Les impasses de la politique extérieure de la France

31 07 2023

De tout temps il y eut des dictatures respectées ou honnies selon la politique des gouvernements français et ces dernières années n’ont pas fait exception à la règle. Cependant c’est à la fin du XXème siècle que cette politique apparaît publiquement avec l’intervention militaire de 1991 en Irak. D’abord adulé dans les années 1980, période pendant laquelle la France avait armé ce régime dans le cadre du conflit avec l’Iran[1] (1980-1988), Saddam Hussein fut ensuite abominé et les populations irakiennes furent soumises à une succession d’interventions militaires où le droit international fut rarement présent. L’opinion publique française découvrit alors l’ampleur des ventes de matériels de guerre et le cynisme avec lequel les gouvernements avaient soutenu Saddam Hussein. Trois années plus tard c’est au tour de Paul Kagame Président du Rwanda. Vilipendé depuis 1994, il reçoit l’imprimatur d’Emmanuel Macron en 2018, il est pourtant responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés en République démocratique du Congo (RDC)[2]. En 2003 en Côte d’Ivoire c’est le Président Laurent Gbagbo qui passe de la lumière à l’ombre de la répression de l’armée française. Presque dans la continuité et toujours dans cette implacable logique Mouammar Kadhafi, qui avait été reçu avec les honneurs par le gouvernement de Sarkozy en 2007, a été assassiné en 2011, par une coalition armée co-dirigée par ce même Président Français. Puis vint le tour de Bachar al Assad qui « ne méritait pas d’être sur terre » selon le ministre des Affaires Étrangères Laurent Fabius en 2012, soutenu par l’ensemble du gouvernement, alors que 4 années auparavant il était invité d’honneur pour le défilé du 14 juillet. En 2020 il semble que les mêmes se soient accommodés  du « dictateur sanguinaire » syrien. Enfin lors de l’année 2022 les gouvernements Malien et Burkinabé, issus de coups d’État récents, expulsent l’armée française après des années d’immixtions de celle-ci dans les affaires de ces deux pays. Leurs nouveaux dirigeants deviennent aussitôt les démons des ex-pré-carrés Français. 

Ces changements d’alliance de la France, surtout lorsqu’elles entrainent des guerres, furent désastreux pour les populations de tous les pays cités. Non seulement leurs droits fondamentaux ont été bafoués mais la promesse de paix et de sécurité fut une honteuse tromperie. 

Or depuis le début du XXIème siècle le discours des autorités françaises a changé avec l’apparition de la responsabilité de protéger. Ce nouveau concept poussé par des ONGG (Organisations non gouvernementales « gouvernementales ») en mal de financements et donc d’images, a remplacé le respect des droits de l’Homme qui a peu à peu disparu des éléments de langage du gouvernement. Souvent trop précis, trop encadrés par de nombreuses conventions, ces droits longtemps mis en avant avait fait leurs temps pour les gouvernements et les ONGG. La forfaiture de la France « patrie des droits de l’Homme » avait été démasquée par les jeunesses des pays du sud. Il fallait trouver une échappatoire pour cacher la misère de « l’expertise France ». C’est ainsi que s’élabora avec François Hollande un nouveau récit des interventions françaises comme en République Centrafricaine. L’intervention devait prévenir un génocide auquel beaucoup de Centrafricains, dont des leaders religieux, ne croyaient pas. Par contre il fait peu de doute que les ressources naturelles du pays, dont l’uranium, ainsi que le marché centrafricain intéressaient les entreprises françaises[3]. C’est aussi pour défendre ses intérêts financiers et industriels que la France est intervenue militairement au Mali. Pourtant aucune colonne « djihadiste » ne menaçait Bamako[4], nulle preuve d’une menace sur le gouvernement malien n’a été présentée aux citoyens·nes français·es, ni aux parlementaires.

