Troisième jour de la 7e conférence des Etats parties au TCA

1 09 2021




Ventes d’armes de la France : Quel respect des critères du traité sur le commerce des armes (TCA) ?

5 06 2016

ASER_HD
Paris, le 05  juin 2016

 

Réactions à la publication du nouveau rapport au parlement sur les exportations d’armements de la France en 2015

L’association Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER) note l’effort fait par le gouvernement français de présenter dès ce mois de juin son rapport sur les exportations d’armes françaises au Parlement. Cependant ASER continue de déplorer que ce rapport ne soit pas soumis à un débat parlementaire comme cela se fait dans nombre d’autres pays exportateurs majeurs d’armes classiques.

Ce débat pourrait être une occasion d’expliquer comment le gouvernement peut autoriser, en conformité avec les critères du TCA[1] dont la France est partie, les exportations d’armes en direction de pays qui font partie de la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite (Bahreïn, Égypte, Émirats Arabes Unis, Koweït, Maroc, Qatar.) Cette « coalition » mène au Yémen depuis plusieurs années, une intervention militaire entachée de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.

Nous rappelons ici la résolution 2016/2515(RSP), votée le 25 février dernier par le Parlement européen réclamant la suspension immédiate des transferts d’armes et du soutien militaire à l’Arabie saoudite et à ses partenaires au sein de la coalition[2].

ASER est également très préoccupé par les transferts d’armes de la France en direction de la Turquie impliquée dans le soutien auprès des Takfiristes de Syrie et d’Irak ainsi qu’auprès de groupes armés syriens en lutte contre le régime de Bachar Al Assad, qui d’après les informations rassemblées sont responsables de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire et / ou de diversion de ces armes livrées.

Les répressions internes organisées par des régimes tels que Bahreïn, l’Égypte, Israël ou la Turquie ou le  Tchad devraient amener le gouvernement français à une interprétation plus rigoureuse des critères du TCA, notamment de l’article 7 qui précise que si l’État Partie exportateur estime qu’il existe un risque prépondérant que les armes puissent servir à commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission et/ou une violation grave du droit international des droits de l’homme ou à en faciliter la commission, Il n’autorise pas l’exportation.

Enfin, malgré une affirmation de transparence affichée dans ce rapport, celui-ci ne permet pas au lecteur de connaitre avec précision la réalité et l’efficacité des contrôles effectués sur les exportations selon le type de matériel militaire et/ou de sécurité.

 L’association ASER (Action Sécurité Éthique Républicaines) représentante du RAIAL[3] pour l’Europe. ASER lutte pour le respect des droits de l’Homme dans les transferts d’armes et dans l’action des services de police et de sécurité.  ASER est accréditée aux Nations Unies.

[1] Le TCA est signé par 130 pays dont les Etats Unis, compte par 82 Etat parties qui seront 85 en aout 2016.

[2] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+B8-2016-0151+0+DOC+XML+V0//FR

[3] Réseau d’Action International sur les Armes légères

Contacts:

Pour demandes d’interview : Leila Leboucher Bouache : +33 6 62 07 66 77





Traité sur le commerce des armes : entrée en vigueur, perspectives et défis

30 12 2014

Salle de l'Assemblée Générale de l'ONU. Photo Benoît Muracciole

Salle de l’Assemblée Générale de l’ONU. Photo Benoît Muracciole

 Article de la Revue internationale et stratégique 2014, mis en ligne avec l’aimable autorisation de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) ainsi que de l’International Peace Information Service (IPIS)

L’entrée en vigueur imminente du Traité de commerce des armes (TCA), à la fin de l’année 2014[1], est perçue comme un motif d’espoir : le bannissement des transferts irresponsables d’armes conventionnelles serait sur le point de commencer. Au cours de l’année écoulée, et depuis l’adoption décisive du traité par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) le 2 avril 2013, les déclarations d’engagement des États pour mettre en oeuvre le TCA ont fait boule de neige[2]. Le TCA constitue un changement de paradigme dans le droit international sur les transferts d’armes.

Pour la première fois dans l’Histoire, des obligations universelles relatives aux droits de l’homme ont été prises en compte aux côtés d’autres normes internationales afin de codifier des règles contraignantes visant à réglementer les transferts d’armes classiques. Mais le TCA n’est pas une panacée. Certaines de ses dispositions sont faibles ou vagues, laissant une large marge d’interprétation aux États parties. En outre, il comprend des normes tirées de systèmes et d’instruments juridiques différents, d’où une hiérarchie entre elles[3]. Son interprétation présente donc des défis. Il est également significatif, pour l’avenir du texte, de noter qu’il est né, dans sa forme moderne, au sein de la société civile, qui continue d’être un partenaire actif pour les États qui soutiennent l’élaboration du régime du traité[4].

Une perspective historique

Dans les années 1920 et 1930, les efforts des puissances impériales sous l’auspice de la Société des nations (SDN) pour élaborer une convention visant à limiter les transferts d’armes, d’abord à l’Afrique, à la Turquie et au Moyen- Orient, avaient échoué.

