiations ayant lieu hors de l’Union Européenne pour des français non résident en France.
CE QU’IL FAUT
a) L’exigence d’une licence et d’un enregistrement des courtiers de nationalité française quelque soit le lieu d’exercice de leurs activités et des courtiers de toute nationalité domicilié sur le territoire français ; [le défaut d’enregistrement permet de qualifier d’illicite toute transaction effectuée n’importe où par un français ou en France par un étranger]
b) L’exigence d’une licence ou d’une autorisation pour chaque opération de courtage (les critères du Code de conduite de l’UE doivent être respectés)
è 2 licences donc : une pour être courtier (enregistrement) et une pour chaque opération de courtage. Celles-ci sont délivrées par les autorités étatiques compétentes CIEMG.
c) L’exigence de l’indication sur les licences ou autorisations d’importation et d’exportation, ou sur les documents d’accompagnement, du nom et de l’emplacement des courtiers participant à la transaction.
d) La limitation du nombre d’intermédiaires autorisés à opérer sur le territoire français
e) Le fait que les armes ne partent pas de ou ne transitent pas par la France n’empêche pas l’application de cette loi
Le cas Robert Montoya
Un cas typique d’intermédiation concerne le trafiquant d’armes français Robert Montoya. Depuis une quinzaine d’années, établi en Afrique, il s’est reconverti en tant que consultant en sécurité, transporteur et marchand d’armes et menait depuis le Togo des activités lucratives liées à l’armement.
Ses affaires y sont multiples. Par le biais de la société de sécurité privée qu’il aurait créé, la Darkwood, basée à Lomé[4], il se livre à des activités de négoce, employant près de 2500 personnes dans 7 pays africains. N’étant pas établi sur le sol français, ses activités ne sont donc pas sous la responsabilité des autorités françaises.. En effet, Robert Montoya n’étant pas établi en France, ce ne sont pas ses activités d’intermédiation mais son apparente implication dans le bombardement de Bouaké[5] qui a permis à la justice de s’intéresser à lui. Le cadre juridique actuel ne permet pas son inculpation concernant le commerce illicite d’arme.
Malgré le vote à l’unanimité du Conseil de sécurité des Nations Unies, la résolution 1572 impose un embargo sur les armes de 13 mois à la Côte d’Ivoire, les conclusions d’une enquête de l’ONU attestent d’une assistance technique de la Darkwood, la société de Montoya, ainsi que de ventes ultérieures auprès de l’armée ivoirienne. Ces transferts d’armes internationaux ont donc eut lieu sans qu’aucune loi ne puisse les contrôler.
[1] Source : senat.fr, session du 12 décembre 2001
[2] Organisme du ministère de l’intérieur, créé en 1985, et détenu à 35% par l’Etat, chargé de l’exportation de matériel sensible, notamment d’armes pour des polices étrangères.
[3] Source : tf1, news, le 20/09/03
[4] Source: letogolais.com, 9 février 2006.
[5] Le 6 novembre 2004, lors du bombardement de Bouaké, deux avions des forces ivoiriennes bombardent le camp militaire de Bouaké, ce qui coûte la vie à 9 soldats français et un civil étasunien. Il a été établi que les deux avions soukhoi-25 ont été livrés à l’armée ivoirienne par l’intermédiaire de la Darkwood qui se serait elle-même fournie auprès d’une société ukrainienne d’armement, la BSVT[5] Source : abidjan.net, le 17 janvier 2006. L’enquête rendra également la Darkwood responsable de la livraison des deux tiers du matériel militaire de la côte d’ivoire entre 2002 et 2004 par un rapport des Nations Unis du 7 novembre.2005