Le jour ou le processus du traité sur le commerce des armes a failli s’arrêter !

18 02 2012

La salle applaudit l'accord trouvé par consensus. Photo réalisée sans trucage Benoît Muracciole

La nuit a été longue pour certains, ceux bien sûr qui travaillent véritablement pour un traité fort et robuste et qui, sachant cela, voulaient trouver une sortie de crise convenable pour tous. Heureusement il y a encore de modestes héros, souvent les plus efficaces, qui sont capables tranquillement de remonter le temps des décisions de l’ONU pour redonner un peu de confiance et de cohérence à cette irruption dans le manège pas très joyeux de cette semaine. Mais cela a du coûter quelques heures de sommeil au délégué du Maroc pour recouvrer les bonnes procédures. Car selon un vieil adage oriental : « il faut toujours plus de temps pour le faire que pour le défaire. »

Dès le matin la discussion a donc repris en informel pour finaliser le texte des procédures de la prochaine conférence. Mais déjà l’atmosphère était plus légère et le sourire de beaucoup de délégués laissait percevoir une issue plutôt positive. Enfin plutôt une « raisonnable insatisfaction générale » qui indiquait qu’un accord avait été trouvé. Quelques remarques et hop, le texte est envoyé à 17h56 heure de New York. Encore quelques commentaires pour tous ceux qui ont eu du mal a lâcher définitivement prise sur cet accord,  mais les dés ont été lancés et l’Egypte se permet même le petit luxe de faire rire la salle.

Donc une semaine à priori pas très passionnante si ce n’est qu’elle donne quelques indications sur les futurs possibles rapports de forces à venir. Ceux qui ont pris des notes sur les alliances et les mésalliances vont pouvoir pousser les champs des possibles dans les prochains mois. Elle pose également la capacité du Président à véritablement rassurer les Etats sceptiques, car la bonne foi n’empêche pas les mauvais arguments, et vice et versa.

Rien de nouveau par contre pour la Chine et la Russie, même si cette fois encore ils n’ont pas eu besoin de s’étaler publiquement sur leur faible enivrement pour un TCA qui intègre l’évaluation du risque d’usage des armes pour faciliter ou commettre de graves violations des droits de l’Homme – dont les droits économique sociaux et culturels-  et du droit international humanitaire…

L’Egypte, ne semble toujours pas regarder se qui se passe dans son propre pays avec les militaires et les policiers qui continuent un usage excessif et disproportionné de la force et des armes à feu. Cuba qui a décidé de donner dans la souplesse, le Pakistan qui ne sait toujours pas que le TCA pourra être le moyen le plus concret de diminuer la menace qu’il ressent au quotidien de ses voisins  plus ou moins importants…

La Syrie qui voudrait que l’on oublie que son gouvernement devra rendre des comptes sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Et bien sûr le silence de quelques pays arabes qui s’analyse plus comme une attitude  lascive et modérément désengagée…

Le Président Moritan prend la parole, s’excuse d’avoir lâché quelques noms d’oiseaux et, comme s’il s’agissait de la palme d’or du festival de Cannes, remercie et remercie encore tout le monde avec une mention spéciale les représentants de l’Office du Désarment des Affaires. C’était pour la partie émotion, mais en juillet nous aurons besoin d’un peu plus d’anticipation pour aller où des millions de personnes à travers le monde nous attendent.

Le texte est adopté à 17h56, il était moins une !

Tous les délégués applaudissent dans un ouf de soulagement.

La conférence pourra donc débuter le 2 juillet prochain avec le devoir de faire tous les effort nécessaires pour que les décisions sur la substance soient prise par consensus.

Mais cela ne saurait occulter les très nombreuses déclarations des  Etats, ceux qui ont pris le temps de travailler sur la substance, qui ont défendu la règle d’or que doit intégrer le futur TCA : «  les Etats doivent refuser d’autoriser un transfert d’armes classiques s’il y a un risque substantiel qu’elles soient utilisées ou qu’elles facilitent de graves violations des droits de l’Homme – dont les droits économique sociaux et culturels-  et du droit international humanitaire.

Sur la liste des armes, j’ai noté une parole de bon sens de la Suède  : «  Le futur traité ne pourra pas lutter contre le trafic illicite si les armes légères et de petits calibres ainsi que les munitions n’y figurent pas ».

Et la lumière fut !!!  l’Algérie, la Chine, l’Egypte, les Etats Unies, l’Inde, le Pakistan, la Russie, se lèvent d’un seul mouvement pour applaudir cette idée pleine de bon sens…

Je sais je vais un peu vite, mais rien n’est jamais interdit à l’Homme.