Les racines du problème remontent au moins au Pacte de la SDN, au traité de Saint-Germain-en-Laye (1919) et à la première Conférence mondiale du désarmement de 1932. Des projets d’articles proposés par les États-Unis avec le soutien de la France et de la Suisse furent adoptés par le Comité pour la règlementation du commerce et de la fabrication privée et d’État des armes et matériels de guerre en juillet 1934. Il s’agissait de mettre en place un système de « contrôle gradué » des armes interdites et réglementées, comprenant le commerce international des armes du secteur privé et les ventes de gouvernement à gouvernement, mais aussi des niveaux de réductions quantitatives et qualitatives, ainsi que la déclaration de ce commerce. Toutefois, ces niveaux de réduction ainsi que les critères universels pour les transferts n’ont pas été acceptés. Et, fin 1939, la course débridée aux armements conventionnels contribuait à pousser ces États dans une nouvelle guerre mondiale. Aux Nations unies, presque rien n’a été fait entre 1945 et 1990 pour établir des systèmes ou des normes de contrôle du commerce international des armes.

Cette tâche a été éclipsée par la menace d’une guerre nucléaire, la guerre froide et les conflits par procuration des années 1950 à 1980. Les États dominants n’étaient alors pas en mesure de concevoir des règles universelles pour limiter la production excessive d’armes ou d’accepter des critères juridiques objectifs et non discriminatoires pour arrêter l’utilisation probablement abusive et les dommages d’un transfert d’armes. En décembre 1990, la décision prise par 150 États d’établir un Registre des armes classiques, mesure visant à la transparence pour sept catégories d’armes offensives, recueillit un certain soutien après la guerre du Golfe.

Cependant, les « règles de retenue» volontaires, acceptées en 1991 par les membres permanents du Conseil de sécurité, qui avaient fourni la plupart des armes utilisées durant guerre du Golfe, étaient vagues, tout comme les « lignes directrices sur les transferts d’armes internationaux» approuvées par l’Assemblée générale en 1996. Comme dans les négociations sur le traité sur le commerce des armes au sein de la SDN, aucun critère juridique clair ne fut élaboré pour permettre aux États d’exercer équitablement et objectivement une telle retenue.

Les lauréats du prix Nobel et la campagne des ONG

 Ainsi, le développement du concept moderne de traité sur le commerce des armes fut laissé à l’initiative la société civile. Fin 1993 à Londres, dans les bureaux d’Amnesty International, quatre organisations non gouvernementales (ONG) plaidant pour le contrôle des armements conçurent l’idée initiale qui mena au TCA. Avec la participation de juristes des universités de Cambridge et d’Essex, elles rédigèrent un code juridiquement contraignant et commencèrent à promouvoir et à développer le concept. S’appuyant sur les lignes directrices de l’Union européenne sur les exportations d’armements et sur les principes de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur les transferts d’armes[5], les documents de travail comprenaient des séries de règles destinées aux États et conditionnant l’autorisation légale de tout transfert international d’armes classiques à la démonstration, pour l’État d’envoi, que ces armes ne seront pas utilisées pour des violations flagrantes des droits de l’homme ou d’autres violations graves du droit international.

Pour des raisons logistiques et stratégiques, l’effort initial de plaidoyer des ONG fut mené au sein de l’Union européenne (UE) et aux États-Unis. Mais, rapidement, l’idée se répandit beaucoup plus largement. En 1996, l’ancien président du Costa Rica et prix Nobel de la paix Oscar Arias réunit un groupe d’autres lauréats du prix Nobel, dont Amnesty International, pour travailler, avec un groupe d’ONG de petite taille, afin de promouvoir une proposition de code international de conduite juridiquement contraignant sur les transferts d’armes. Ils rencontrèrent des ministres des Affaires étrangères, des parlementaires et des responsables gouvernementaux en Europe et aux États-Unis, ainsi que les ambassadeurs à l’ONU de plus de 25 pays.

Toutefois, l’attention internationale se concentra presqu’exclusivement sur les questions de désarmement, notamment sur les armes de destruction massive, mais aussi sur la Campagne internationale pour interdire les mines antipersonnel. En 1997, les dirigeants européens commencèrent à réagir à cette pression politique de la société civile et, en mai 1998, le Conseil de l’UE adoptait le Code de conduite de l’UE sur les exportations d’armements. Ce document prenait en compte les droits de l’homme et d’autres critères pour les exportations, mais n’était pas juridiquement contraignant. Aux États-Unis, le sénateur John Kerry travaillait avec d’autres au sein du Congrès en 1997 et 1998 pour faire adopter une loi donnant mandat au président pour négocier un code international visant à réglementer les transferts d’armes tout en respectant les principes des droits de l’homme.

Mais les efforts de l’administration Clinton pour engager ces négociations furent minimes. En 1999, la plupart des efforts de la société civile portèrent sur la négociation du Programme d’action des Nations unies sur le commerce illicite des armes légères et de petit calibre[6], et deux autres petits instruments de l’ONU relatifs aux armes. Ceux-ci ne firent cependant pas référence à l’utilisation abusive des armes, entravant l’application effective des droits de l’homme et du droit international humanitaire pour réglementer ce commerce[7].