Mais les changements sémantiques de la politique extérieure du gouvernement français se voulant le champion du « droit de protéger », n’intéressent aujourd’hui plus grand monde et le discours du Président Macron, en date du 27 février 2023, entérine définitivement cet état de fait. Son nouveau partenariat avec l’Afrique ignore la singularité des cultures et des peuples de ce continent ainsi que leurs droits fondamentaux.  Il sonne creux comme le bois dévoré par les termites ou comme la pensée stratégique de la France.  Une surdité ultime malgré les mots forts du pape François en RDC à l’égard des pays extérieurs au continent : « Ôtez vos mains de l’Afrique ».

Jean Claude Alt

Benoît Muracciole


[1] Et en même temps  l’Iran de l’ayatollah Khomeini avec Luchaire et Matra

[2] Pays pour lequel International Rescue Committee recense 5,4 millions de morts directes et indirectes entre 1998 et 2007 par toutes les parties impliquées dans le conflit.

[3] Dont Orange, Bolloré/MSC, Total, MOCAF (Groupe Castel, les boissons), SUCAF (Groupe SOMDIIA, sucre), Powers Security (Groupe SERIS, sécurité), OLEA (assurances), Air France et Areva

[4] https://www.lopinion.fr/international/mali-les-colonnes-jihadistes-foncant-sur-bamako-en-2013-une-legende Jean Dominique Merchet, L’Opinion, 12 février 2021





25 ans après le génocide, quelles responsabilités de la France dans les transferts d’armes au Rwanda ?

8 04 2019

Sans titre

Extrait du livre « Quelles frontières pour les armes ? – L’action de citoyens pour l’élaboration du traité sur le commerce des armes » Editions A Pedone[1].

  1. Des transferts irresponsables d’armes au service d’un génocide

Le génocide du Rwanda : plus de 800 000 Tutsis, Twas et opposants Hutus massacrées avec des armes légères et de petits calibres (ALPC) et des machettes. Les milices Interhamwes, les membres des Forces Armées Rwandaises (FAR) et de la garde présidentielle armés d’ALPC, encadraient des individus équipés de machettes pour perpétrer les massacres et semer la terreur auprès des futures victimes.

Pourtant c’est malheureusement l’image de « génocide de machettes » qui va s’imprégner dans la conscience collective de nombreuses personnes car largement véhiculée par une partie des médias, des politiques et parfois des membres d’ONG. Ce ne sont pourtant pas les vendeurs de machettes qui attirent les intermédiaires en armes – ceux qui se placent entre le producteur et l’utilisateur final – dans le Rwanda d’avant et pendant le génocide. Dominique Lemonnier, de nationalité française et propriétaire de DYL Investments ainsi que de Mil Techétait l’un d’eux[2]. Il était l’un de ces personnages de l’ombre travaillant avec d’autres dans de nombreux pays comme : l’Afrique du sud, l’Albanie, la Belgique, la Bulgarie, la Chine, l’Egypte, la Grande Bretagne, la Grèce, l’Italie, Israël, la Pologne et d’autres pays aux centres financiers attractifs[3]. Il a opéré depuis son domicile en France avec des financements du Crédit Lyonnais et de la Banque Nationale de Paris[4]…

  1. L’aveuglement de la France

Il est impossible pour les responsables politiques français de continuer à affirmer qu’ils n’étaient pas au courant des risques de massacres voir de génocides par les différentes forces armées fidèles au régime d’Habyarimana dès 1989. En atteste des télégrammes diplomatiques qui notent l’existence de caches d’armes et des listes de Tutsis à éliminer[5].

L’ambassadeur Georges Martres[6]reviendra sur les risques de génocide  dès octobre 1990: « Le génocide était prévisible dès cette période, sans toutefois qu’on puisse en imaginer l’ampleur et l’atrocité[7]. »

Les avertissements du général Jean Marc Varret, ancien chef de la Mission militaire de coopération d’octobre 1990 à avril 1993, sur la volonté d’éradiquer les Tutsis qui « imprègne tout particulièrement l’armée composée uniquement de Hutus » comme lui avait expliqué le Colonel Rwagafilita, « ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider[8] ». Les notes de Pierre Joxe, ministre de la Défense de l’époque[9]et enfin les massacres et les exécutions extra-judiciaires sont aussi décrits en 1993 dans le rapport de M. Bacre W. M. Ndiaye, rapporteur spécial des Nations Unies sur le Rwanda[10]…

