Les Zones de sécurité prioritaires après 8 mois d’expérimentation Le choix d’un travail collectif s’impose pour atteindre l’ambition initiale des ZSP

17 05 2013

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Le Président de la République a pris conscience de l’importance que revêt la sécurité aux yeux des Français en créant des Zones de sécurité prioritaire (ZSP). Conçues, dès juillet 2012, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, elles devaient reposer « sur la prise en compte des circonstances et des particularismes locaux (…) en fonction des besoins de sécurité exprimés par la population », selon la présentation qu’en fait le site Internet du ministère.

Nos concitoyens n’imaginaient alors pas que le nouveau ministre pourrait valider les anciennes méthodes, qui ont produit, au cours de la décennie précédente, les échecs que nous savons. Nous pensions que les ZSP seraient identifiées en fonction d’une vision politique clairement établie. Que les objectifs et moyens d’interventions y seraient arrêtés à partir d’une ligne rigoureuse, basée sur un constat et des problématiques dégagés en fonction des spécificités de la criminalité et de la délinquance locales, mais aussi en tenant compte de critères sociologiques, urbains et environnementaux propres à chaque territoire. Cela n’a, hélas, pas été le cas.

La sécurité publique constitue le cœur de métier de la police et de la gendarmerie. La restauration de la confiance des citoyens dans les forces de l’ordre, l’amélioration de leurs performances ne peuvent découler que de méthodes nouvelles de travail, adaptées aux besoins actuels de cette sécurité publique. Pour cela des formations ont-elles été proposées à tous les acteurs affectés dans les zones choisies, afin que chacun contribue avec le maximum de professionnalisme à ce projet ambitieux de régulation sociale ? Quid des éducateurs spécialisés, animateurs de centres de loisirs des jeunes, correspondants de nuit, médiateurs sociaux, centres communaux d’action sociale, parcs et jardins et aires de jeux ? Chacun « apportant son savoir-faire et sa ‘’valeur ajoutée’’ au dispositif global », selon les termes employés par le ministère, mais pour les seuls « acteurs de la police nationale »…

Forces de l’ordre et acteurs sociaux ont-ils acquis une expérience suffisante pour répondre efficacement aux situations auxquelles ils sont confrontés ? Quel dispositif de partenariat a-t-il été mis en place, incluant celles et ceux qui ont toute légitimité dans un territoire classé en ZSP : les élu(e)s ? Après plus de 8 mois d’exercice, l’heure est venue d’un  premier bilan, qui ne manquera pas d’être appuyé par la publication de chiffres et statistiques de la délinquance appelés à justifier l’efficacité des moyens et services engagés en ZSP.

Comment ces données sont-elles évaluées ? Par qui ? Quels points communs entre les questions de sécurité et du bien vivre ensemble, selon que l’on vit dans une commune rurale comme Aubilly (Haute-Savoie), le quartier de Château Rouge (18° arrondissement parisien) ou les quartiers Nord de Marseille ? Les résultats chiffrés nous semblent correspondre  à une lecture obsolète de la réalité, parce que se heurtant à la situation quotidienne d’habitants de zones par trop différentes. Les statistiques de police paraissent bien éloignées du ressenti des populations, en raison du manque d’une indispensable évaluation conduite commune par commune, voire quartier par quartier. Et, pour le moment, de nombreux citoyens disent ne pas constater d’amélioration en matière d’insécurité et d’incivilités vécues au jour le jour dans les ZSP.

Rien n’a changé donc, si ce n’est l’inefficacité des forces de l’ordre affichée au grand jour. Il faut dire que l’envoi au sein de ZSP de CRS venues de Sancerre ou de Saint-Brieuc (par exemple) n’est peut-être pas le moyen le mieux approprié pour y renouer les liens de proximité essentiels à tout travail de fond, nécessitant lui-même une connaissance très spécifique des personnes et des lieux. Et que les forces de l’ordre ne peuvent abandonner les champs de la prévention et de l’action sociale à des acteurs avec lesquels elles n’entretiennent par ailleurs que des relations à minima. Il est donc, à nos yeux, urgent de revoir la façon d’associer les citoyens eux-mêmes à la gestion de leur sécurité.

C’est seulement par un travail « collectif » dans le respect d’une déontologie retrouvée, ayant en son cœur les principes des droits de l’Homme et des libertés individuelles, que ce projet de « bien vivre ensemble » pourra être réalisé. Et c’est avec les élus et leurs partenaires institutionnels, policiers et gendarmes, représentants du ministère de la Justice, de l’Education, de la Santé, mais aussi avec des chercheurs en sociologie expérimentés dans chaque domaine considéré, que doit être initiée et se développer une pratique de résolution des problèmes. Pour qu’ainsi l’ambition initiale des ZSP soit approchée, et un jour – espérons-le – atteinte : « que la réponse publique (en matière de sécurité) soit complète : préventive, éducative, dissuasive » autant que « répressive chaque fois que nécessaire ».

Benoît Muracciole Président d’Action Sécurité Ethique Républicaine (ASER)

Georges Guillermou Commissaire principal honoraire de la police nationale Vice- Président d’ASER

Jean Johier Commandant honoraire de la police nationale ASER





Accord entre la Russie et les Etats Unis, un espoir pour les Syriens ?

13 05 2013

Syrie

Depuis le 15 mars 2011, le début de la révolution syrienne, l’escalade de la violence de l’Etat syrien apparaît comme s’être développée en deux temps.