Ainsi, les ONG intensifièrent leurs efforts. En octobre 2003, Amnesty International, Oxfam et le Réseau international d’action contre les armes légères (IANSA) lancèrent la campagne «Contrôlez les armes », générant de la publicité à travers des événements, des publications et des mobilisations populaires3. Au cours des années suivantes, des centaines de milliers de personnes à travers le monde appelèrent les gouvernements à soutenir un TCA fort, doté de règles solides. En 2005, le soutien pour un tel traité était passé d’une poignée de gouvernements à plus de 50, de sorte qu’un mouvement fut engagé pour entamer un processus formel à l’Assemblée générale de l’ONU.

Encouragés par le plaidoyer de la société civile et par la position de certains gouvernements, 153 États adoptèrent – seuls les États-Unis votèrent contre –, le 6 décembre 2006, la résolution 61/89, demandant au secrétaire général de l’ONU «de solliciter les vues des États membres sur la viabilité, le champ d’application et les paramètres généraux d’un instrument global et juridiquement contraignant établissant des normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes classiques»[8].

En 2007, un nombre record d’États présentèrent leurs points de vue[9], la majorité appelant à des critères de transferts respectant les droits de l’homme, le droit international humanitaire et les interdictions relatives aux actes terroristes, et à ce que la portée du traité soit d’envergure. Il n’y avait presque pas de soutien pour un mécanisme de contrôle de l’application du traité. En 2008 et 2009, au cours d’une série de réunions à l’ONU, des experts gouvernementaux discutèrent d’éléments facultatifs[10]. Amnesty International et d’autres ONG plaidèrent pour des critères forts cristallisant les obligations des États[11].

En décembre 2009, l’Assemblée générale approuva un processus formel de négociation du traité. Au cours du mois de juillet 2012, cinq réunions du comité préparatoire présentèrent des propositions à la Conférence des Nations unies pour un traité sur le commerce des armes, travaillant sur la base du consensus. Des projets de documents de travail furent déposés entre 2009 et 2011 par le président du comité préparatoire et ambassadeur de l’Argentine à l’ONU, Roberto García Moritán[12]. Beaucoup de ses propositions, notamment celles du 14 juillet 2011, reflétaient celles promues antérieurement par Amnesty International et la campagne « Contrôlez les armes », mais furent édulcorées lorsque, le 3 juillet 2012, il présenta de nouveaux projets de textes de traité lors de la Conférence de l’ONU[13].

Contrecarrée par l’opposition de l’Algérie, de l’Égypte, de l’Iran, de la Corée du Nord et de la Syrie, et faisant face à des questions non résolues avec les États-Unis, la Russie et la Chine, la Conférence manqua de temps pour convenir d’un texte par consensus[14]. Néanmoins, après une nouvelle série de négociations à la Conférence finale des Nations unies pour un traité sur le commerce des armes – du 18 au 28 mars 2013, sous la présidence de l’ambassadeur Peter Woolcott (Australie) –, le texte final du TCA fut adopté par l’Assemblée générale le 2 avril 2013[15].

Forces et faiblesses du texte

Le champ d’application du TCA couvre l’exportation, l’importation, le transit, le transbordement et le courtage des sept principales armes conventionnelles définies dans le cadre du Registre des armes classiques des Nations unies, ainsi que des armes de petit calibre et des armes légères – la formule «7 + 1» (art. 2). Ces catégories d’armes classiques sont fréquemment utilisées et détournées pour des actes illicites. La Chine et d’autres pays se sont opposés à ce que les armes légères et de petit calibre soient incluses, mais ont finalement cédé à la pression de l’écrasante majorité des États, notamment africains.

Cessions, prêts, location d’armes ne sont pas explicitement mentionnés, principalement en raison de l’opposition de la Chine, mais de telles opérations tombent déjà sous des définitions du commerce international des Nations Unies. Les États doivent disposer d’un système pour interdire certains transferts et évaluer soigneusement les risques spécifiques liés à l’exportation avant de décider de l’autoriser (art. 5 et 7.5). Toutefois, le TCA n’oblige pas les États à adopter des moyens spécifiques de réglementation des importations, du transit, du transbordement et du courtage autres qu’un système national efficace et transparent, comprenant une liste nationale de contrôle, des mesures anti détournement et la désignation d’autorités nationales compétentes pour l’échange d’informations.

Les États parties doivent également « [instituer] et [tenir] à jour un registre national de contrôle pour réglementer l’exportation des munitions tirées, lancées ou délivrées au moyen des armes classiques » de type 7 + 1 (art. 3), et « pour réglementer l’exportation de pièces et composants » quand celle-ci se réalise « sous une forme rendant possible l’assemblage » de ces types d’armes (art. 4). Malgré l’opposition des États-Unis et d’autres à leur inclusion, il a finalement été convenu que les biens connexes devaient tomber sous les dispositions de contrôle des exportations et d’interdiction de transfert définis dans le traité. Cependant, ils ne doivent pas nécessairement être couverts par des mesures visant à prévenir le détournement ou à réglementer l’importation, le transit, le transbordement et le courtage, ni être inclus dans les dossiers nationaux ou des rapports annuels (art. 8, 9, 10, 11, 12 et 13). Mais les États parties sont «encouragé[s] à appliquer les dispositions [du TCA] à une gamme aussi large que possible d’armes classiques » (art. 5.3), ce qui est en tout cas déjà une pratique courante parmi les pays producteurs d’armements.