  1. Les leçons à tirer du Génocide

L’aveuglement d’une grande partie du monde politique a conduit les autorités françaises à faire preuve au minimum d’une grande négligence dans les autorisations de transferts d’armes au profit du gouvernement de Juvénal Habyarimana. Cette négligence vient aussi de ce réflexe profondément ancré dans la culture des élites françaises que nous pourrions attribuer au « syndrome de Fachoda[11] ». Pour une génération de politiciens français, il fallait faire barrage au complot du Front patriotique rwandais (FPR) anglophone en soutenant le régime francophone d’Habyarimana. Elle dépasse le clivage gauche droite, même si la lutte historique d’une partie de la gauche contre le colonialisme aurait dû la protéger de ce grave tropisme. Pour preuve, en octobre 2004, lors d’une rencontre avec un député du Parti socialiste à propos du projet de traité sur le commerce des armes, ce dernier affirmera à l’évocation du génocide rwandais : « C’est un complot de la CIA ! ». Cette vision, liée au « syndrome de Fachoda », des causes du génocide Rwandais semble avoir mis une partie de la classe politique française dans une position défensive qui l’a enferrée dans « une forme d’aveuglement ». L’intime conviction d’appartenir à une culture supérieure, diffusée dans les formations des futures élites des serviteurs de l’Etat, ne les aidait certes pas. Cette logique les a conduits à une impossible capacité à se remettre en cause et ainsi de pouvoir tenter de discerner leurs tragiques erreurs.

Ironie de l’histoire, des années plus tard, dans une émission sur France Culture Hubert Védrine déclarera :

« … dès les année 90, dès les attaques du FPR de l’Ouganda, François Mitterrand avait compris que compte tenu de l’histoire de ce pays ça ne pouvait pas ne pas déclencher un engrenage meurtrier avec des conséquences terribles, des massacres, même si personne ne pouvait imaginer la proportion qu’a pris en 94 ce génocide[12]… ».

[1]http://pedone.info/livre/quelles-frontieres-pour-les-armes/

[2]

DYL Investments était enregistrée aux iles Turques et Caïques et  Mil Tech au Rwanda. Rapport d’information  déposé en application de l’article 145 du règlement par la mission d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées et de la commission des affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France, d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994. Sommaire des annexes : http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/rwanda/anex10b2.pdf. Il mourra le 11 avril 1997 d’une mystérieuse rupture d’anévrisme,

[3]Voir Brian Wood et Johan Peleman, 2000, Arms fixers Controlling the Brokers and Shipping Agents,  NISAT/PRIO/BASIC : https://www.prio.org/Publications/Publication/?x=658

[4]Ibid. Page 19. La BNP se retrouvera à nouveau impliqué dans l’intermédiation financière de l’Angolagate.

[5]Report of the independant inquiry into the action of the United Nations during the 1994 genocide in Rwanda, 1999,  page 10 : http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/395/47/IMG/N9939547.pdf?OpenElement

[6]Ambassadeur de France au Rwanda de 1989 à 1993

[7]Georges Martres, Rapport mission d’information du Rwanda, audition du 22 avril 1998 : http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/r1271.asp

[8]Ibid. Rapport mission d’information du Rwanda 1998, paragraphe b) Des massacres constitutifs d’un génocide.

[9]Piotr Smolar, « Génocide rwandais : Ce que savait l’Elysée » Le Monde, le 12 mars 2008 : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2008/03/12/genocide-rwandais-ce-que-savait-l-elysee_930489_3212.html

[10]Conseil économique et Social ; Commission des droits de l’Homme ; cinquantième session 11 août 1993 ; chapitre III, page 10 à14

[11]Arrivée à Fachoda situé dans le nord de l’actuel Soudan du Sud le 10 juillet  1898, l’armée française avec à sa tête le général Jean Baptiste Marchand, renomme la place « Fort Saint Louis ». Celle-ci quittera Fachoda le 11 décembre 1898 pour Djibouti sous la pression des britanniques. La guerre est évitée mais cet épisode est vécu comme une grande humiliation et comme la preuve de la « félonie » britannique pour les nationalistes français. Quelques mois plus tard, le 21 mars les français et le britanniques signent une Convention au mépris des africains, et se partagent  le continent entre « les eaux du Nil et celles des affluents du lac Tchad ». Plus de 100 années après cet évènement inscrit dans l’inconscient collectif français, toute critique de la politique de la France en Afrique apparaît encore pour beaucoup  comme faisant le jeu des britanniques ou des Etats Unies en Afrique.