Dans un premier temps, celui des manifestations de rues principalement dans les villes syriennes, ce sont des attaques disproportionnées des forces du régime contre les manifestants. Le 26 mai, l’estimation des personnes tuées par les forces de l’ordre ou les militaires du régime s’élevait, selon les chiffres de « The National Organization for Human Rights in Syria »  à plus de 1100 morts et environ 4 400 blessés, plus les personnes emprisonnées et disparues[1].

Dans un deuxième temps, les premières résistances armées commencent début 2011[2], l’affrontement prend une dimension nouvelle. Cette fois les indications sur le nombre des victimes tuées dans ce conflit changent dramatiquement dans leur intensité. En juillet de la même année on dénombre 19 000 morts, en novembre le nombre grossit à plus de 40 000 victimes[3]. En janvier  selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme est avancé le chiffre de 43 326 morts alors que l’ONU parle déjà de plus de 60 000 morts[4]. Les dernières estimations du Stratégic Research and Communication Center, au 15 mars 2013, reprises par l’ONU donnent plus de 70 000 personnes tuées[5].

S’il est impossible de faire une relation unique de cause à effet avec le début de l’insurrection armée, qui se situe donc autour du début du mois de juin 2011,  il semble que la violence du régime syrien prend des proportions vertigineuses à partir du mois d’août 2011[6]. Il s’agit bien sûr d’indications, mais celles ci peuvent peut être donner quelques arguments à ceux qui réfléchissent à une résolution de ce conflit où près de 90% des victimes sont les civils[7].

Sans compter la situation humanitaire où, à ce jour, ce sont plus de  2,5 millions de syriens qui ont fui leurs maisons, dont 600 000 réfugiés[8]. Enfin 6,8 millions de syriens ont besoin d’une aide d’urgence[9], le nombre de personnes disparues dépasse les 60 000, plus de  200 000 Syriens sont emprisonnés depuis le début de la révolution, sans compter un nombre inconnu de personnes torturées.

C’est donc dans ce contexte qu’après la France et la Grande Bretagne, les Etats Unis s’interrogent sérieusement sur l’opportunité de livrer des armes à l’Armée Syrienne Libre (ASL). L’utilisation d’armes chimique par les forces de Bachard el Assad a visiblement changé l’angle d’analyse de l’administration étasunienne. Pour augmenter la pression sur l’administration Obama, Bob Corker, le sénateur républicain membre du « Foreign relations committee », à déclaré dans une interview à  CBS le mardi 7 mai que : « les Etats Unis allaient bientôt armer l’opposition syrienne »[10].

C’est ce même mardi, que la Russie et les Etats Unis ont affirmé ensemble, leur volonté de trouver une issue diplomatique au conflit, et ce pour la première fois depuis le début de la crise syrienne. Même si des divergences persistent, cette déclaration peut représenter la meilleure nouvelle pour les millions de syriens qui vivent au quotidien des crimes contre l’humanité, de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.

Cette annonce pourrait signifier non plus d’ajouter de nouveaux moyens militaires, mais peut être de penser une désescalade des transferts d’armes dans le pays. Depuis Sergueï Lavrov, cédant sans doute à des pressions internes, a déclaré que la Russie honorera les contrats signés avec le gouvernement syrien[11]. La Russie sait cependant qu’elle doit anticiper un changement radical de sa place dans cette partie du monde et que cela passe par un changement de sa politique vis à vis du régime syrien.  Mais le plus important est la référence de Sergueï Lavrov à l’absence d’accord international  leur défendant de transférer ces armes à Bachar el Assad. Cette référence implicite au vote à l’ONU le 2 avril dernier du traité sur le commerce des armes[12], que le ministre des affaires étrangères russe n’a pu ignorer, annonce-t-elle un début d’anticipation de la part de la Russie en matière de transferts d’armes en direction de la Syrie[13] ?

D’autant que le deuxième grand pays soutien de la Syrie, l’Iran, rentre dans une période d’élection très particulière. Les très sérieuses contradictions qui s’accroissent au sein même du régime iranien, peuvent reléguer la Syrie au second plan de ses priorités. Le peuple iranien, plongé dans une grave crise économique, ne veut plus entendre parler d’un quelconque soutien à la Syrie[14].

Il y a donc une fenêtre que John Kerry et Sergueï Lavrov ont peut être sagement considérée, ils leur reste à convaincre les Etats de la région et peut être l’Union Européenne qui semble avoir disparu des radars. Ce serait enfin un geste fort pour la protection des droits de l’Homme des millions de syriennes et de syriens vivant sous la menace d’un usage irresponsable des armes.

Benoît Muracciole


[2] Suivi de la création de « l’Armée syrienne libre » le 29 juillet 2011

[7] Même s’il est difficile de savoir, dans ces chiffres, si le nombre de soldats tués comprend uniquement les forces du régime ou toutes les forces armées engagées sur le terrain : http://www.strescom.org/briefings/daily-round-ups/item/651-db15313.html

[11] Il s’agirait de S-300 air defense systems, des air- surface missiles pour la défense aérienne mais dont il est facile d’imaginer un usage offensif. Peut être que les Russes ont demandé des garanties sur l’usage comme ils le font dans leur contrat.

[13] Dans l’article 7 sur les autorisations d’exportations le paragraphe 7 stipule : «  Si, après avoir accordé l’autorisation, un État Partie exportateur obtient de nouvelles informations pertinentes, il est encouragé à réexaminer son autorisation, après avoir consulté au besoin l’État importateur. »

[14] Il reste pour l’Iran la question du soutien au Hezbollah, notamment par le biais des livraisons d’armes. Ils anticipent sans doute le départ de Bachard, comme un des scénarios probable, et cherchent sans doute de nouveaux relais dans une Syrie future proche.