La Grèce (Partie I) : la Position commune de l’UE sur les exportations d’armes

17 08 2016

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Aujourd’hui tout le monde s’accorde à reconnaître les petits arrangements entre amis dont a bénéficié à priori la Grèce pour entrer dans l’euro zone en 2000.

D’abord avec la complicité experte de Goldman Sachs, ainsi que celle de son directeur Europe de l’époque Mario Draghi, qui avait aidé le gouvernement Grec à trafiquer les comptes publics[1].

Puis grâce à une cécité bienvenue et bienveillante du FMI qui a délivré un prêt à ce pays en violation de ses propres statuts ; le taux de la dette publique de la Grèce était en effet de 114,4% du PIB en 2000 et 2001[2].

Enfin, la Grèce a été intégrée dans l’euro zone[3] alors qu’elle ne répondait pas non plus aux critères du pacte de stabilité demandés aux pays de l’Union Européenne (UE). Ce dernier n’autorisait en effet qu’un déficit maximum de la dette publique de 60%[4]. Il est important de noter que les gouvernements des États de l’UE – ainsi que l’ensemble des acteurs qui interviennent sur le marché des Credit default swap (CDS)[5] – étaient au courant puisque ces informations étaient disponibles grâce à l’office statistique de l’UE (Eurostat[6]).

 

En quoi cette manipulation pourrait concerner les pays exportateurs d’armes en direction de la Grèce ? La Position commune de l’UE engage les États membres à évaluer plusieurs critères avant d’accorder une autorisation d’exportation d’armes classiques.

En 1998 le code de conduite (CdC) de l’UE en matière d’exportation d’armements, qui devient juridiquement contraignant avec la Position commune de l’UE en 2008, développe 8 critères, dont le critère 2 « droit de l’Homme » –  qui intègre notamment le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC) des Nations Unies[7] – et le critère 8 « développement durable » [8][9].

Or en Grèce, les indicateurs des budgets liés à ces deux critères sont, pour un certain nombre, au rouge :

  • L’éducation d’abord, qui représente en 2004 moins de 3,5% du PIB de la Grèce qui est classé dernière des pays de l’OCDE[10].
  • Les dépenses de santé ensuite, elles sont en baisse à partir de 2002[11]. En pratique cela signifie qu’en 2013 plus de 3 millions de personnes n’ont pas accès à la santé[12].

Les conséquences de ces carences sont dramatiques pour les droits de l’Homme en Grèce. En effet, on note une forte augmentation des décès depuis 2007[13] ainsi que du nombre de suicides[14] à mettre en lien avec une aggravation de la demande pour les services de santé mentale[15]. Enfin la baisse des bas salaires entre 2006 et 2010[16] a vraisemblablement aussi contribué au développement… de la grande pauvreté[17].

Toutes ces mesures sont en contradiction avec les objectifs du millénaire qui place l’élimination de l’extrême pauvreté et de la faim comme le premier[18].

Et ces mesures violaient aussi les droits de l’Homme, dont les droits économiques sociaux et culturels[19] :

  • l’article 7 du PIDESC qui demande des conditions de travail justes et favorables, assurant hygiène et sécurité et des conditions de vie décente ;
  • l’article 9 qui assure une sécurité sociale pour tous ;
  • l’article 11 qui reconnait le droit à une nourriture, un vêtement et un logement suffisants ;
  • l’article 12 la jouissance d’un meilleur état de santé physique et mentale, la diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, la création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale ;

 

Ainsi les pays de l’UE, qui se plaignaient de la gabegie grecque, y ont largement contribué avec leurs ventes d’armes en direction de ce pays. De 2001 à 2014 les autorisations d’exportations vers la Grèce représentent des sommes considérables :

Dès 2001, les livraisons France, premier pays exportateur de l’UE, représentent plus de 95 millions €, l’Allemagne suit avec plus de 38 millions €[20].   La dette publique grecque est à            103,7%[21]
Entre 2003 et 2014 les États de l’UE vont autoriser l’exportation d’armes classiques pour plus de 15 milliards € [22]. La dette publique grecque est à 97,4%[23]en 2003 pour arriver à 180,1% en 2014[24]. 34.6% de la population est sous la menace d’exclusion sociale et de pauvreté en 2012.[25]Entre 2009 et 2013, les dépenses de santé sont passées de 23 milliards d’euros à 16 milliards d’euros[26].

 

Si ces autorisations ne sont pas encore la vente, qui peut s’étaler sur plusieurs années et même parfois ne pas se réaliser, elles ont révélé les politiques d’évaluation du risque des États. Il s’agit donc d’étudier si celles-ci constituent une rupture avec les critères 2 et/ou 8 de la Position commune de l’Union Européenne. Le critère 2 semble se limiter à faire le lien entre le type de matériel exporté et les graves violations des droits de l’Homme (qui restent cependant universels, indissociables, interdépendants et intimement liés[27]). Le critère 8 précise que le pays exportateur juge de la : « Compatibilité des exportations d’armements avec la capacité technique et économique du pays destinataire, compte tenu du fait qu’il est souhaitable que les États répondent à leurs besoins légitimes de sécurité et de défense en consacrant un minimum de ressources humaines et économiques aux armements. »[28].

Or ce critère 8 pose au moins deux problèmes : D’abord dans sa formulation il apparaît comme instituant une relation de domination de la part du pays exportateur qui déciderait des affectations et de l’équilibre du budget du pays importateur[29]. Ensuite parce que ce critère se base sur des indicateurs dont les référents sont contestables : « La dépense prévue est-elle conforme à la stratégie ou aux programmes de réduction de la pauvreté du pays destinataire soutenus par les institutions financières internationales (IFI)?[30] ».

Ces arguments ont été repris dans l’esprit par de nombreux États du Sud lors de la dernière négociation du traité sur le commerce des armes (TCA[31]) pour refuser ce critère.

 

Il devrait donc s’agir pour les États membres de l’UE de profiter d’une prochaine révision de la Position commune afin de mettre ces deux critères en conformité avec les articles 6 et 7 du TCA et d’en lier les indicateurs avec le droit international relatif aux droits de l’Homme universellement reconnu.

En attendant cette démarche souhaitable, il restera dans l’histoire des autorisations des exportations d’armes classiques des États membres de l’UE en direction de la Grèce, une négligence grave quant à l’absence de considération de la gravité des violations des droits économiques, sociaux et culturels dans ce pays.

Jean Claude Alt ASER

Benoît Muracciole Président ASER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Six choses à savoir sur Mario Draghi, le patron de la BCE : http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/banque/20120905trib000717938/six-choses-a-savoir-sur-mario-draghi-le-patron-de-la-bce.html

[2] Comité pour la vérité́ sur la dette publique Grecque ; Rapport préliminaire ; Chapitre 8, Évaluation du caractère illégitime, odieux, illégal ou insoutenable de la dette ; page 51 : http://www.cadtm.org/IMG/pdf/Raport_FR_23-07.pdf

[3] Paulo Nogueira Batista, membre du conseil d’administration du FMI, avait expliqué à une télévision grecque que ce plan « a été présenté comme un plan de sauvetage de la Grèce, mais représentait en réalité un plan de sauvetage du secteur privé, à savoir des créanciers. La Grèce a reçu d’exorbitantes sommes d’argent, mais ces liquidités ont en vérité été allouées aux banques françaises et allemandes via Akbank, sans contribution réelle, en retour, à la réorganisation de l’économie grecque », page 7 : http://www.atterres.org/sites/default/files/L_Europe_ecrit_sa_tragedie_grecque.pdf

[4] http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/approfondissements/budget-contraintes-europeennes.html

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Credit_default_swap et http://www.economiematin.fr/auteur-387-Ga%C3%ABl-Giraud

[6] http://ec.europa.eu/eurostat/data/database

[7] Le Guide d’utilisation de la position commune 2008/944/PESC du Conseil définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires stipule que « tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés » ; Page 40 : https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2014/07/guide-utilisation-position-commune-ue-2009.pdf

[8] Définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et déquipements militaires : https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2014/07/position-commune-ue-20081.pdf

[9] Voir aussi le guide d’utilisation de la Position commune de l’UE : https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2014/07/guide-utilisation-position-commune-ue-2009.pdf

[10] http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/statistiques_info_decisionnelle/bulletin_35.pdf et https://www.maif.fr/content/pdf/enseignants/votre-metier-en-pratique/ecole-europe/maif-europe-grece.pdf