[12]Le monde selon Hubert Védrine ; France culture ; vendredi 4 avril 2014 ; 7h18.





LE GENOCIDE DU RWANDA ET LA RESPONSABILITE DE LA FRANCE ?

7 04 2014

943458-1120208

Il y a 20 ans plus de 800 000 Tutsis, Twas, ainsi que de nombreux Hutus opposants au régime de Juvénal Habyarimana, étaient tués dans un des derniers génocides du XX° siècle[1]. La récente condamnation en France de Pascal Simbikangwa à 25 ans de prison pour : « un concours actif au fonctionnement des barrières meurtrières de Kigali, en fournissant des armes et en donnant directement des instructions pour que des Tutsis soient systématiquement exécutés sur le champ, en vue de la destruction totale de ce groupe ethnique (…) dans le cadre d’un plan concerté » nous indique qu’il est temps pour la société française de s’interroger sur les responsabilités du pouvoir de l’époque dans le génocide[2]. Pendant toutes ces années des politiques français vont défendre le rôle de la France, oubliant parfois sciemment l’action de la France en terme de formation militaire – des Forces armées Rwandaises (FAR), de la Gendarmerie, de la garde Présidentielle et des Interhamwes – ainsi que de transferts d’armes livrés avant et pendant le génocide[3].

S’il est encore difficile aujourd’hui à la lumière des documents accessibles sur cette époque, de parler de complicité de l’État français dans ce génocide[4], le soutien aveugle au régime de Juvenal Habyarimana indique au moins une responsabilité de la France dûe à une terrible négligence des plus hautes autorités de l’État. Un soutien aveugle, car dès 1989 les massacres de Tutsis, la présence de caches d’armes et de listes de Tutsis à éliminer ainsi que des télégrammes diplomatiques, auraient dû alerter les autorités françaises sur les risques de génocide[5]. Le général Jean Marc Varret, ancien chef de la Mission militaire de coopération d’octobre 1990 à avril 1993, alerte lui aussi les autorités françaises sur la  volonté d’éradiquer les Tutsis qui « imprègne tout particulièrement l’armée composée uniquement de Hutus[6] ».

Nombreux sont ceux de la génération de François Mitterrand, voire d’Édouard Balladur et de Roland Dumas,  qui pensaient que les africains n’avaient pas véritablement le même statut que les « occidentaux ». Patrick de Saint Exupéry illustre parfaitement cette pensée quand il attribue cette phrase effrayante au Président de l’époque : «  Un génocide dans ces pays-là ce n’est pas très grave[7]  ». Il n’y a ici pas d’excuses pour ces hommes là, même s’ils ont grandi dans la France de « l’Empire colonial » et qu’ils n’ont pu entendre les voix courageuses qui existaient pourtant, pour contester cette vision d’un monde où la vie des uns était loin de valoir celles des autres[8].

Mais que s’est-il donc passé pour les hommes politiques français des générations suivantes comme Bruno Delay, Alain Juppé, François Léotard, Jean-Marc Rochereau de la Sablière, Hubert Védrine et Dominique de Villepin, ou des militaires comme le général Huchon, le général Jean-Claude Lafourcade, l’amiral Lanxade et le général Christian Quesnot ?

Comment ces personnages de premier plan, sans doute convaincus des valeurs de la République et formés pour la plupart dans les « plus grandes écoles françaises » ont été incapables de donner l’alarme ? D’agir dans le sens du droit international, notamment celui relatif aux droits de l’Homme et d’arrêter la formation militaire et les livraisons d’armes ?

Pourquoi aujourd’hui encore ne peuvent-ils s’interroger sur cette cécité ?