Une pièce maîtresse du traité est l’obligation, pour chaque État partie, d’interdire tout transfert d’armes classiques ou de biens qui violerait une mesure prise « en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, [comme] un embargo sur les armes », « ses obligations internationales, résultant d’accords internationaux pertinents auxquels il est partie, en particulier celles relatives au transfert international ou au trafic illicite d’armes classiques », ou « s’il a connaissance, au moment où l’autorisation est demandée, que ces armes ou ces biens liés pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie » (art. 6).

Les négociateurs américains ont insisté sur ce dernier élément de manière à exclure l’application du droit international coutumier. Sous réserve que l’exportation ne soit pas considérée comme un transfert interdit, le traité impose aux États parties de procéder à une évaluation « objective et non-discriminatoire […] si l’exportation de ces armes ou biens » « porterait atteinte à la paix et à la sécurité » plutôt que d’y contribuer, ainsi que d’évaluer si ces armes ou biens « pourraient servir à commettre une violation grave du droit international humanitaire […] [ou] du droit international des droits de l’homme », ou «un acte constitutif d’infraction au regard des conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme […] ou […] relatifs à la criminalité transnationale organisée auxquels l’État exportateur est partie, ou à en faciliter la commission». Si « les mesures d’atténuation des risques disponibles » ne peuvent être prises par les pays exportateurs et importateurs pour « atténuer le risque prépondérant de réalisation d’une [de ces] conséquences négatives », alors aucune autorisation ne peut être donnée par l’État partie pour procéder à cette exportation (art. 7).

Le TCA est aussi le premier traité international visant à inclure une disposition sur la violence basée sur le genre. Le risque que les armes conventionnelles «puissent servir à commettre des actes graves de violence fondée sur le sexe ou des actes graves de violence contre les femmes, et les enfants, où à en faciliter la commission» (art. 7.4) doit être pris en compte. Les États parties doivent également évaluer et prévenir le risque de détournement des transferts des armes couvertes par le champ d’application du traité, en prenant des mesures d’atténuation des risques (art. 11). Ils sont tenus de prendre « les mesures nécessaires pour faire appliquer les lois et règlements nationaux» pour mettre en oeuvre le traité (art. 14). Ils doivent coopérer les uns avec les autres pour sa mise en oeuvre, y compris pour prévenir le trafic illicite d’armes et autres violations (art. 15). Ils doivent présenter « un rapport annuel […] concernant les exportations et importations d’armes classiques », par ailleurs «distribués aux [autres] États parties par le secrétariat» du traité (art. 13), et tenir des registres nationaux sur les exportations, les importations, les transits et les transbordements de ces armes (art. 12).

Les mesures et les décisions que les États parties prennent, ou ne prennent pas, pour mettre en oeuvre le traité peuvent être contestées par d’autres États, notamment lors de leurs réunions régulières au sein de la Conférence des États parties, qui «examine la mise en oeuvre du […] traité, y compris les évolutions intervenues dans le domaine des armes classiques », ainsi que « les propositions d’amendements » (art. 17). En 2020, puis tous les trois ans par la suite, les États parties peuvent envisager de modifier les dispositions du traité par consensus ou par un vote à la majorité des trois-quarts (art. 20). Ils sont enfin tenus de régler leurs différends « par la négociation, la médiation, la conciliation, le règlement judiciaire ou tout autre moyen pacifique» (art. 19).

Perspectives de conformité

Pour répondre à l’objet du traité d’« instituer les normes communes les plus strictes possibles » (art. 1), chaque État devrait établir et appliquer effectivement des lignes directrices détaillées pour déterminer si les transferts d’armes envisagés sont licites ou illicites en vertu du traité. La coopération et l’assistance internationales devraient se concentrer sur l’établissement de ces lignes directrices et le renforcement des capacités pour la mise en œuvre opérationnelle, d’autant plus que les réglementations sur le commerce des armes sont faibles dans de nombreux États[16].

Au niveau politique, il est nécessaire que l’engagement des grandes puissances, qui contrôlent à elles seules l’essentiel du commerce international, soit plus fort. Les États-Unis ont signé le TCA en septembre 2013. Dans une directive présidentielle de janvier 2014, ils se sont engagés à promouvoir le contrôle, la retenue et la transparence et à s’assurer que ces transferts d’armes ne contribuent pas à des violations des droits de l’homme, tout en maintenant un juste équilibre avec les transferts licites. Contrairement à l’UE et à certains alliés de Washington désormais parties au traité, il y a peu de chance que le Sénat ratifie le TCA dans un avenir proche. La Russie et la Chine n’ont, pour leur part, pas signé mais des diplomates pensent qu’elles pourraient être amenées à le faire à l’avenir, ne serait-ce que pour disposer d’une voix à la Conférence des États parties. Reste à savoir si le TCA pourra éradiquer totalement les transferts d’armes irresponsables, et effectivement promouvoir le contrôle, la retenue et la transparence.