[11] Elles sont de 8,72% du PIB, puis repartent jusqu’en 2009 pour replonger jusqu’en 2014 (8,08%) où elles atteignent un taux inférieur à 1995 (8,27%), avec un PIB qui passé de 123 milliards € en 1995 à 185 milliards € en 2015 : http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/03/04/97002-20160304FILWWW00187-grece-le-pib-en-recul-de-02-en-2015.php http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.XPD.TOTL.ZS?locations=GR , http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/grece-petit-guide-contre-les-168277

[12] C’est à dire environ 27 ,7% de la population : http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20121003trib000722626/la-grece-menacee-d-une-crise-sanitaire-majeure.html et http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20131209trib000800039/crise-sanitaire-un-grec-sur-trois-n-a-plus-de-couverture-sante.html

[13] 110 000 morts en 2007, 116 000 EN 2012, un chiffre que l’on avait plus atteint depuis 1949 : Mortality and the economic crisis in Greece ; the Lancet ; Nikolaos VlachadisemailPress enter key to Email the author, Nikolaos Vrachnis, Eftichios Ktenas, Maria Vlachadi, Eleni Kornarou ; Published Online: 20 February 2014 : http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(14)60250-6/fulltext?rss=yes

[14] De plus 25 % entre 2010 et 2011, puis de 37% à partir de juin 2011 avec des pics en mai et juillet 2012. Santé : les Grecs malades de la crise ; David Belliard ; Alternatives Economiques n° 307 – novembre 2011 : http://www.alternatives-economiques.fr/sante–les-grecs-malades-de-la-crise_fr_art_1108_56074.html ; Selon le journal « Social Science and Medicine » chaque baisse de 1% dans les dépenses gouvernementales conduit a une augmentation de 0.43% de suicides auprès des hommes. Une étude avance le nombre de 551 suicides d’hommes uniquement pour cause « d’austérité fiscale » entre 2009 et 2010 : http://www.sciencedirect.com/science?_ob=ShoppingCartURL&_method=add&_eid=1-s2.0- ; S0277953614002433&originContentFamily=serial&_origin=article&_ts=1470233315&md5=18b7a1f2624c9ee52ca194ea76b9ccec

[15] Elle augmenté de 100%, d’après une étude de l’université d’Athènes, 12,3% des Grecs souffrent de dépression cliniques alors qu’ils n’étaient que 3,3% en 2008 : The Greek crisis we don’t see ;12 Mar 2014 ; By: Nick MalkoutzisHellenic « Statistical Authority (ELSTAT) » : http://www.macropolis.gr/?i=portal.en.the-agora.1026&itemId=1026

[16] Elle a été proche de 3%, alors qu’ils augmentaient pour la majorité des pays de l’UE http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Wages_and_labour_costs/fr

[17] Un grec sur trois a des difficultés pour acheter les biens de première nécessité en 2012 : 28 mai 2012 radio Vatican : http://www.news.va/fr/news/crise-grecque-la-caritas-inquiete-face-a-la-hausse . Le Public Policy Analysis Group of the Athens University of Economics and Business a sortie une étude en 2014 qui montrait que 14% des grecs vivaient au dessous des standards habituels alors qu’ils n’étaient que 2% en 2009 : Nearly half of incomes below poverty line :

: http://www.ekathimerini.com/156750/article/ekathimerini/business/nearly-half-of-incomes-below-poverty-line . Greece’s health crisis: from austerity to denialism Alexander Kentikelenis, Marina Karanikolos, Aaron Reeves, Martin McKee, David Stuckler ; The Lancet ; 2014 : http://www.west-info.eu/the-return-of-malaria-and-tb-in-greece/lancet-2/ .

[18] Ibid.

[19] Le Guide d’utilisation de la position commune 2008/944/PESC du Conseil définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires ; Page 40 : https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2014/07/guide-utilisation-position-commune-ue-2009.pdf

[20] Annexe informations sur les exportations d’armes conventionnelles et sur la mise en œuvre du code de conduite par les états membres pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2001 : En 2002, ce sont les autorisations d’exportations qui s’envolent : la France avec plus de 519 millions € mène la danse, l’Allemagne suit toujours avec plus de 266 millions €; la Grande Bretagne avec plus de 57 millions €; la Belgique 43 millions €; l’Italie près de 16 millions €; l’Espagne plus de 16 millions €; la Suède : 10 millions €; pour un total UE de plus de 933 millions € : Annexe informations sur les exportations d’armes conventionnelles et sur la mise en œuvre du code de conduite par les états membres pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2002 : https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2015/07/rapport-coarm-annc3a9e-2002.pdf

[21] https://www.google.fr/search?q=dette+publique+gr%C3%A8ce+2003&ie=utf-8&oe=utf-8&client=firefox-b&gfe_rd=cr&ei=M1ywV_nfMcLBaJiglIgD

[22] Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2004 :

Autorisation d’exportation : France 1 864 572 010€ Allemagne : 150 555 707€ ; pour un total UE : 2 004 918 046€ et livraisons France 364 100 000€ ; Allemagne : 95 723 000€ pour un total déclaré UE : 499 629 288€. Le caractère peu rigoureux du rapport donne une addition des autorisations d’exportation  de la France et de l’Allemagne, 2 015 127 717€, supérieure au total des autorisations d’exportation de tous les pays de l’UE…

https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2015/07/rapport-coarm-annc3a9e-20041.pdf

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2005 :

Autorisation d’exportation : France : 1 810 549 548€; Allemagne : 255 800 261€; Grande Bretagne 2 686 964€; pour un total UE : 2 119 238 047€ et livraisons Allemagne : 65 947 000€ ; Italie : 69 274 223€ ; Pays Bas : 42 921 174€ ; pour un total UE : 489 186 146€. https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2015/07/rapport-coarm-annc3a9e-2006.pdf

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2006 :

Autorisation d’exportation : France : 1 957 854 430 ; Allemagne : 455 174 346 ; Grande Bretagne 2 686 964; pour un total UE : 2 450 966 347 et livraisons Allemagne : 358 263 000 ; Italie : 45 833 598 ; Pays Bas : 78 685 578 ; pour un total de : 661 399 070€

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2007 :

Autorisation d’exportation : France : 1 153 650 841 ; Allemagne : 26 773 417 ; Grande Bretagne 2 686 964; pour un total UE : 1 192 981 243 et livraisons Allemagne : 265 928 000 ; Italie : 86 540 675 ; Pays Bas : 16 012 090 ; pour un total UE : 1 284 013 941€

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2008 :

Autorisation d’exportation : France : 358 629 438 ; Allemagne : 83 523 116; pour un total UE :: 476 772 243 et livraisons Allemagne : ? ; Italie : 86 540 675 ; Pays Bas : 16 012 090 ; Suède 97 744 841; pour un total UE : 401 113 430€

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2009 :

Autorisation d’exportation : France : 946 444 690 ; Allemagne : 15 872 406 ; Grande Bretagne 2 686 964; pour un total UE : 990 689 961 et livraisons Allemagne : non spécifiée; Italie : 5 116774 ; Pays Bas : 1 664 222 ; Suède : 41 998 540; pour un total UE : 199 320 350€

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2010 :

Autorisation d’exportation : France : 876 076 595 ; Allemagne : 35 799 664; pour un total UE : 1 054 665 111 et livraisons Allemagne : ? ; Italie : 5 116774 ; Pays Bas : 1 664 222 ; Suède : 212 197; pour un total UE : 70 916 553€

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2011 :

Autorisation d’exportation : France : 716 987 868 ; Allemagne : 12 519 879 ; Grande Bretagne 1 817 529; pour un total UE : 782 843 106 et livraisons Allemagne : ? ; Italie : 7 362 917 ; Pays Bas : 1 145 137 ; Suède : 19 265; pour un total UE non spécifié.

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2012 :

Autorisation d’exportation : France :108 807 919 ; Allemagne : 7 433 275 ; Grande Bretagne 2 753 284; pour un total UE : 253 523 082 et livraisons Allemagne : non spécifiée ; Italie : 3 383 332 ; Pays Bas : 707 981 ; Espagne : 16 061 192 pour un total UE non spécifié.

 

Annex Information on conventional arms exports and implementation of the Code of Conduct by the Member States over the period 1 January to 31 December 2013 :

Autorisation d’exportation : France : 516 349 494 ; Allemagne : 13 695 794 ; Grande Bretagne 15 563 000 pour un total UE : 576 317 073 et livraisons Allemagne : non spécifié ; Italie : 3 383 332 ; Pays Bas : 707 981 ; Espagne : 97 380 335 pour un total non spécifié.