La réponse n’est certes pas simple car elle touche une part de la culture profondément enfouie de notre pays; au point qu’en 2004, la chronique d’Amnesty International France mettait en première page une photo de machettes pour la commémoration des 10 ans du génocide, poursuivant ainsi l’idée négationniste que ce génocide fut un génocide de machettes. Le génocide du Rwanda a été pourtant une des raisons majeures qui ont poussé le mouvement international des droits de l’Homme à renforcer ses actions contre les transferts irresponsables d’armes. Cet engagement, rejoint par de nombreuses ONG à travers le monde, réussira à convaincre une immense majorité des États, dont la France, à adopter en 2013 le traité sur le commerce des armes[9].

Aujourd’hui, les 20 années passées devraient enfin permettre  d’aller plus loin que Nicolas Sarkozy lorsqu’il reconnaissait à Kigali les « erreurs de la France[10] ». Un véritable travail de mémoire pourrait être confié à des historiens – ainsi qu’à des experts des transferts d’armes qui ont véritablement manqué au travail de la mission d’information parlementaire française sur le Rwanda[11] – afin de mieux cerner les responsabilités des gouvernements Rocard[12] et Balladur. Il n’y a pas de prescription pour cela et le formidable travail de mémoire des historiens sur la Shoa nous en montre la nécessité et le chemin de responsabilité.

 

Benoît Muracciole

 

[1]Le premier génocide du siècle dernier sur le continent africain, entre 1904 et 1907, fut celui des Hereros et des Namas en Namibie. Ils ont été exterminés par les Allemands.

[2] Pourquoi la condamnation de Simbikangwa est historique Colette Braeckman : http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2014/03/16/pourquoi-la-condamnation-de-simbikangwa-est-historique/

[3] Voir les nombreux rapports documentés notamment en 1995 Amnesty International « Rwanda: Les auteurs du génocide reçoivent toujours des armes » : http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR02/014/1995/fr/1c5686ef-eb4b-11dd-8c1f-275b8445d07d/afr020141995fr.html;

de HRW Rwanda/Zaire ; « Rearming with Impunity »

International Support for the Perpetrators of the Rwandan Genocide : http://www.hrw.org/legacy/reports/1995/Rwanda1.htm ; le rapport final des experts de l’ONU 1996-195 du 20 mars 1996 ;  ainsi que le rapport « Armes légères de la production à l’exportation le poids de la France » Observatoire de l’armement / Agir ici / Amnesty International ; Belkacem Elomari, Bruno Barillot ; septembre 1999 et enfin « Arms fixers » de Brian Wood et Johan Pelemanhttp://www.prio.no/upload/957/Chapter3.html

[4] Le code pénal français, Article 121-3, dit :

Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.

Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.

Il n’y a point de contravention en cas de force majeure.

[5] Voir le rapport des experts de l’ONU page 10 : http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/395/47/IMG/N9939547.pdf?OpenElement

[6] Le Colonel Rwagafilita, lui avait expliqué la question tutsie : “ ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider ” ; mission d’information de la commission de la Défense nationale et des forces armées et de la commission des Affaires Étrangères, sur les opérations militaires menées par la France, d’autres pays et l’ONU au Rwanda entre 1990 et 1994.: http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/r1271.asp

[7] L’inavouable, la France au Rwanda de Patrick de Saint Exupéry ; édition les Arènes ; voir aussi La Fantaisie des Dieux – Rwanda 1994, de Patrick Saint-Exupéry, aux éditions Les Arènes

[8] Notamment pour  Joséphine Baker, Simone de Beauvoir, Aimé Césaire (Discours sur  le colonialisme ; Editions Présence Africaine , 1955), Bernard Clavel, Nancy Cunard, René Dumont (L’Afrique noire est mal partie, 1962 ; Le Seuil, Paris, coll. « Esprit », réédition en 2012 et L’Afrique étranglée. Zambie, Tanzanie, Sénégal, Côte-d’Ivoire, Guinée-Bissau, Cap-Vert, 1980 ; Le Seuil, Paris, coll. « L’Histoire immédiate »), Frantz Fanon (Peau noire, masques blancs édition du Seuil 1952) , Gustave Hervé, André Gide (Voyage au Congo et Le retour du Tchad 1929), Edgar Morin, Louis Lecoin, Paul Ricoeur, Jean Rouch (avec Edgar Morin Chronique d’un été 1961, Prix de la critique au festival de Cannes  1961),  Jean Paul Sartre, Germaine Tillion, Simone Weil… et les contradictions d’Albert Camus