Benoît Muracciole





Traité sur le commerce des armes ONU: Chine 0 Egypte 0 Mexique 0 Russie O

17 02 2012

Le reflet de l'ambassade des Etats Unies sur l'ONU. Photo Benoît Muracciole

Dans la matinée nous avons eu un nouveau rapport du Président sur les Comités Préparatoires avec quelques changements par rapport au précédent.  Il a été l’objet de quelques remarques avant la fin de la session. Nous le mettrons en ligne dés qu’il sera adopté.

Mais l’espoir que pouvait avoir fait naître la discussion informelle d’hier soir s’est dégonflé. Les Etats n’ont toujours pas résolu leurs problèmes d’interprétation du consensus. L’Egypte, notamment,  continue de jouer sur les deux tableaux, celui du groupe Africain et du groupe Arabe, en tordant les déclarations vers le bas. Pour l’instant cela fonctionne pour eux, d’autant que le Nigeria peine un peu dans son travail de meneur du groupe africain. Par contre, je ne suis pas sûr qu’en juillet  les très nombreux Etats Africains, favorables à un traité fort et robuste, acceptent de voir une toute petite minorité de pays jouer ce petit jeu de blocage. La Russie et la Chine[1] semblent se délecter tranquillement de cette petite bagarre de cour de récréation.

Le Mexique est pour l’instant toujours aussi ferme sur ses positions, il refuse de voir la règle du consensus s’appliquer à la conférence de juillet et ne compte pas déroger à sa volonté de voir le texte voté block par block. Il est plus ou moins suivi en cela par Trinidad et Tobago au nom de CARICOM ainsi que par la Colombie et le Venezuela. Pour ce dernier c’est une vraie surprise car il s’est toujours abstenu dans les votes des résolutions sur le TCA.

L’Algérie avait fait une déclaration d’humeur, demandant encore une fois que les points de vue des Etats soient reflétés dans le rapport du Président Moritan. Il y a là un problème de confiance qui ne trouve pas de résilience, dommage car l’Algérie a toujours voté en faveur du TCA.

C’est d’autant plus dommage qu’entre le groupe Mexique, CARICOM ainsi que par la Colombie et le Venezuela et l’Algérie il y a quelques similarités : Ces Etats ne produisent pas d’armes et subissent, avec l’absence de normes communes les plus strictes sur le contrôle des armes classiques, de graves violations des droits humains. Celles ci sont majoritairement exercées par des entités non gouvernementales ou par le crime organisé. Les uns et les autres se fournissent à l’étranger, souvent dans un espace non régulé et parfois même légalement [2]. Pourtant leurs vues sont opposées. Bien que je puisse comprendre l’agacement du Mexique face au gros voisin étasunien qui lui vomit les armes, je ne suis pas du tout convaincu de leur l’intransigeance. S’il ne s’agit pour eux que de ne pas accepter cette procédure parce qu’elle risque de créer un précédent à l’ONU, pourquoi ne pas ajouter alors une note pour spécifier que cet accord ne pourra en aucun cas représenter un précédent…

Enfin, le Président semble patiner et même s’énerver vertement dans la langue de Cervantès, comme si la petite fée qui lui soufflait les solutions lors des précédents Comités Préparatoires avait subitement disparue. C’est embêtant et cela relève d’un manque d’esprit de responsabilité quand on pense à la situation sur le terrain pour les millions de personnes qui vivent directement ou indirectement la violence des armes classiques.

A nouveau, suspension de séance à 17 heures et discussions informelles qui semblent avoir dans un premier temps échauffé à nouveau les esprits. Parfois cela n’est pas mauvais de laisser sortir la pression pour trouver quelques médiateurs avertis. Nous verrons demain, je l’espère, si les Etats sauront mettre l’intérêt général avant le leur pour retrouver « ce  petit supplément d’âme » qui les avait aidé depuis toutes ces années à avancer sur le TCA.

Ce processus est pourtant une véritable chance pour l’ONU de montrer qu’il peut s’y créer de véritables outils de protection des droits de l’Homme et du droit international humanitaire ainsi que dans la lutte contre la pauvreté. Ce n’est pas un autre traité qui se négocie, c’est un passage dans le monde adulte pour sortir du « machin » dont parlait de Gaule. C’est l’occasion enfin pour chacun des Etats membres de mettre en place les moyens juridiques de la responsabilité qu’engage l’article 1° de la charte des Nations unies.

Benoît Muracciole


[1] Qui viennent de voter, notamment avec la Corée du Nord, contre la résolution en Assemblée Générale des Nations unies sur la Syrie qui condamne fermement : « la poursuite des violations généralisées et systématiques des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les autorités syriennes. »  http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=27614&Cr=Syrie&Cr1=





Quels sont les outils de contrôle nécessaires pour le Traité sur le commerce des armes (TCA) ?