[23] https://www.google.fr/search?q=dette+publique+gr%C3%A8ce+2003&ie=utf-8&oe=utf-8&client=firefox-b&gfe_rd=cr&ei=M1ywV_nfMcLBaJiglIgD

[24] http://ec.europa.eu/eurostat/tgm/table.do?tab=table&init=1&plugin=1&pcode=tsdde410&language=fr

[25] The Greek crisis we don’t see ;12 Mar 2014 ; By: Nick MalkoutzisHellenic « Statistical Authority (ELSTAT) » : http://www.macropolis.gr/?i=portal.en.the-agora.1026&itemId=1026

[26] Grèce : trois millions de personnes exclues du système de santé ; La rédaction d’Allodocteurs.fr ; publié le 22/10/2015 : http://mobile.francetvinfo.fr/sante/patient/droits-et-demarches/grece-trois-millions-de-personnes-exclues-du-systeme-de-sante_1139895.html Santé : les Grecs malades de la crise ; David Belliard ; Alternatives Economiques n° 307 – novembre 2011 http://www.alternatives-economiques.fr/sante–les-grecs-malades-de-la-crise_fr_art_1108_56074.html

[27] Guide d’utilisation de la position commune 2008/944/PESC du Conseil définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements ; Page 40 : https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2014/07/guide-utilisation-position-commune-ue-2009.pdf

[28] Voir aussi le guide d’utilisation de la Position commune de l’UE : https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2014/07/guide-utilisation-position-commune-ue-2009.pdf

[29] Un peu comme les interventions de la troïka (la Commission Européenne, la Banque centrale européenne et le FMI) en Grèce depuis 2010 : http://www.cadtm.org/Comment-la-Troika-s-est-erigee-en

[30] Qu’elle est, par exemple, la reconnaissance universelle des IFI ? Guide d’utilisation de la Position commune de l’UE ; page 96 : https://armerdesarmer.wordpress.com/wp-content/uploads/2014/07/guide-utilisation-position-commune-ue-2009.pdf

[31] Quelles frontières pour les armes ; Benoît Muracciole ; 2016 ; Editions A. Pedone ; chapitre : la conférence finale du 18 au 28 mars 2013.





La communauté internationale se nourrit-elle des conflits au Moyen Orient? Partie III

19 04 2016

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Une histoire de domination coloniale qui ne s’arrête pas

Parce qu’il faut bien débuté à un moment dans l’histoire du Moyen Orient – pour tenter de comprendre les guerres de Syrie, d’Irak et du Yémen – je commencerais par le démembrement de l’Empire Ottoman et son découpage  par les deux « grandes puissances » du moment, la France et la Grande-Bretagne. En 1916, se sont les accords de Picot et Sykes qui tracent un premier projet de frontières. Celles-ci seront redessinées le 1er décembre 1918 lors de la rencontre entre l’ancien premier ministre anglais Lloyd George et Georges Clémenceau à Londres. Cette réunion concerne la répartition de la domination de la France et la Grande Bretagne sur le Moyen Orient et elle sera concrétisée, en avril 1920, par le traité de San Remo[1].

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D’une façon consciente ou inconsciente, ces deux pays font une mise en œuvre brutale – en traçant les frontières à la règle selon leurs intérêts géostratégiques et au déni du droit des peuples – des théories de Halford John Mackinder[2] et de son disciple Nicholas Spykman sur le contrôle géostratégique du monde. Spykman élargira le territoire proposé par Mackinder en y ajoutant une ceinture au sud du territoire qu’il appellera le Rimland où l’on retrouve la Syrie et tous les pays du golf, l’Afghanistan, l’Iran…

Nous ne sommes qu’au début du XX° siècle et déjà la carte des pays riches en pétrole ou/et en gaz attirait déjà l’attention des «grandes puissances[3] ». Ces dernières utilisent pendant toutes ces années les techniques éculées de la domination coloniale. Les Sunnites sont instrumentalisés contre les Chiites, les Assyriens contre les Arabes, les Arabes contre les Kurdes, les Bédouins contre les Arabes, les Juifs contre les Palestiniens et vice versa lorsque la défense des intérêts de ces deux puissances est fragilisé.

Les années 50 représentent la continuité de s’inscrire dans cette logique de déni élémentaire de défense de l’autodétermination des peuples[4], du renversement de Mossadegh[5] à la crise de Suez[6] les gouvernements occidentaux continuent de vouloir contrôler la région. La guerre Iran Irak poursuit cette logique, notamment pour les gouvernements étasuniens, français et israéliens, les transferts d’armes en étaient un des maillons indispensables. Les livraisons au régime iranien[7], tout en « soutenant » dans le même temps celui de Saddam Hussein, peuvent apparaître comme une technique d’affaiblissement des belligérants dans la guerre afin d’éradiquer toute résistance à l’influence des régimes occidentaux[8].

Mais c’est sans doute l’ancien conseiller à la sécurité nationale du Président Carter, Zbigniew Brzezinski, qui en 1998 livre le plus clairement (naïvement ?) la vision de la domination du monde par les États-Unis. Dans son livre « The Grand Chessboard », reprenant la théorie de Mackinder et de Spykman, il fixe les objectifs étasuniens du contrôle de « l’Île mondiale ». D’abord affaiblir la Russie, seul pays à même de rivaliser avec les Etats Unis, en arrachant l’Ukraine (son cœur historique). Ajouter le contrôle du Moyen Orient, et enfin l’Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan pour leurs rôles clés au sein des « pays stans » d’Asie centrale (dont l’Afghanistan bien sûr[9]). L’Europe étant considérée depuis longtemps comme un instrument, tête de pont des États-Unis.

C’est avec ce «  Kiss of Death[10] » décrit par Brzezinski dans « The Grand Chessboard » que les interventions étatsuniennes, notamment au Moyen Orient, s’expliquent plus aisément. Il faut donc tordre le bras aux régimes résistants à cette domination et à n’importe quel prix. Ils financent, arment et forment les « freedom fighters » comme les Moudjahidin, Al Qaeda[11], puis les talibans[12] en Afghanistan…

Depuis la guerre d’Irak de 1990, les graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne se comptent plus avec un taux de morts (post conflit) très important[13]. Entre 1993 et 1999 – objet d’un embargo et de bombardements incessants sous l’administration de Bill Clinton – la mortalité infantile est monté de 47 / 1000 en 1984– 1989 à 108 / 1000 pour 1993-1999 et la mortalité des enfants de moins de 5 ans augmente dramatiquement de 56 à 131 / 1000[14].

Avec l’administration Bush c’est une nouvelle escalade avec la reprise en main des néocons et l’envahissement de l’Afghanistan, de l’Irak[15], la menace sur l’Iran et la protection, contre toute défense, de l’allié militaire israélien[16]. Entre 2003 et 2006 l’étude du Lancet donnait 600 000 morts violentes[17]. Les différentes estimations, sur le tribut payé par la population irakienne, oscillent entre 500 000[18] et 1 033 000 morts de 2003 à 2008[19].

La rupture annoncée par Obama ne concernera que le retrait des troupes en Irak, il subira la pression des néocons avec l’envoie de 68 000 militaires en Afghanistan avec le succès que l’on connait. et une ahurissante augmentation des exécutions extra judiciaires sommaires ou arbitraires[20]

 

Quels intérêts stratégiques pour les États-Unis ?

Pour ce pays, même s’il faut se garder d’une vision monolithique de (leur)sa politique extérieure, l’administration Obama avoir semble opté(e) – en livrant toutes ces armes aux Takfiristes de Syrie et d’Irak en connaissance de cause – pour une politique d’un « chaos contrôlé ».

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En maintenant ce « chaos contrôlé » les États-Unis espèrent sans doute avancer sur plusieurs plans :

  • D’abord parce que cette guerre se déroule presqu’aux frontières sud de la Russie et leur permet de continuer un petit jeu d’échange de menaces et d’apaisements avec la Russie, avec en arrière plan la question ukrainienne pour le grand jeu.
  • Ensuite parce que cette guerre bloque l’accord « Gas-Pipeline Deal[21]» de 10 milliards$ signé en juillet 2011 entre l’Iraq, l’Iran et la Syrie. Cet accord faisait suite à un refus, du régime syrien à la proposition du Qatar en 2009. Celui-ci concernait le passage d’un pipeline partant du Qatar et qui devait, en passant par la Syrie, arriver en Turquie. L’Europe pouvant ainsi trouver une alternative au gaz Russe qui l’alimente[22].
  • Il permet de maintenir leur relation avec les pays Arabes du Golf – notamment suite à la rencontre entre John Kerry et le Roi Abdullah de septembre 2011 – et envoie un signe peu subliminal  à ceux qui résistent ou souhaiteraient résister à leur étreinte.
  • Après l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, il fallait relancer les relations avec les États du Golf. Les Takfiristes de Syrie et d’Irak permettent à Heidi Grant, sous secrétaire d’États à la défense, de déclarer candidement : « la menace augmente à travers le monde… larguer des bombes chaque jour est un énorme succès pour nous… Spécialement les Emirats Arabes Unis ils sont très efficaces sur les bombardements[23] »
  • Enfin il oblige à un relais du Pentagone dans le financement de l’industrie de l’armement étasunienne par les pays du golf avec notamment 47 milliards$ d’achat d’armes de l’Arabie Saoudite en 2014[24].