[9]. Voir notamment : https://armerdesarmer.wordpress.com/2013/04/15/le-premier-traite-de-regulation-des-armes-classiques-de-lhistoire-integre-en-son-coeur-les-droits-de-lhomme-et-le-droit-international-humanitaire/ et https://armerdesarmer.wordpress.com/2014/04/01/la-france-ratifie-le-traite-sur-le-commerce-des-armes-classiques-adopte-a-lonu-en-avril-2013/

[10]« Ce qui s’est passé ici est inacceptable et oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l’ont empêchée de prévenir et d’arrêter ce crime épouvantable. » Nicolas Sarkozy le 25 février 2010 :  http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2010-02-25/genocide-rwandais-nicolas-sarkozy-reconnait-des-erreurs-de-la/924/0/427910

[11] Qui n’a pas eu accès à tous les documents comme la Commission d’enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda: http://www.senate.be/www/?MIval=/publications/viewPubDoc&TID=16778570&LANG=fr

[12] Même s’il avait effectivement été mis à l’écart par l’équipe de l’Elysée  (François Mitterrand et Hubert Védrine alors secrétaire général de l’Élysée) ainsi que par Roland Dumas (ministre des Affaires Étrangères).  Il n’a cependant pas non plus cherché à alerter l’opinion publique française alors qu’il préside la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) en charge des autorisations de ces exportations.





La République Démocratique du Congo, un échec continue de la justice internationale.

30 07 2013

m23

Après 17 ans de guerre presque ininterrompue, les exactions des groupes armés continuent presque dans l’indifférence de la communauté internationale. Détentions arbitraires, exécutions extra-judiciaires sommaires et arbitraires, recrutements forcés d’adultes et d’enfants, viols, crimes contre l’humanité, pillages des villages et des ressources naturelles. Depuis 1996 rien ne semble changer dans ce pays aux immenses richesses naturelles. Le bilan des morts s’aggrave sans que l’on estime nécessaire d’en tenir le compte[1]. Human Right Watch a sorti un nouveau rapport qui dénonce à nouveau le soutient du Rwanda[2] qui depuis 1998 ne semble pas avoir faiblit d’un iota. Le régime de Paul Kagamé se permet même de soutenir militairement Sultani Makenga contre  Bosco Ntaganda[3] après la scission du M23[4].

De l’autre coté ce n’est pas mieux : les Forces Armée de la République Démocratique du Congo (FARDC) soutiennent des congolais Hutus qui s’allient eux même avec les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), responsables eux aussi de crimes de guerre… Rien de nouveau depuis ma première mission en 2001 si ce n’est le nom de certains de ces groupes armés.

Le rapport intérimaire des experts de l’ONU avance également les mêmes informations concernant le régime rwandais et les FARDC[5]… Mais rien ne change. Les britanniques font le yoyo entre l’octroi d’aides et leurs suspensions[6]. Les Etats Unis d’Obama dont la loi de 1999 interdit pourtant de transférer des armes et de former les militaires d’un pays qui est impliqué dans de grosses violations des droits de l’Homme[7], comme celui du régime de Paul Kagamé, continuent de froncer les sourcils[8]. Ils avaient suspendu une aide de 200 000$ en juillet dernier pour la formation de sous officier, mais ils continuent de former les troupes rwandaises.

Enfin pour endormir ceux qui ne l’étaient pas encore, le représentant spécial adjoint du Secrétaire Général des Nations Unies en RDC, chargé de l’Etat de droit, M Abdallah Wafy déclare que : « La MONUSCO prévient le M23 qu’il sera tenu pour responsable du sort de toute personne enlevée ou recrutée de force par ses éléments ». Pas un mot en direction du Rwanda, ni des pays qui le soutiennent.

