Le Président de la République a pris conscience de l’importance que revêt la sécurité aux yeux des Français en créant des Zones de sécurité prioritaire (ZSP). Conçues, dès juillet 2012, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, elles devaient reposer « sur la prise en compte des circonstances et des particularismes locaux (…) en fonction des besoins de sécurité exprimés par la population », selon la présentation qu’en fait le site Internet du ministère.
Nos concitoyens n’imaginaient alors pas que le nouveau ministre pourrait valider les anciennes méthodes, qui ont produit, au cours de la décennie précédente, les échecs que nous savons. Nous pensions que les ZSP seraient identifiées en fonction d’une vision politique clairement établie. Que les objectifs et moyens d’interventions y seraient arrêtés à partir d’une ligne rigoureuse, basée sur un constat et des problématiques dégagés en fonction des spécificités de la criminalité et de la délinquance locales, mais aussi en tenant compte de critères sociologiques, urbains et environnementaux propres à chaque territoire. Cela n’a, hélas, pas été le cas.
La sécurité publique constitue le cœur de métier de la police et de la gendarmerie. La restauration de la confiance des citoyens dans les forces de l’ordre, l’amélioration de leurs performances ne peuvent découler que de méthodes nouvelles de travail, adaptées aux besoins actuels de cette sécurité publique. Pour cela des formations ont-elles été proposées à tous les acteurs affectés dans les zones choisies, afin que chacun contribue avec le maximum de professionnalisme à ce projet ambitieux de régulation sociale ? Quid des éducateurs spécialisés, animateurs de centres de loisirs des jeunes, correspondants de nuit, médiateurs sociaux, centres communaux d’action sociale, parcs et jardins et aires de jeux ? Chacun « apportant son savoir-faire et sa ‘’valeur ajoutée’’ au dispositif global », selon les termes employés par le ministère, mais pour les seuls « acteurs de la police nationale »…
Forces de l’ordre et acteurs sociaux ont-ils acquis une expérience suffisante pour répondre efficacement aux situations auxquelles ils sont confrontés ? Quel dispositif de partenariat a-t-il été mis en place, incluant celles et ceux qui ont toute légitimité dans un territoire classé en ZSP : les élu(e)s ? Après plus de 8 mois d’exercice, l’heure est venue d’un premier bilan, qui ne manquera pas d’être appuyé par la publication de chiffres et statistiques de la délinquance appelés à justifier l’efficacité des moyens et services engagés en ZSP.
Comment ces données sont-elles évaluées ? Par qui ? Quels points communs entre les questions de sécurité et du bien vivre ensemble, selon que l’on vit dans une commune rurale comme Aubilly (Haute-Savoie), le quartier de Château Rouge (18° arrondissement parisien) ou les quartiers Nord de Marseille ? Les résultats chiffrés nous semblent correspondre à une lecture obsolète de la réalité, parce que se heurtant à la situation quotidienne d’habitants de zones par trop différentes. Les statistiques de police paraissent bien éloignées du ressenti des populations, en raison du manque d’une indispensable évaluation conduite commune par commune, voire quartier par quartier. Et, pour le moment, de nombreux citoyens disent ne pas constater d’amélioration en matière d’insécurité et d’incivilités vécues au jour le jour dans les ZSP.
Rien n’a changé donc, si ce n’est l’inefficacité des forces de l’ordre affichée au grand jour. Il faut dire que l’envoi au sein de ZSP de CRS venues de Sancerre ou de Saint-Brieuc (par exemple) n’est peut-être pas le moyen le mieux approprié pour y renouer les liens de proximité essentiels à tout travail de fond, nécessitant lui-même une connaissance très spécifique des personnes et des lieux. Et que les forces de l’ordre ne peuvent abandonner les champs de la prévention et de l’action sociale à des acteurs avec lesquels elles n’entretiennent par ailleurs que des relations à minima. Il est donc, à nos yeux, urgent de revoir la façon d’associer les citoyens eux-mêmes à la gestion de leur sécurité.
C’est seulement par un travail « collectif » dans le respect d’une déontologie retrouvée, ayant en son cœur les principes des droits de l’Homme et des libertés individuelles, que ce projet de « bien vivre ensemble » pourra être réalisé. Et c’est avec les élus et leurs partenaires institutionnels, policiers et gendarmes, représentants du ministère de la Justice, de l’Education, de la Santé, mais aussi avec des chercheurs en sociologie expérimentés dans chaque domaine considéré, que doit être initiée et se développer une pratique de résolution des problèmes. Pour qu’ainsi l’ambition initiale des ZSP soit approchée, et un jour – espérons-le – atteinte : « que la réponse publique (en matière de sécurité) soit complète : préventive, éducative, dissuasive » autant que « répressive chaque fois que nécessaire ».
Benoît Muracciole Président d’Action Sécurité Ethique Républicaine (ASER)
Georges Guillermou Commissaire principal honoraire de la police nationale Vice- Président d’ASER
Jean Johier Commandant honoraire de la police nationale ASER