 

C’est aussi dans cette logique que Hillary Clinton et les candidats républicains s’inscrivent[25]. Il sera intéressant de voir comment la société étasunienne réagira à cela car nul ici-bas n’a pu se targuer dans l’histoire d’avoir un instant contrôler le chaos.

Benoît Muracciole

 

 

 

[1]« Comment l’Empire ottoman fut dépecé », Henry Laurens : https://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/LAURENS/10102 , « Proche ou Moyen-Orient ? Géohistoire de la notion de Middle East », Vincent Capdepuy : http://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2008-3-page-225.htm

[2] Disciple du conservateur Halford John Mackinder : « Qui domine l’Europe de l’Est maîtrise le Heartland. Qui domine le Heartland maîtrise l’Île mondiale. Qui domine l’Île mondiale maîtrise le Monde » : H. J. Mackinder, Democratic Ideals and Reality , op. cit. , p. 194.

http://www.pascalvenier.com/venier2013.pdf ,   http://www.pascalvenier.com/venier2004c.pdf

[3] Ce pays est détenteur d’énormes quantités de gaz, pétrole et autres matières premières : http://www.globalresearch.ca/the-war-is-worth-waging-afghanistan-s-vast-reserves-of-minerals-and-natural-gas/19769 , http://www.worlddialogue.org/content.php?id=200

[4] http://www.politico.eu/article/why-the-arabs-dont-want-us-in-syria-mideast-conflict-oil-intervention/ version française : http://www.les-crises.fr/pourquoi-les-arabes-ne-veulent-pas-de-nous-en-syrie-par-robert-f-kennedy-jr/

[5] http://www.mossadegh.com/site/index.php/fr/mossadegh-coup-d-etat-de-1953 , https://www.monde-diplomatique.fr/2000/10/GASIOROWSKI/2492

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_du_canal_de_Suez , https://fr.wikipedia.org/wiki/Protocoles_de_S%C3%A8vres

[7] Les gouvernements étasuniens, français et israéliens livraient des armes aux deux camps : « Le cas symptomatique de l’Iran »,  Benoît Muracciole, les cahiers de l’Orient n° 105

[8] Les estimations des pertes en vies humaines sont de 300 000 à plus d’un million de morts iraniens et de 200 000 Irakiens : https://books.google.fr/books?id=JWmwwsWkYikC&pg=PA118&lpg=PA118&dq=de+300+000+%C3%A0+plus+d%27un+million+de+morts+iraniens+et+de+200+000+Irakiens&source=bl&ots=YHkaQo-Nts&sig=Fsljlz7i_6YVlYBM07ZMm2v0Oqo&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjCnbSjm47MAhUGqxoKHQyOC5EQ6AEIIjAB#v=onepage&q=de%20300%20000%20%C3%A0%20plus%20d%27un%20million%20de%20morts%20iraniens%20et%20de%20200%20000%20Irakiens&f=false

[9] Jusqu’en 1998 ; Ahmed Rashid «Taliban ; Islam, oil and the New Great Game in Central Asia », ed I.B. Tauris, 2000. Voir aussi :   http://www.worlddialogue.org/content.php?id=200

[10] Film 1947, realisé par Henry Hatthaway, avec Victore Mature, Coleen Grey, Brian Donlevy… mais qui reprend l’expression du « bacio della morte » de la mafia italienne.

[11] Terror trade time « Who armed al-Qa’ida? » : AI Index : ACT 31/001/2002

[12] Jusqu’en 1998 ; Ahmed Rashid «Taliban ; Islam, oil and the New Great Game in Central Asia », ed I.B. Tauris, 2000. Voir aussi :   http://www.worlddialogue.org/content.php?id=200

[13] http://www.ippnw.org/pdf/mgs/psr-3-2-daponte.pdf

[14] http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2800%2902289-3/fulltext

[15] Et le soutient indéfectible à des régimes corrompus, Hamid Karzaï, Ashraf Ghani pour l’Afghanistan et de Mohammad Bahr al-Ulloum, à Haïder al-Abadi, en passant par Nouri Al-Maliki pour l’Irak…

[16] https://armerdesarmer.wordpress.com/2015/07/01/apres-la-sortie-du-rapport-des-nations-unies-sur-la-guerre-de-gaza-en-2014-faut-il-suspendre-les-exportations-darmes-vers-israel/ , https://armerdesarmer.wordpress.com/2014/03/07/y-a-t-il-un-droit-international-pour-les-palestiniens-des-territoires-occupes/

[17] dont 56% de tirs de petites d’armes, 13% de voitures piégées, 14% d’autres types d’explosions, 13% attaques aériennes, 2% d’explosions et 2% de causes inconnues : https://armerdesarmer.wordpress.com/2010/11/05/guerre-dirak-entre-400-000-et-1-033-000-morts-pour-la-democratie-et-la-liberte/

[18] http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(04)17452-7/abstract   Mortality in Iraq Associated with the 2003–2011 War and Occupation: Findings from a National Cluster Sample Survey by the University Collaborative Iraq Mortality Study : http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001533

[19] Dont 48% suite à des tirs de petites d’armes, 20% d’explosions de voitures, 9% d’attaques aériennes 6% d’accidents et encore 6% d’explosions diverses : https://armerdesarmer.wordpress.com/2010/11/05/guerre-dirak-entre-400-000-et-1-033-000-morts-pour-la-democratie-et-la-liberte/

[20] https://www.thebureauinvestigates.com/category/projects/drones/drones-graphs/ , https://theintercept.com/drone-papers/

[21] http://www.wsj.com/articles/SB10001424053111903591104576467631289250392

[22] http://www.globalresearch.ca/the-secret-stupid-saudi-us-deal-on-syria/5410130

[23] Défense news ; le 31 janvier 2016 :  http://www.defensenews.com/videos/defense-news/tv/2016/01/31/79605056/

[24] P 28 : https://www.fas.org/sgp/crs/mideast/RL33533.pdf

[25] Elle a soutenue la guerre en Irak jusqu’en 2006, puis en 2009 avec Robert Gates en Afghanistan, 2011 en Libye et poursuit encore celle-ci pour la Syrie et l’Irak : https://consortiumnews.com/2016/03/28/bernie-sanders-as-commander-in-chief/ . Sanders semble plus prudent, mais ne rompt pas encore dans cette logique de montée aux extrêmes dont parle René Girard pour « achever Clausewitz. René Girard Achever Clausewitz, Cahiers du nord, 2007.





L’Orient doit-il continuer d’être le réceptacle de la foire aux armements des pays occidentaux et de la Russie ?

14 08 2014

 

Le Sherpa Light APC XL de Renault Truck sera t-il livré aux Kurdes ? Photo Benoît Muracciole

Le Sherpa Light APC XL de Renault Truck sera t-il également livré aux Kurdes ? Photo Benoît Muracciole


Depuis plusieurs décades maintenant ce sont des milliards d’euros[1] que les principaux exportateurs d’armes ont livrés dans les différents pays de l’Orient[2]. Les raisons officielles avancées étaient bien sûr la paix et la stabilité, accessoirement les droits de l’Homme. Lorsque le besoin s’en faisait sentir par les  chancelleries, leurs discours alertaient les opinions publiques sur le danger imminent de massacres ou de génocides de telle ou telle population. Sagement relayée par nombre de médias, cette information permettait le bombardement, l’envoi d’armes ou de troupes dans la zone choisie.

 

Pour les pays occidentaux et la Russie, l’ajustement de la région d’intervention s’effectuait selon une classification hiérarchique des peuples vivant sous ces menaces imminentes. Celle-ci, très fluctuante et quelque peu macabre, est dirigée par les intérêts géopolitiques à très court terme de ces mêmes États. Au moment où j’écris ces lignes qu’en est-il de l’importance des droits des populations de Centrafrique, du nord du Mali, de Somalie, du Soudan du Sud ?