Brian Wood

Responsable du programme Contrôle des armes et droits humains àAmnesty International et chercheur à l’International Peace Information Service (IPIS, Anvers).

Fondateur, en 1993, de l’idée d’un traité international sur le commerce des armes comprenant des règles de respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

[1] Le 25 septembre 2014, huit États supplémentaires ont déposé leurs instruments de ratification, portant leur total à 53 et dépassant le seuil de 50 ratifications nécessaires au titre de l’article 22 du TCA pour que celui-ci entre en vigueur quatre-vingt-dix jours plus tard, soit le 24 décembre 2014. Les États signataires sont, au 30 décembre, au nombre de 130 et 61 pour les ratifications.

[2] Voir le site www.un.org/disarmament/ATT pour des listes à jour concernant les ratifications et signatures.

[3] Voir Dinah Shelton, « International Law and Relative Normativity », in Malcolm Evans (dir.),

International Law, Oxford, Oxford University Press, 2010, pp. 147-171.

[4] Voir Andrew Clapham, «The Arms Trade Treaty : A Call for an Awakening », Antonio Cassese

Initiative. A Letter, n° 2, mai 2013.

[5] Conseil de l’Union européenne, « Déclaration sur la non-prolifération et les exportations d’armement », adoptée par le Conseil européen réuni à Luxembourg les 28 et 29 juin 1991, complétée par un critère supplémentaire concernant la compatibilité des exportations d’armes avec la capacité technique et économique du pays destinataire, lors du Conseil européen de Lisbonne en juin 1992; OSCE, « Principes régissant les transferts d’armes classiques », 25 novembre 1993, DOC.FSC/3/96/Rev.1.

[6] Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, adopté par la Conférence des Nations unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, 9-20 juillet 2001.

[7] Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté par l’Assemblée générale le 8 juin 2001, A/RES/55/255 ; ONU, Rapport du Groupe de travail à composition limitée chargé de négocier un projet d’instrument international visant à permettre aux États de procéder à l’identification et au traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre, 27 juin 2005, A/60/88

[8] Résolution 61/89 adoptée par l’Assemblée générale le 6 décembre 2006, A/RES/61/89.

[9] Résolution 62/278 adoptée par l’Assemblée générale le 15 septembre 2008, RES/A/62/278.

[10] Voir Assemblée générale de l’ONU, «Vers un traité sur le commerce des armes : établissement de normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes classiques. Note du Secrétaire général », 26 août 2008, A/63/334 ; Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 24 décembre 2008, A/RES/63/240 ; et Assemblée générale de l’ONU, « Rapport du Groupe de travail à composition non limitée pour un traité sur le commerce des armes : établissement de normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes classiques », 20 juillet 2009, A/AC.277/2009/1.

[11] Voir par exemple Amnesty International, How to Apply International Human Rights Standards to

Arms Transfer Decisions, Londres, 2008.

[12] «Chairman’s Draft Paper », 1er décembre 2009, 3 mars 2010, 14 juillet 2010, 22 juillet 2010, 17 février 2011, 3 mars 2011 et 14 juillet 2011.

[13] « Discussion Paper », 3 juillet 2012.

[14] Conférence des Nations unies pour un traité sur le commerce des armes, Projet de traité sur le commerce des armes présenté par le président de la Conférence, le 26 juillet 2012, A/Conf.217/

[15] Résolution 67/234 B adoptée par l’Assemblée générale le 2 avril 2013, A/RES/67/234 B. 154 États ont voté pour, 3 contre (Iran, Corée du Nord et Syrie) et 23 se sont abstenus, parmi lesquels la Chine, la Russie, l’Inde et les États du golfe Arabo-Persique.

[16] Voir par exemple Sarah Parker et Katherine Green, A Decade of Implementing the United Nations Programme of Action on Small Arms and Light weapons. Analysis of National Reports, New York et Genève, United Nations Institute of Disarmament Research and SmallArms Survey, 2012; et Brian Wood et Peter Dansseart, « Study on the Development of a Framework for Improving End Use and End-User Control Systems», Occasional Paper, n° 21, United Nations Office for Disarmament Affairs, 2011.





Y-a-t-il un droit international pour les palestiniens des territoires occupés ?

7 03 2014

capture d'écran du rapport

capture d’écran du rapport d’Amnesty International sur la Cisjordanie

 

Cette question peut apparaître comme exagérée et provocatrice. En effet, quel État de droit, membre des Nations unies et allié de nombreuses démocraties comme les États Unis et la France, ne respecte pas les droits de l’Homme ? Les impertinents répondront sans hésitation : l’Arabie Saoudite, l’Egypte, le Qatar…  ce qui n’est pas faux, mais qui penserait encore trouver encore dans cette liste Israël en 2014 ?