16 02 2012

Aujourd’hui 15 février, IPIS et Transarms lancent un nouveau rapport : « Transparency and Accountability[1] » de Sergio Finardi et Peter Danssaert avec le soutien d’Amnesty International et de Brian Wood.  Ce rapport va faire date dans l’histoire du contrôle car il répertorie toutes les failles des différents systèmes existant, en proposant des outils de contrôle efficaces et réalisables par les Etats. Il vient à point nommé car ce sont ces questions qui vont être au cœur des négociations pour l’établissement du TCA.

Ce rapport apparaît  donc comme une ressource supplémentaire pour les Etats qui n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour engager les experts ad hoc pour la mise en place d’un contrôle efficace au niveau national. Je prendrai deux exemples pour illustrer mes propos :

I) Clarification sur les terminologies :

Les auteurs notent par exemple, que l’utilisation du terme transfert est différente selon les résolutions ou documents de travail produits. Parfois les transferts comprennent tout mouvement d’armes franchissant une frontière et parfois ce même concept ne comprend ni les exportations ni les importations[2].

Il en va de même pour la définition des armes classiques qui pour certains se retrouvent dans le registre des Nations unies et pour d’autres doit intégrer toutes les armes et matériels connexes, technologies et pièces détachées ainsi que la matériel utilisé a des fins de maintien de l’ordre.

II) Transparence :

Trop souvent l’exemple de la Grande Bretagne est cité pour la description détaillée que l’on trouve dans ses rapports. Mais une étude plus approfondie de leur rapport ne donne au final qu’un sentiment de confusion sur les matériels véritablement exportés. Les auteurs donnent ici deux solides références de bonnes pratiques avec la loi italienne 185/1990[3]pour la qualité des détails à publier et le règlement des douanes étasuniennes pour  l’accès des rapports au public.

Evénement IPPNW et RAIAL. Photo Benoît Muracciole

Dans la matinée, le Président Moritan a présenté son rapport comme prévu dans la résolution 63/240. Cela a donné un peu de respiration à la salle d’autant que Moritan a accepté d’intégrer dans son rapport les remarques des Etats du groupe arabe.

Mais si la tension de la veille semble être quelque peu retombée, les arguments des mêmes « Etats sceptiques » sur l’interprétation du consensus tournent en rond. En cela les jours se suivent et se ressemblent même si l’affluence des délégués à la rencontre informelle proposée par Roberto Garcia Moritan pourrait laisser espérer une meilleure issue pour demain.

Pour les ONG de « Contrôlez les armes » qui avaient droit à un temps de parole, c’est malheureusement la constance dans la représentativité géographique et politique. En effet sur les trois interventions, deux autres orateurs étaient de nationalités étasunienne et espagnole. La représentativité des intervenants des pays du sud s’est donc limitée à une oratrice du Nigeria. Il y a décidément une difficulté pour cette coalition « animée » entre Londres et New York, de se considérer aussi « globale que les autres ».

Enfin le Réseau d’Action International sur les Armes légères (RAIAL) et l’International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW) ont organisé un événement. Ils ont rappelé l’urgence du TCA pour les trop nombreux membres de leur réseau sur le terrain qui vivent au quotidien les graves violations des droits humains et du droit international humanitaire.

Pour la conférence de juillet il s’agira de repenser leurs formes afin de pouvoir attirer les délégués déjà très sollicités.

De ces trois premiers jours et afin de garder une perspective positive pour les prochains mois avant la conférence de juillet, je me revois sur les bancs de l’école. Mon professeur d’histoire de l’époque nous racontait combien le long silence artistique avait été nécessaire pour que jaillisse la renaissance italienne.
Benoît Muracciole





Journée pluvieuse pour le Traité sur le commerce des armes

15 02 2012

De gauche droite : Amanda Campese, Suzan Waltz, Oscar Arias, Eduardo Ulibarri qui préside le panel, Bob Mtonga, David Ives. Photo Benoît Muracciole

Journée qui s’annonçait plutôt sous de bons augure avec la Saint Valentin et des autocollants «  J’aime le Traité sur le commerce des armes » distribués aux délégués à l’entrée de la salle de négociations…

Par contre le texte était en anglais car comme trop souvent, la campagne Contrôlez les armes n’a pas eu le temps de les traduire dans les autres langues. Même pas celles de l’ONU à savoir : Anglais, Arabe, Chinois, Espagnol, Français et Russe. Faut dire que c’est compliqué de vouloir tout traduire pour s’adresser au monde alors que le monde n’a qu’à faire l’effort de parler l’anglais…

Mais dans la salle et avec la traduction, les délégués continuent de s’affronter sur la question du consensus, mais là au moins, cela se fait dans les 6 langues officielles des Nations unies. Je dirais même plus, aujourd’hui ça coince !