Même la terrible situation des syriens, pourtant au sommet des préoccupations des médias en début d’année[3], n’est même plus reléguée dans les fins de pages de la rubrique internationale des grands journaux. Pourtant le nombres de morts et de réfugiés ne cesse d’augmenter, la violence du régime de Bachard al Assad n’a pas baissé d’intensité et les Russes ne semblent pas avoir cessé de nourrir ce régime en armes classiques.

 

Des questions qui restent en suspend sur Gaza et Israël

 

Le récent massacre des palestiniens avec la mort d’au moins 1 900 d’entre eux (1 417 sont des civils dont 459 enfants et 238 femmes) et le traumatisme de centaines de milliers d’autres, ainsi que la mort de 3 civils israéliens[4], avaient fini par mettre en émoi les chancelleries des pays occidentaux. Mais mis à part la mobilisation d’une partie de la société civile en Grande Bretagne – dont l’appel d’Amnesty International[5] ainsi que la démission de la ministre Sayeeda Warsi[6] qui a sans doute poussé le gouvernement britannique à revoir ses exportations d’armes vers Israël[7] – le flux des armes vers ce pays continue.

La France est muette et continue de fournir le régime de Benyamin Netanyahou en armement, sans que l’on ait une idée précise des armes qu’elle livre et si ces mêmes armes auraient pu être utilisées dans les possibles crimes de guerre et contre l’humanité contre la population palestinienne.

Quant aux États Unis ils sont en passe de livrer le précieux carburant qui a permis aux F16 israéliens de détruire avec méthode plus de 16 700 maisons palestiniennes, avec parfois leurs occupants à l’intérieur[8].

 

Est-ce pour éviter un questionnement gênant de la part de citoyens soucieux du respect des droits de la personne et du droit international humanitaire ? Est-ce pour éluder les responsabilités de chacune des parties dans ces violations du droit international ? Est-ce pour esquiver les responsabilités des pays qui malgré les nombreuses alertes des ONG ont continué de leur livrer des armes, que nos regards sont appelés à se tourner vers l’Irak ?

 

L’apparition soudaine des exactions des fondamentalistes l’Etat Islamique sur nos écrans

 

Depuis quelques jours une nouvelle urgence absolue semble vouloir distraire l’opinion publique occidentale de ces questions quelque peu hardies sur Gaza et Israël. Les fondamentalistes de l’État Islamique (EI)  massacre les chrétiens de Karakosh ainsi que les Yazidis en Irak. Une vrai bénédiction venue du ciel pour les capitales occidentales. Voilà indiscutablement de vrais méchants, de purs sauvages comme nous n’en n’espérions plus. Une horde de psychopathes qui se vantent de leurs exactions auprès de civils innocents.

 

Sans revenir jusqu’au début du XX° siècle, nous pouvons quand même noter que la délicate attention des pays occidentaux et de la Russie dans cette région du monde ressemble à une accumulation de catastrophes pour les populations autochtones. Après un soutien inconditionnel au dictateur Saddam Hussein – qui violait pourtant l’article premier et le chapitre VII de la charte des Nations unies dans sa guerre d’invasion contre l’Iran – les années 1990/91 ont vu les États Unis, suivis par une large coalition hétéroclite d’États[9], vouloir contrôler les champs de pétrole irakiens. La communication était déjà la même, le méchant était alors Saddam Hussein et de sa « 4ème armée du monde » qui avait été équipée par les pays occidentaux et la Russie. La victoire fut facile pour la coalition, mais amère pour les Kurdes et les chiites du sud du pays qui se sont sentis abandonnés. Lorsque Saddam eut la voie libre pour exercer sa vengeance, il n’était plus question de protéger ces populations.

 

Les années Clinton se sont illustrées par un embargo ,  des bombardements incessants et un impact terrible en terme de mortalité, notamment infantile, pour une grande partie de la population. L’invasion de 2003 sous Georges Bush junior et les livraisons incessantes et irresponsables d’armes classiques – dont près d’un million d’armes légères et de petits calibres qui sont « perdues »[10] – ont permis le surarmement de toutes les factions du pays. Enfin la mise en place d’un nouveau pouvoir sectaire, avec Nouri al Maliki, par l’administration de Barak Obama acheva la désintégration de l’Irak. Ce pouvoir a poussé le ralliement de nombreuses tribus dans les bras d’un Etat Islamique ainsi renforcé.

 

Peu importe donc que l’EI sévit depuis des années dans cet Irak terrassé avec notamment la prise de la ville martyr de Falluja en février 2014[11] ! Que l’EI avait également massacré en Syrie en 2013 ! Taisons le renforcement de l’EI grâce aux prise de guerre de matériel militaire étasunien généreusement abandonné par l’armée irakienne de Nouri al Maliki ! Oublions les accommodements de circonstances avec les Kurdes de Massoud Barzani dans les zones proche du Kurdistan ! Escamotons enfin le caractère hétéroclite de ce groupes constitués pour beaucoup, de tribus sunnites en opposition avec un exercice despotique du pouvoir par Nouri al Maliki[12] !

 

Vers une solution politique ?

 

Comme réponse à la complexité de cette situation, la France, l’Allemagne[13], la Grande Bretagne et les États Unis ont déclaré qu’ils allaient envoyer des armes aux Kurdes de Massoud Barzani pour défendre les populations civiles irakiennes menacées. Comme du temps du tyran sanguinaire Mouammar Kadhafi où la France avait décidé d’équiper des groupes armés pour protéger les populations civiles. La France avait déclaré alors avoir réalisé une évaluation sur le risque d’usage de ces armes afin de respecter les critères de la Position Commune de l’Union Européenne sur les exportations d’armements[14].

 

Mais dans une Libye où les populations sont encore soumises aux graves violations des droits de la personne due à une grande dissémination des armes classiques, l’évaluation semble plutôt catastrophique. La déclaration de l’ancienne ministre de la défense française Michèle Alliot-Marie sur France Inter[15] le confirme. Ces armes livrées par la France se sont retrouvées, affirme-t-elle, dans les mains des fondamentalistes islamistes qui ont affronté les troupes françaises et tchadiennes au Mali. Preuve que l’évaluation n’avait pas été d’une grande perspicacité et pourtant c’est sur ces mêmes bases que la décision de livraison d’armes en direction des Peshmergas Kurdes semble avoir été prise.

 

Les déclarations de protection des chrétiens irakiens et des Yazidis, oh combien respectables, ressemblent encore une fois à un aveu  d’impuissance, voire d’incompétence, de la part des dirigeants occidentaux. Ces décades de méprises répétées sur le monde oriental – qu’ils ne cessent de vouloir faire rentrer dans une lecture occidentale de « l’État-nation » – ne les ont toujours pas interrogé sur la pertinence de leur analyse. Ni sur leurs décisions répétées – excepté le refus pour la France de participer à la violation de l’article premier et du chapitre VII de la charte des Nations unies avec l’invasion de l’Irak en 2003 – qui ont rapproché un peu plus les peuples irakiens de leur destruction.

 

Le soutien inconditionnel aux régimes qui s’inscrivent dans la négation des droits de l’Homme, philosophie présente dans l’Orient ancien notamment avec le « Cylindre de Cyrus[16] », la Bible et le Pacte des vertueux[17], n’est que l’expression d’une vision politique cynique sur cette région du monde.

Cependant entre l’immobilisme et ces erreurs d’interventions réitérées, il reste un espace d’action politique qui s’inscrit dans le moyen et long terme, concepts qui semblent bien avoir échappés à nos dirigeants. Elle implique un aggiornamento complet non seulement de nos relations avec les États de la région mais encore et surtout de la nature de cette relation.

 

Dans l’urgence, l’unique « présent » que les pays occidentaux et la Russie peuvent faire aux populations de l’Orient est de suspendre les transferts d’armes dans leur région qui en regorge de toute part. Après cela il restera aux principaux intéressés de trouver les voies pour ouvrir  un dialogue que les milliards de $ d’armements livrés n’ont peut être pas définitivement rendu impossible.

 

Benoît Muracciole

 

 

 

 

[1] Ce sont plus de 7 milliards € de licences d’exportations accordées en 2011 (plus de 9 milliards € de licences d’exportations accordées en 2012) par les pays de l’Union Européenne ; 15 eme rapport du COARM publié le 21 janvier 2014. A cause de l’absence d’harmonisation dans la publication de ce rapport, le chiffre ne tient parfois pas compte des biens à double usage ou des matériels de Sécurité et de Police. Quant aux armes laissées par les armées britanniques en Irak c’est un mystère…

Pour les États Unis se sont plus de 88,700 milliards de $ (une moyenne de 22,175 milliards de $/an).