Après la désastreuse défaite lors de la guerre du Liban en 2006 et l’opération plomb durci en 2009, il semblait que les massives violations graves des droits de personne ainsi que du droit international humanitaire – dont des crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité – par l’armée israélienne avaient persuadé le gouvernement israélien de se mettre en conformité avec le droit international existant. Ce n’est malheureusement pas ce que le rapport d’Amnesty International « Trigger-happy israel’s use of excessive force in the West Bank[1] » nous dit. Entre janvier 2011 et décembre 2013 – d’après les chiffres du bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) [2] – 41 Palestiniens ont été tués dont au moins 4 enfants en Cisjordanie

Qu’ils soient des manifestants ou des observateurs, les citoyens palestiniens ont du subir la dure loi des armes en violation du droit international relatif aux droits de l’Homme ainsi que du droit international humanitaire. Le bilan pour l’année 2013 est de 25 personnes tuées et des centaines de blessés par un usage disproportionné de la force en violation des principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’usage des armes à feu. Le rapport cite de nombreux témoignages ou des membres des forces israéliennes ont tiré sans raison sur des enfants avec des gaz lacrymogènes et des balles de métal enrobées de caoutchouc.

Parfois même les soldats tirent avec de véritables balles sur les jeunes hommes, et parfois des enfants, qui lancent des pierres. Pour Majd Lahlouh, 21 ans,  et Karim Abu Sbeih, 17 ans, cela leur sera fatal. Le 20 août 2013 lors d’une opération de l’armée israélienne à Jénine, alors qu’ils avaient résisté avec d’autres à cette intrusion des forces armées israéliennes en lançant des pierres et un cocktail Molotov ; ils le paieront de leur vie. C’est le cas aussi de Wajih al-Ramahi, 15 ans qui lui jouait au football avec ses amis dans l’après midi du 9 décembre 2013. Sans que l’on sache véritablement s’il avait fini par rejoindre les jeunes qui jetaient des pierres, il a été tué d’une balle tirée par un des soldats. En 2010 le gouvernement israélien a mis en place un « Military Advocate General Corps » pour enquêter sur les actions contestées des forces armées israéliennes. Le peu de résultats de cet organisme – en terme de poursuites judiciaires des auteurs des graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, dont des homicides illégaux – donne plutôt le sentiment d’une impunité.

Les nombreux conflits observés à travers le monde, dont le conflit voisin en Syrie, avaient peut être fait oublier la dramatique situation des Palestiniens des territoires occupés. En effet, malgré l’ouverture de nouvelles négociations entre les autorités palestiniennes et israéliennes, c’est la politique de la tension qui semble toujours commander les actions des forces israéliennes. Le débat ouvert lors de la création de l’État d’Israël – entre ceux qui pensaient qu’il était possible de vivre en paix avec les palestiniens et les pays arabes et ceux qui jugeaient que seule une politique de tension avec leurs voisins les protégeraient de toute attaque – reste tranché au sein du gouvernement israélien, en faveur de la dernière option. Cette logique d’affrontement décrite par Clausewitz : « chacun des adversaires fait la loi de l’autre, d’où résulte une action réciproque qui, en tant que concept, doit aller aux extrêmes. Telle est la première action réciproque et la première extrémité que nous rencontrons[3] » semble pourtant amener à la destruction pure et simple des adversaires[4].

C’est également ce que répètent sous une autre forme dans « The Gatekeeper[5] », les anciens directeurs du Shin Bet[6], les services de renseignement israélien : « il n’y aura pas de paix possible pour Israël avec cette politique sécuritaire[7] ».

La France depuis 2008 a livré pour plus de 100 millions d’euros de matériel de guerre en direction d’Israël, plus de 10 millions en 2012, et ce malgré les nombreuses alertes émises par les ONG, dont ASER. Il semble urgent que notre pays reconsidère les autorisations d’exportations en direction d’Israël, selon les termes inscrits dans les articles 6[8] et 7 du traité sur le commerce des armes, que la France a signé en juin dernier et qu’elle s’apprête à ratifier dans le mois qui vient.

Article 7 du traité sur le commerce des armes :

Exportation et évaluation des demandes d’exportation

1. Si l’exportation n’est pas interdite par l’article 6, chaque État Partie exportateur, avant d’autoriser l’exportation d’armes classiques visées par l’article 2 (1) ou de tout autre bien visé par les articles 3 ou 4, selon ce qui relève de sa juridiction et conformément à son régime de contrôle national, évalue, de manière objective et non discriminatoire, en tenant compte de tout élément utile, notamment de l’information fournie par l’État importateur en application de l’article 8 (1), si l’exportation de ces armes ou biens :

a) Contribuerait ou porterait atteinte à la paix et à la sécurité;

b) Pourrait servir à :

i) Commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission;

ii) Commettre une violation grave du droit international des droits de l’homme ou à en faciliter la commission;

iii) Commettre un acte constitutif d’infraction au regard des conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme auxquels l’État exportateur est Partie, ou à en faciliter la commission; ou

iv) Commettre un acte constitutif d’infraction au regard des conventions et protocoles internationaux relatifs à la criminalité transnationale organisée auxquels l’État exportateur est Partie, ou à en faciliter la commission.

2. L’État Partie exportateur envisage également si des mesures pourraient être adoptées pour atténuer les risques énoncés aux alinéas a) et b) du paragraphe 1), y compris des mesures de confiance ou des programmes élaborés et arrêtés conjointement par les États exportateurs et importateurs.

3. Si, à l’issue de cette évaluation et après avoir examiné les mesures d’atténuation des risques disponibles, l’État Partie exportateur estime qu’il existe un risque prépondérant de réalisation d’une des conséquences négatives prévues au paragraphe 1, il n’autorise pas l’exportation.