Mais les choses vont changer : Une Brigade d’intervention de l’ONU, sous commandement africain, a été formée et envoyée dans l’est de la RDC. Elle a pour mandat d’intervenir contre les groupes armés dans l’est du pays[9].

Et le Conseil de Sécurité des Nations unies a adopté une déclaration présidentielle le 27 juillet dernier[10] soutenue par le Rwanda c’est dire…

Celle-ci exige des groupes armés qu’ils cessent toute forme de violations des droits de l’Homme :

–       Au M23 ;

–       aux FDLR ;

–       à l’alliance des Forces démocratiques Armées nationale de Libération  (ADF-NALU) ;

–       aux Maï Maï Kata-Katanga ;

Enfin, le Conseil de Sécurité est profondément préoccupé des actions des FARDC en direction des membres du M23 qui constituent des violations internationales relatif aux droits de l’Homme et du droit humanitaire.

C’est donc le même refrain depuis 1998, rien ne change donc véritablement  en République Démocratique du Congo. Les armes continuent d’arriver et les ressources naturelles d’être pillées.

Après toutes ces années il est difficile de dire que la responsabilité n’en incombe qu’aux chefs d’Etats de la région, notamment les Présidents Kabila et Kagamé.
D’où viennent les armes[11] ?

Quels circuits sont alimentés par ce pillage des ressources presque systématique[12] ?

Mais pas un mot de cela dans cette déclaration des pays membres du Conseil de Sécurité qui semblent encore passer leurs intérêts avant ceux des peuples vivants dans la région des grands lacs. Il serait temps pourtant !

Il y a 8 ans, le 31 juillet 2005, Marcel Akpovo[13] m’appelait pour m’annoncer l’assassinat de Pascal Kabungulu, des Héritiers de la justice, dans sa maison de Bukavu. Pascal qui nous avait accueilli dans sa ville était  un incroyable et courageux défenseur des droits de l’Homme. Son engagement pour les plus faible était sans faille. Les descriptions qu’il nous avait faites des graves violations des droits de la personnes ressemblent à celles que l’on découvre encore aujourd’hui… Comme pour les plus de 5,4 millions de morts dans ce pays, la justice n’a toujours pas trouvé les coupables.

Benoît Muracciole


[1] La 5° étude de l’International Rescue Committee date de 2007 et estime 5,4 millions de morts des causes directes et indirectes de la guerre : http://www.rescue.org/sites/default/files/migrated/resources/2007/2006-7_congomortalitysurvey.pdf  Et continuerait de faire environ 45 000 morts par mois.

[3] Actuellement il est emprisonné à la Haye sous les inculpations de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

[4] En début d’année 2013.

[7]  Sec 3 loi du 17 juin 1999 « To prohibit United States military assistance and arms transfers to foreign governments that are undemocratic, do not adequately protect human rights, are engaged in acts of armed aggression, or are not fully participating in the United Nations Register of Conventional Arms »   http://www.us-legislation.com/hr/106/2269.html

[8] http://www.rfi.fr/afrique/20130726-rdc-john-kerry-tres-inquiet-aide-exterieure-fournie-groupes-rebelles. Un programme en discontinu depuis 1995 voir aussi « Les États-Unis et le Rwanda : des liens particuliers dans le domaine de l’entraînement » Terror Trade Time Amnesty International juin 2002 : file://localhost/Users/benoitmuracciole/Documents/Armes%20transferts%20&%20usages/Commission%20AIF/TTT/Terror%20Trade%20Times%20%20Issue%20no.%203%20%20%2002.html

[9] Elle est constituée de 3 000 soldats d’Afrique du sud, du Malawi et de Tanzanie, mais c’est encore une même logique, ajouter  de nouvelles forces sans travailler sur l’arrêt des transferts d’armes.

[11] Là encore deux rapports relatent des faits depuis 2005 « Le flux d’armes en direction de l’est » auquel j’avais modestement participé : https://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR62/006/2005/fr/2196464b-d4d2-11dd-8a23-d58a49c0d652/afr620062005fr.html  et « Dead on Time » en 2006 : https://www.amnesty.org/en/library/info/ACT30/008/2006

[13] Responsable de la mission que nous avions fait en 2001 avec Amnesty International à Bukavu.