La Russie plus de 6, 500 milliards de $ (une moyenne de 1,625 milliards de $/an),

La Chine plus de 1,500 milliards de $ (une moyenne de 0,375 milliards de $/an) pour les années 2008-2011

Chiffres États Unis, Russie, Chine selon le Congressional Research Service ; page 45 : http://fas.org/sgp/crs/weapons/R42678.pdf

[2] Qui réunirait 16 pays : Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Oman, Palestine, Qatar, Syrie, Turquie, Yémen pour une population d’environ 380 millions habitants.

[3] Avec plus de 170 000 morts selon « I Am Syria » : http://www.iamsyria.org/daily-death-count.html . Mais aussi à propos de ces 54 000 photos qui montrent 11 000 corps torturés par le régime de Bachard al Assad : http://www.liberation.fr/monde/2014/03/14/torture-les-preuves-par-l-image_987303

[4] http://www.ochaopt.org/documents/ocha_opt_sitrep_12_08_2014.pdf

[5] http://www.amnesty.org/en/news/stop-us-shipment-fuel-israels-armed-forces-evidence-gaza-war-crimes-mounts-2014-08-04

[6] http://www.independent.co.uk/news/uk/politics/baroness-warsi-resigns-over-gaza-conflict-saying-she-can-no-longer-support-government-policy-9648529.html

[7] http://www.theguardian.com/world/2014/aug/04/uk-government-reviews-arms-sales-israel-gaza

[8] http://www.amnesty.org/en/news/stop-us-shipment-fuel-israels-armed-forces-evidence-gaza-war-crimes-mounts-2014-08-04

[9] Dont faisait parti notamment la France et la Grande Bretagne, Israël et la Syrie…

[10] Chapitre 7.1 « US Funded Military Sales to Iraq » : http://www.amnesty.org/en/library/asset/ACT30/011/2008/en/64decb12-6ea3-11dd-8e5e-43ea85d15a69/act300112008eng.html#9.5.7.4%20Arms%20procurement%20by%20the%20Government%20of%20Iraq|outline

[11] Voir : http://lecourrierdumaghrebetdelorient.info/iraq/irak-reportage-exclusif-au-coeur-du-califat-de-letat-islamique-le-martyr-de-fallujah/

[12] http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/120814/bonne-cause-ou-bonne-conscience

[13] Avec du matériel de guerre non létal.

[14] Notamment le critère 2 sur le respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire : https://armerdesarmer.wordpress.com/accords-regionaux/

[15] http://www.franceinter.fr/emission-le-79-michele-alliot-marie-fabius-en-irak-cest-de-lagitation-mediatique?page=1

[16] Qui date du VI° siècle avant Jésus-Christ.

[17] Hilf-al-fudul qui est considéré comme un des premiers accords sur les droits de l’Homme,   il fut conclu entre les tribus arabes vers 590 après Jésus-Christ dont le prophète Mohamed dira : « Le plus belle partie de ma vie passée fut dans les actions autour du Hilful Fuzul ». www.un.org/fr/documents/udhr/history.shtml.

 





Quelles prépondérances dans le respect du droit international ?

19 05 2014

homs

 

Prépondérant [1]

 

D’abord nous avons besoin de reconnaître que depuis la fin du XX° siècle nous sommes entrés dans une crise mondiale des frontières dessinées par des « grandes puissances » depuis le début du XX° siècle. Les deux guerres mondiales et la période des indépendances furent des temps où les « grandes puissances » continuèrent allègrement ces découpages contre le droit des peuples. Si l’on considère la fin  de la deuxième guerre mondiale il n’aura suffit que de deux générations pour faire exploser ces États qui ne tenaient que par la violence des régimes en place, souvent soutenus par ces mêmes «  grandes puissances ». De l’Asie avec notamment l’Afghanistan, l’Irak, Israël, le Koweït, le Liban, et la Syrie – à l’Afrique : dont la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Nigeria, la République Démocratique du Congo, le Rwanda, la Somalie, le Soudan[2] pour les plus connues, à l’Europe avec l’Arménie/ Azerbaïdjan, la  Yougoslavie et bien sûr l’Ukraine, les crises persistent. (Pour ce dernier pays, c’est un ultime dessin de ses frontières par Khrouchtchev qui lui donne la Crimée en 1954, sans aucune justification historique[3]).

 

Cette petite introduction permet de comprendre la fin de l’évidence de nombreuses frontières actuelles. Leurs nouvelles ébauches se dessineront dans le temps long de l’histoire et le droit international d’aujourd’hui s’adaptera comme il s’est adapté il y a à peine quatre ans, quand le Kosovo déclarait unilatéralement son indépendance. Aujourd’hui ce sont 106 pays[4] – dont l‘Allemagne, les États Unis, la Grande Bretagne et la France dès 2008 –  qui l’ont reconnu sans états d’âmes particuliers, malgré la situation de la minorité serbe de Mitrovica qui refuse d’être rattachée à la capitale Pristina. D’une certaine manière le paragraphe 2 de l’article 1° de la Charte des Nations unies avait anticipé, inconsciemment, ces tensions futures quand il inscrit que « le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes[5] ».

 

Pourtant depuis l’intégration de la Crimée dans le giron Russe – comme une réponse à l’entrée des néonazis de Svoboda dans le gouvernement provisoire à Kiev et à ses premières déclarations[6] – l’occident semble s’être furieusement drapé dans  une vision soudaine et pour le moins stricte du droit international. Oubliée la  volonté des néocons étasunien d’un démantèlement de la Russie elle même[7]. Oubliée la menace que font planer les États Unis sur la Russie, malgré l’accord passé en son temps avec Gorbatchev, dans leur volonté d’intégrer de l’Ukraine et la Géorgie dans l’OTAN[8]. Oublié le « Fuck the EU » de Victoria Nolan[9]. L’Union Européenne s’est alignée sur une position étasunienne qui a depuis longtemps cessé de réfléchir sur l’Europe. Elle met en lumière l’absence de stratégies à moyens et longs termes de l’Union Européenne, dont l‘Allemagne, la Grande Bretagne et la France, en terme de paix et de sécurité.

 

Aujourd’hui l’urgence du traitement des autres crises graves a disparu d’un souffle. C’était depuis longtemps le cas pour la République Démocratique du Congo, avec plus de 5 millions de morts, ça l’est aussi subitement pour la Syrie. La réponse des pays occidentaux est ainsi passée de la menace du bombardement du régime de Bachar al Assad, à une absence de pression sur les pays soutenant les forces responsables des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité contre la population syrienne[10]. Il y a là un nouvel aveu des pays occidentaux sur les doubles standards qu’ils pratiquent quant à l’interprétation de l’urgence et des moyens qu’ils sont prêts à mettre en œuvre pour tenter d’y répondre.

 

La bonne nouvelle est que lorsqu’il y a une volonté politique d’agir – les deux premiers trains de sanctions décidées par l‘Allemagne, les États Unis, la Grande Bretagne et la France le montrent – celle-ci est possible. C’est ainsi que la Grande Bretagne a déclaré avoir suspendu toute exportation d’armes[11], tout comme l’Allemagne[12] ainsi que la France avec une exception de taille : les deux navires Mistrals[13]. D’une façon logique, mais un peu hypocrite[14], la pression retombe sur le gouvernement français qui avait signé ce mirifique contrat avec la Russie en 2011 pourtant 3 ans à peine après la crise géorgienne[15].

La mauvaise nouvelle est l’hypocrisie de ces pays car si la suspension de ce contrat se pose légitimement au regard du droit international elle ne l’est pas à cause de la situation ukrainienne, mais à cause du soutien militaire russe au régime de Bachar al Assad.

 

C’est la révolution copernicienne que propose, en creux, le traité sur le commerce des armes. Il s’agit de repenser la hiérarchie des normes du droit international afin de sortir de cette impossible logique qui pousse la question de la Paix et de la Sécurité « au dessus » des droits de l’Homme. Or cette confusion qui a conduit à la real politique pendant toutes ces années, avec notamment la mise en place de régimes despotiques et l’intangibilité des frontières, est un échec patent et l’exemple de la partition du Soudan du sud ne fait que le confirmer. Un petit pas de côté serait pourtant suffisant afin de considérer les droits de la personne comme le moyen d’atteindre la Paix et de la Sécurité.

Révolution copernicienne car les droits de l’Homme, dont les droits économiques sociaux et culturels, engagent les États pour une justice concrète offerte à tous sans discrimination.