Benoît Muracciole


[3] De la guerre. Traduction intégrale de Denise Naville ; Editions de Minuit, 1980.

[4] Ce que René Girard défend depuis des années avec la théorie mimétique de la rivalité et qu’il reprend avec Benoît Chantre dans : Achever Clausewitz ; édition Flammarion, 2011.

[6] Ami Ayalon, Avi Dichter, Yuval Diskin, Carmi Gillon, Yaakov Peri et Avraham Shalom.

[7] Il est d’ailleurs intéressant de noter que la vie n’a pas été simple pour les hauts responsables israéliens qui ont tenté de briser ce cercle  de violence : Yitzhak Rabin et plus tard Ariel Sharon.





La République Centrafricaine, le dernier combat perdu des interventions militaires en Afrique ?

29 12 2013

lonu intervention-francaise

La crise en République Centrafricaine montre une fois encore l’exigence de repenser notre relation avec l’Afrique.  Ce continent pluriel ne connaît pas de répits dans les conflits, la colonisation, et plus tard le traçage de frontières acheva de décomposer l’histoire de ce continent. La responsabilité des chefs d’États africains  dans leur gestion des affaires est aussi d’importance, mais ils ont été mis et tenu en place par les mêmes puissances coloniales. Aujourd’hui c’est une jeunesse africaine, parfois engagée dans la lutte pour le respect  des droits de l’Homme, qui est empêchée de prendre sa place quand elle n’est pas massacrée par des troupes gouvernementales ou des groupes armés comme à Bangui ou dans le reste du pays. Les paroles de la communauté internationale dans l’urgence sont les mêmes, seul le jeu des chaises musicales change en mettant en avant un pays occidental, en l’occurrence la France, plutôt qu’un autre. Mais rien ne change dans la conception de la défense des droits de l’Homme sur ce continent dans le long terme.

Trois éléments fondamentaux continuent d’asseoir cette logique de domination qui, à partir de la deuxième moitié du XX° siècle avec notamment la Chine et l’Inde, ne concerne plus uniquement les pays occidentaux : le soutien militaire, l’exploitation des ressources naturelles et l’impunité.

Le soutien militaire

Que ce soit sous formes de transferts d’armes, d’accords de défense, d’accords de coopération militaire, d’accords de partenariat de défense, les liens entre les pays du nord et les pays africains n’ont pas permis de faire avancer la situation des droits de l’Homme dans les pays concernés. Ou, pour être plus juste, la nature des liens nord / sud n’ont pas été le moteur de l’émergence de sociétés respectueuses des droits de la personne pour l’Afrique.

Les autorisations de transferts d’armes[1] d’abord. Depuis plusieurs années, si elles ne sont pas considérables en direction de la République Centrafricaine, n’ont rien apporté ni en terme de stabilité, ni en terme de sécurité et encore moins en terme de respect des droits de la personne[2].

L’échec de la formation des armées est patent. Le dernier dramatique épisode du Mali où les États Unis, la France et l’Union Européenne avaient investis quelques millions de dollars dans la formation de l’armée[3] en témoigne. Une partie des troupes entrainées avait participé au coup d’Etat contre l’ancien Président Amadou Toumani Touré, une autre avait rejoint les troupes rebelles et une autre encore, sous l’uniforme de l’armée malienne cette fois, a été impliquée dans des exactions contre les Touaregs et les Arabes dans le nord du pays[4]. Le général R Carter Ham de l’Africom reconnaissait qu’ils avaient échoué à transmettre « les valeurs, l’éthique et la philosophie militaire[5] » sans que l’on sache d’ailleurs s’il se basait sur les « les valeurs, l’éthique et la philosophie militaire » de l’armée étasunienne en Irak ou en Afghanistan. Car s’il existe bien  des principes de base de l’ONU sur le recours à la force et à l’usage des armes à feu, ces principes ne semblent toujours pas être la référence de la formation des militaires et des policiers, pire, nous en sommes encore bien loin.

La France depuis des décennies connaît aussi ces échecs à répétition sans qu’elle ne tente de changer la nature du lien avec des régimes pourtant peu recommandables. Les programmes RECAMP[6], lancé dans les années 90, qui étaient sensés former les armées africaines, notamment au maintien de la paix, n’ont pas donné de résultats même minimes. Que ce soit avec les armées tchadiennes, qui n’ont jamais eu la réputation de respecter les droits de la personne ni le droit international humanitaire[7], ou celles d’autres pays membres de la CEDEAO, qui n’ont pu intervenir efficacement dans le conflit malien, le paradigme qui fonde cette coopération ne fonctionne pas.

Les récents accords avec Idriss Deby et Sassou Nguesso[8], afin d’engager leurs troupes dans la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA), montre que le gouvernement français s’obstine à parer au plus pressé sans repenser cette coopération, ni se projeter dans le temps long. C’est cette logique qui se prolonge également au niveau de l’Union Européenne et des Nations unies car en ce début du XXI° siècle, quel est le pays qui – dans le groupe des dix pays les plus riches de la planète – souhaite véritablement se fondre dans une intervention militaire sous l’égide des Nations unies ?