 

Benoît Muracciole

 

 

[1] Prépondérant Article 7 paragraphe 7 du traité sur le commerce des armes :

Exportation et évaluation des demandes d’exportation

 

1. Si l’exportation n’est pas interdite par l’article 6, chaque État Partie exportateur, avant d’autoriser l’exportation d’armes classiques visées par l’article 2 (1) ou de tout autre bien visé par les articles 3 ou 4, selon ce qui relève de sa juridiction et conformément à son régime de contrôle national, évalue, de manière objective et non discriminatoire, en tenant compte de tout élément utile, notamment de l’information fournie par l’État importateur en application de l’article 8 (1), si l’exportation de ces armes ou biens :

 

a) Contribuerait ou porterait atteinte à la paix et à la sécurité;

 

b) Pourrait servir à :

 

i) Commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission;

 

ii) Commettre une violation grave du droit international des droits de l’homme ou à en faciliter la commission;

 

iii) Commettre un acte constitutif d’infraction au regard des conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme auxquels l’État exportateur est Partie, ou à en faciliter la commission; ou

 

iv) Commettre un acte constitutif d’infraction au regard des conventions et protocoles internationaux relatifs à la criminalité transnationale organisée auxquels l’État exportateur est Partie, ou à en faciliter la commission.

 

2. L’État Partie exportateur envisage également si des mesures pourraient être adoptées pour atténuer les risques énoncés aux alinéas a) et b) du paragraphe 1), y compris des mesures de confiance ou des programmes élaborés et arrêtés conjointement par les États exportateurs et importateurs.

 

3. Si, à l’issue de cette évaluation et après avoir examiné les mesures d’atténuation des risques disponibles, l’État Partie exportateur estime qu’il existe un risque prépondérant de réalisation d’une des conséquences négatives prévues au paragraphe 1, il n’autorise pas l’exportation.

 

4. Lors de son évaluation, l’État Partie exportateur tient compte du risque que des armes classiques visées à l’article 2 (1) ou des biens visés aux articles 3 ou 4 puissent servir à commettre des actes graves de violence fondée sur le sexe ou des actes graves de violence contre les femmes et les enfants, ou à en faciliter la commission.

 

5. Chaque État Partie exportateur prend des mesures pour s’assurer que toutes les autorisations d’exportation d’armes classiques visées par l’article 2 (1) ou de biens visés par les articles 3 ou 4 soient détaillées et délivrées préalablement à l’exportation.

 

6. Chaque État Partie exportateur communique les informations appropriées concernant l’autorisation en question aux États Parties importateurs et aux États Parties de transit ou de transbordement qui en font la demande, dans le respect de son droit interne, de ses pratiques ou de ses politiques.

 

7. Si, après avoir accordé l’autorisation, un État Partie exportateur obtient de nouvelles informations pertinentes, il est encouragé à réexaminer son autorisation, après avoir consulté au besoin l’État importateur.

« Si, à l’issue de cette évaluation et après avoir examiné les mesures d’atténuation des risques disponibles, l’État Partie exportateur estime qu’il existe un risque prépondérant de réalisation d’une des conséquences négatives prévues au paragraphe 1, il n’autorise pas l’exportation ».

[2] Repris par la conférence de l’Organisation de l’Union Africaine du 17 au 21 juillet 1964 : http://www.refworld.org/pdfid/493fca2e2.pdf

[3]http://www.les-crises.fr/ukraine/ et  http://www.histoire.presse.fr/actualite/infos/crimee-memoire-russe-20-03-2014-87830http://www.diploweb.com/Crise-ukrainienne-quel-pilotage.html

[4]http://elections-en-europe.net/institutions/pays-ayant-reconnu-le-kosovo/

[5] Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde : http://www.un.org/fr/documents/charter/

[6] Vice Premier Ministre : Oleksandr Sych, Responsable du Conseil de Sécurité et Défense Nationale : Andriy Parubiy,  Membre du Conseil de Sécurité et Défense Nationale  Ministre de l’Ecologie : Andriy Mokhnyk,  Ministre de l’Agriculture : Ihor Shvaika  Procureur General : Oleg Mokhnytsky (bras exécutif de la justice) ; Ihor Tenyukh  a démissionné du ministère de la Défense en mars 2014 : http://blogs.mediapart.fr/blog/xavier-d/020314/etat-des-lieux-des-neo-nazis-au-pouvoir-kiev, voir aussi : http://www.les-crises.fr/secteur-droit-c-est-ca/ , http://www.les-crises.fr/nazis-ukraine-la-galicie/#!prettyPhoto et http://consortiumnews.com/2014/05/10/burning-ukraines-protesters-alive/http://consortiumnews.com/2014/05/14/hitlers-shadow-reaches-toward-today-2/

[7] Robert Gates dans ses mémoires à propos de Dick Cheney : http://consortiumnews.com/2014/05/10/putting-the-ukraine-crisis-in-context/ ; voir aussi le lien entre le 1° ministre ukrainien Arseni Yatseniouk et, notamment, l’OTAN, le département d’État étasunien… : http://openukraine.org/en/about/partners

[8]https://wikileaks.org/plusd/cables/08MOSCOW265_a.html et http://consortiumnews.com/2014/05/15/how-nato-jabs-russia-on-ukraine/

[9] Où l’on apprend aussi que Victoria Nolan assistante du Secrétaire d’État s’oppose à l’entrée du boxeur Wladimir Klitschko, mais apparemment à celle d’Oleksandr Sych ou d’Andriy Parubiy : http://planetinvestigations.com/?p=3819

[10] Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur la Syrie, mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=28776&Kw1=syrie&Kw2=&Kw3=#.U3k_EC8WVyw   http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=30451#.U3Y36y8WVyw

[11]http://www.theguardian.com/world/defence-and-security-blog/2014/mar/10/arms-russia-ukraine

[12] Dans le rapport COARM 2012  de l’Union Européenne; voir aussi : http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/germany/10785658/Germany-halts-weapons-exports-to-Russia.html

[13] Contrat d’environ 1,2 milliards €

[14] Dans le rapport COARM 2012  de l’Union Européenne la Grande Bretagne à autorisé pour plus de 10 millions €, l’Allemagne pour plus de 40 millions € et la France pour plus de 118 millions € malgré le soutien de la Russie au régime syrien.

[15] Voir https://armerdesarmer.wordpress.com/2014/04/01/la-france-ratifie-le-traite-sur-le-commerce-des-armes-classiques-adopte-a-lonu-en-avril-2013/





Quelques éléments de réflexion sur le contrôle des transferts d’armes classiques et l’usage de la force.

23 02 2013
Véhicule Blindé Léger MK2 Panhard vraissemblablement utilisé par les troupes françaises au Mali. Photo Benoît Muracciole

Véhicule Blindé Léger MK2 Panhard vraissemblablement utilisé par les troupes françaises au Mali. Photo Benoît Muracciole

Presque toutes les interventions militaires depuis la fin de la seconde guerre mondiale ont posé la question de l’efficacité de la puissance militaire face aux résistances nationales. La Corée, le Vietnam, l’Irak ont été des défaites pour les pays occidentaux engagés et encore plus pour les droits de l’Homme. Mais c’est sans doute avec l’Afghanistan que le paradigme puissance technologique + coalition militaire et contrôle d’un pays, voire même d’une partie du pays, s’effondre. Face à une des plus importantes coalition militaire mondiale, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en terme technologique et soldatesque[1], peu de gens doutent aujourd’hui de la victoire prochaine des Talibans et de leurs alliés[2]. La résistance de ces groupes armés afghans semble avoir marqué la fin de l’histoire de ces interventions.

L’intervention de l’Otan en Lybie appartient également à cette même famille. Depuis que les Etats de la région et les occidentaux ont abandonné ce pays, la Lybie continue de connaître des affrontements entre milices, et un niveau d’insécurité en matière de droits de l’Homme très élevé[3]. Ce pays a disparu des écrans des médias occidentaux et de ses icônes mondaines, pourtant il était à prévoir que les armes livrées avant la chute de Kadhafi continuent d’avoir un impact destructeur sur la région.  En effet, les transferts d’armes de l’Union Européenne en direction de la Lybie s’élevaient à plus de 73 millions € pour les années 2006 à 2008[4], et à plus de 270 millions € pour 2009-2010[5]. Le matériel de guerre exporté allant des armes légères et de petits calibres avec leurs munitions – dont les missiles sol air – jusqu’aux avions à usage militaire ainsi que des matériels de mesures et de contre mesures[6]. La France signa même un accord de coopération dans le domaine de la défense et du partenariat industriel de défense avec Kadhafi en 2007[7].

L’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, l’Espagne, La France, la Grande Bretagne, la Grèce, l’Italie, Malte, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, la Slovaquie ont exporté du matériel de guerre. C’est par une interprétation pour le moins souple du critère 2 de la Position Commune de l’Union Européenne des exportations d’armes que ces transferts ont été autorisés. Pourtant est inscrit dans son deuxième critère :

«  le respect des droits de l’homme dans le pays de destination finale et le respect du droit humanitaire international par ce pays…»[8]

La Chine, les Etats Unis[9] et la Russie[10], ont également participé à la fête sans plus se poser de questions sur le devenir de ces armes.

Pourtant, dès 2007, nous avions alerté les autorités françaises sur les risques d’usage de ces transferts d’armes classiques[11] en matière de graves violations des droits de l’Homme. Nous avions écrit une lettre au Président Sarkozy et publié un communiqué de Presse faisant part de nos préoccupations[12]. Nous n’avions alors pas imaginé le renversement du « guide de la révolution », mais plutôt un risque manifeste que ces armes puissent être re-transférées en direction de groupes armés peu respectueux des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Nous n’étions malheureusement pas loin de la réalité puisque se sont ces mêmes armes qui se retrouvent sans contrôle entre les mains de trafiquants ou/et de djihadistes radicaux.

Nous ne connaissons pas la quantité et la qualité des armes livrées depuis le début de la révolution aux libyens qui ont renversé le régime de Kadhafi. Il serait cependant intéressant de savoir si ces armes ont été dument répertoriées avant leur livraison, afin de voir si là encore, elles ont été utilisées ou ont facilité de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire[13].

Ce sont donc ces éléments connus, et que nous avions déjà évoqués ici, qui auraient  du alerter les pays exportateurs, les rassembler dans une récupération effective des armes livrées. C’est en cela que le traité sur le commerce des armes peut apporter une lecture plus responsable des « risques prédominants» de l’usage de ces armes dans la délivrance des autorisations d’exportation. Car si la cause du conflit malien revêt de multiples facteurs, l’armement de ces groupes armés[14] a permis leur entrée en action et une efficacité militaire autrement impossible.

L’intervention militaire au Mali :

Après la prise de nombreuses villes du nord du pays par des groupes djihadistes radicaux[15] – et profitant du premier coup d’Etat du Capitaine Sanogo à Bamako[16] – la situation de cette région du Mali est passée de l’oubli à la lumière :

–       De l’oubli, car malgré les promesses répétées de la capitale Bamako, cette zone du pays a été laissée aux trafiques en tous genres. Quelques officiers de l’armée malienne en ont profité au détriment d’une population plongée dans la misère.

–        A la lumière, une lumière crue sur ces groupes armés, pas proprement inspirés par la déclaration universelle des droits de l’Homme[17]. Puis sur la misère de la population – notamment songhaïs, touaregs et arabes – qui luttaient pour faire face à l’absence d’un quelconque développement économique et social de cette partie nord du pays.

Mais la situation est bien loin d’être aussi simple car ce pays connaît depuis quelques années un immobilisme politique important. Avec une  jeunesse qui est pratiquement interdite de prise de responsabilités, et un pouvoir vieillissant et attaché au statut quo décrit plus haut, le terrain était aussi fertile à toute pression de l’intérieur : Deux coups d’Etat en quelques mois.

C’est donc dans cet « état » du Mali que les forces armées françaises ont repoussé les groupes djihadistes radicaux hors des principales villes du nord. L’occasion était belle de chasser les méchants groupes djihadistes radicaux bien armés[18] aux motivations pour le moins diverses – pour protéger les bons,  la population malienne.

Et comme dans les premiers jours des interventions militaires extérieures l’action est pour le moment efficace, tant sur le plan militaire que médiatique[19], les opinions publiques dans leurs majorités suivent. Les exécutions extrajudiciaires de l’armée malienne n’ont pas encore entamé ce crédit[20], ni l’arrivée de l’armée tchadienne, dont on ne peut pas dire qu’elle soit un exemple de respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire[21].

Face au soulagement d’une partie de l’opinion publique française et de la population  malienne, il reste un certain nombre de questions à poser :

Quelle est la légitimité de l’intervention de la France sur le plan du droit international ?

Quel est la légitimité du pouvoir malien aujourd’hui ?

Quel signe politique est donné aux citoyens maliens sur la capacité de leurs autorités à défendre les droits de l’Homme ?

Quels sont les intérêts que la France est venue défendre[22] ?

Que restera-t-il de cette intervention quand les militaires français vont repartir du pays ?

Quelles seront les avancées en terme de droits de l’Homme – dont les droits économiques, sociaux et culturels – pour les citoyens maliens et les citoyens de la sous région ?

Benoît Muracciole


[1] On a compté au plus fort de l’opération de l’Otan environ 140 000 militaires et 185 000 soldats de l’Armée Nationale Afghane.

[2] Il est bien difficile de trouver des études sur les forces en présence, il y aurait à une coalition d’environ 20 000 Talibans plus des forces alliées opportunistes comme celles du Hezb-e islami de Gulbuddin Hekmatyar

[3] http://www.hrw.org/news/2012/11/16/libya-new-government-should-end-illegal-detention et courrier international du 7 au 13 février « Les Toubous, étranger dans leur propre pays ».

[4] Les chiffres des livraisons d’armes sont difficiles à trouver car peu de pays sont techniquement capables de les produire. Dans les champions il y a la Grande Bretagne qui ignore précisément les armes classiques livrées et ne déclare donc que les commandes. Celles si ne sont pourtant pas systématiquement livrée dans la même année. A part pour la France, qui s’approche le plus du réel des livraisons, le rapport européen donne des chiffres qui sont donc sujet à caution, il s’agit donc de sommes minimum : 738 771€ en 2006, 17 623 958€ en 2007 et 54 983 432 € en 2008 voir :

[5] 173 947 508€ en 2009 et 100 871 872€ en 2010. En 2011 seule la France à déclaré pour 87 307 350 € de livraison d’armes, mais celles ci ont été en partie bloquées dès février 2011, on ne sait pas ce qu’est devenu le reliquat.

[11] J’étais alors responsable de la campagne « Contrôlez les armes » à Amnesty International France,

[12] 12 décembre 2007 SF07M115 27° bulletin de la commission armes du 29 décembre 2007

[13] En juin 2011, ASER, Omega et PRIO ont écrit au ministère des affaires étrangères sur les types d’armes livrées ainsi que de leur immatriculation et nous n’avons toujours pas reçu, à ce jour, de réponse.

[14] Il est maintenant acquis que ces groupes ont été également soutenus par l’Arabie Saoudite et le Qatar, pays avec lesquels la France a de nombreuses relations commerciales notamment dans l’armement. Canard Enchaîné du 30 janvier 2013 et http://global-security-news.com/2012/07/03/islamists-in-mali-funding-and-ideological-ratlines-linking-saudi-arabia-and-qatar/ , http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20130123161803/

[15] Le mouvement national de la libération de l’Azawad (MNLA) n’est pas d’obédience djihadiste radicale et a été très vite marginalisé puis expulsé de cette coalition hétéroclite. Nous n’utiliserons pas le terme « islamiste » qui regroupe tout et n’importe quoi et qui apparaît comme une fois encore jeter l’opprobre sur les croyants de la religion musulmane. Il est surprenant de voir Amnesty International et Human Right Watch faire aussi ce type de confusion.

[16] Qui fustigeait Amani Toumani Toure de ne pas donner les moyens à l’armée de se défendre. A ma connaissance et à ce jour, le Capitaine Sanogo n’a pas encore été aperçu sur les lignes de front pour participer à la « libération » du nord du Mali. Voir : http://africamix.blog.lemonde.fr/2013/02/16/mali-le-capitaine-sanogo-a-enfin-du-boulot/

[17] Comme le montre le rapport d’Amnesty International : Mali : premier bilan de la situation des droits humains après trois semaines de combat : http://www.amnesty.org/fr/library/info/POL10/001/2012/fr

[18] Ansar Dine, le mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique  (Mujao), Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI)…

[19] Peu de journaux ont relayé l’information d’Amnesty International sur les civils tués lors d’une attaque aérienne sur la ville de Konna le 11 janvier 2013 : http://www.amnesty.org/fr/library/info/POL10/001/2012/fr

[22] Dont au moins les mines d’Uranium du Niger exploité par Areva…