En République Centrafricaine nous retombons dans la chronique d’un échec annoncé. Quelle peut être en effet l’efficacité dans le temps de la protection des droits de la personne sans vision politique de la communauté international avec une interposition hétéroclite de troupes dont la plupart n’ont aucune formation en terme de droits international relatif aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire[9] ?

L’exploitation des ressources naturelles

Du bois,  de l’or, du cacao, du coltan, de la cassitérite, du pétrole, de l’uranium, des terres arables ou  des diamants, ce sont bien les pays extérieurs au continent africain qui profitent de ces ressources naturelles. Nous commençons à bien connaître la version conflits – comme notamment en Angola, en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Sierra Leone ou encore aujourd’hui en République Démocratique du Congo ou au Soudan du Sud – mais ce n’est pas tout. En effet les accords passés par des entreprises belges, britanniques, chinoises, étasuniennes, indiennes et françaises, pour ne citer qu’elles, rentrent également dans le cadre d’une exploitation économique des ressources naturelles qui peut s’apparenter à un « pillage de velours ».

Là encore, à l’heure de la mondialisation c’est un bien mauvais pari sur l’avenir que de penser que les nouvelles générations africaines vont continuer à accepter ce déséquilibre profond dans les échanges commerciaux. L’Afrique besoin de solidarité et non pas d’une aide humanitaire qui permet aux multinationales de la charité et aux petits occidentaux de « faire le bien » et surtout de gagner parfois de très bons salaires. L’Afrique a besoin de voir ses ressources naturelles payés au prix fort et d’en assurer elle même la juste répartition auprès de ses citoyens[10].

L’impunité

C’est une culture qui touche tous les pays de la planète et pas seulement ceux du continent africain. Tous les individus impliqués dans des graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide ainsi que dans la corruption et le blanchiment d’argent devraient en répondre devant la justice internationale quand ce n’est pas possible au niveau national. Mais celle ci considère différemment les normes que l’on soit très puissant – Georges W Bush[11], Bibi Netanyahou[12] et Barak Obama[13] ont peu de chance d’être appelé devant la cour de justice nationale ou internationale – ou moins puissant comme notamment Charles Taylor, Thomas Lubango Dyilo, Jean-Pierre Bemba Gombo, Callixte Mbarushimana[14].

Quelles perspectives ?

Même si la réforme de l’ONU est en panne, il n’est pas trop tard pour repenser notre lien avec le continent africain, en commençant par l’intervention militaire en République Centrafricaine. Les pistes existent pour le faire dans une dynamique positive, elles ne peuvent être que politiques dans une logique de renoncement à la domination. L’adoption du traité sur le commerce des armes, cette année 2013, a été obtenue grâce à la détermination de nombreux pays du sud ; c’est une petite révolution culturelle pour les Nations unies[15].  Celle-ci  ouvre un nouvel espace en faveur d’un aggiornamento nécessaire.

Benoît Muracciole


[1] Comme au Mali, il serait de la plus haute importance d’identifier et de tracer les armes confisquées aux milices anti Balaka et celles des Selekas, mais qui s’en soucis ?

[2] La France, la Grande Bretagne, le Portugal et la République Slovaque vont autoriser le transfert de plus de 10 millions d’euros  malgré la prise du pouvoir de François Bozizé par un coup d’état: 1 150 000 € en 2006 ;  15 995 € en 2007 ; 2 360 533 € en 2008 ; 2 622 062 € en 2009 ;  4 724 316 € en 201O ; 268 104 € en 2011.Rapports COARM de  l’Union Européenne de 2006 à 2012. Les chiffres pour la Russie, la Chine sont difficiles à trouver…

[6] Dans un document RECAMP du ministère des affaires étrangères français il n’est pas fait nul  part mention ni du droit international humanitaire ni des droits de l’Homme : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/recamp.pdf

[8] Dont la responsabilité dans les graves violations des droits de la personne depuis la guerre de 1997 ainsi que dans le crime contre l’humanité que représente l’affaire des disparus du Beach se pose encore aujourd’hui : http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR22/001/1999/fr/3ed869ca-e34d-11dd-a06d-790733721318/afr220011999fr.pdf   et http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/08/24/un-general-congolais-mis-en-examen-a-paris-pour-crimes-contre-l-humanite_3465952_3212.html

[10] Avec le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en occident, nous sommes plutôt mal placé pour parler de répartition juste des ressources.

[11] Pour la guerre en Irak et en Afghanistan ainsi que le programme de torture, les États Unis l’avaient signé et pas ratifié. George W. Bush a annulé la signature des États Unis le 6 mai 2002.

[12] Pour la guerre du Liban de 2006 et l’opération « Plomb durci » de 2009, Israël l’a signé et pas ratifié.

[13] Les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen. http://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet11Rev.1fr.pdf

[14] Qui sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité : http://www.icc-cpi.int/fr_menus/icc/situations%20and%20cases/Pages/situations%20and%20cases.aspx

[15] L’entrée en force du traité et surtout sa mise en œuvre, avec les conférences annuelles des États, seront une bonne indication quant à leur volonté des États de s’engager encore sur le respect du droit international existant.