Malgré un grand déséquilibre entre les pour et les contre, personne n’avait trouvé de solution lorsque le Président a levé la séance. Le même petit groupe, principalement une partie des Etats du groupe Arabe + la Chine et la Russie  veut une application fermée du le consensus. Alors que pour l’immense majorité des Etats, et pour reprendre l’expression de quelques uns d’entre eux ; il n’y rien de convenu tant que tout n’est pas convenu, en d’autre terme le seul moment où la question du consensus sera posée sera pour la négociation finale de l’ensemble du texte à la fin de la conférence de juillet.

Journée laborieuse donc, même si dans leur dernière déclaration les Egyptiens, toujours au nom du groupe arabe, ont laissé entrevoir quelques avancées possible. Une autre rencontre devait se tenir dans la foulée entre « les pour et les contre », peut être en saurons nous plus demain. Bien entendu, il se joue là  pour les Etats sceptiques un peu plus que la question du consensus.  Demain nous donnera donc, je l’espère, quelques indications sur l’état des rapports de forces exprimés en plénière. Mais c’est aussi un test sérieux sur la capacité du Président Moritan à permettre à tous de sortir la tête haute de l’exercice, sans perdre la dynamique de ces dernières années.  Première épreuve de l’année 2012 pour le TCA, cela pourrait être problématique si l’on ne sortait pas de ce blocage, car il pourrait affaiblir le démarrage des négociations en juillet prochain.

Enfin heureusement entre la session du matin et celle de l’après midi, les prix Nobel de la Paix : Amnesty International, Oscar Arias  et sa Fondation, l’Albert Schweitzer Institute et l’International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW) organisaient un événement pour redonner un peu de couleur sur les joues pâles des nombreux délégués présents[1].

Oscar Arias,  fut deux fois Président de la République du Costa Rica[2] et qui reçut le Nobel de la Paix en 1987 pour avoir facilité la résolution du conflit entre le Guatemala, El Salvador, Honduras, and Nicaragua. Sa présence était d’autant plus justifiée qu’il fut également présent dans le lancement de l’initiative des Nobel de la Paix[3] avec Rigoberta Menchu, Amnesty International,  Albert Schweizer Institute, IPPNW, le Dalaï Lama, Desmond Tutu, Ellie Wiesel. Oscar Arias a rappelé que les principaux producteurs d’armes avaient aussi des devoirs. Qu’il est trop compliqué pour eux aujourd’hui d’ignorer les situations leurs armes alimentant ou participant aux graves violations du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire. Il y avait du souffle dans ce discours qui a renouvelé d’un seul coup l’air un peu vicié de la salle de conférence. Il a également rendu hommage à tout ceux qui se sont investis depuis si longtemps sur ce projet, sans reculer devant les obstacles innombrables que certains Etats ont pu dresser depuis 1997.

Suzan Waltz, ancienne Présidente du mouvement Amnesty International, a rappelé que les obligations existantes des Etats les liaient aux droits de la personne, dont les droits économiques sociaux et culturels, et au droit international humanitaire[4]. Il y a là un devoir moral qui doit se traduire par une obligation juridique des Etats dans l’évaluation du risque d’usage des armes classiques.

Bob Mtonga co-Président de IPPW et tout regonflé de la récente victoire Zambienne en Coupe d’Afrique des Nations,  a parlé du coup de ces transferts d’armes parfois faiblement régulés. Quand les dispensaires, les cliniques et les hôpitaux sont pillés ou détruits, en général par le dernier groupe armé entré dans les lieux, il devient impossible de se faire soigner comme en République Démocratique du Congo où plus de 5 millions de personnes sont mortes dont 90% des causes indirectes du conflit. Il parle également du coût des soins – pour retirer les balles d’armes légères et de petits calibres  où des éclats d’obus – pour des sociétés dont le développement socio- économique est déjà à la peine.

Enfin David Ives, de l’Albert Schweitzer Institute, rappelle que la violence armée[5] ne s’exerce pas uniquement dans les conflits. Dans de trop nombreux pays,  ou la pauvreté est endémique, les gangs ou les cartels font régner la terreur au quotidien sur tous les habitants. C’est  donc aussi pour sortir de la menace de cette violence armée qu’il est essentiel de  mettre dans ce traité, les principes sur les droits humains et le droit international humanitaire comme défendus par Amnesty International et le CICR.

Benoît Muracciole


[1] Plus près de 170 personnes ont participés à cet événement

[2] Qui a dissous son armée en 1948 en déclarant la Paix au monde

[5] La violence armée est définie par le recours illégal à la force physique impliquant l’utilisation d’armes à feu





Pour un traité sur le commerce des armes fort et efficace ?

14 02 2012

Ouverture du dernier Comité Préparatoire du TCA. Photo Benoît Muracciole

Et hop ! C’est reparti pour un tour, le dernier avant la conférence de juillet, et ils sont venus nombreux comme jamais ils n’étaient venus depuis le début du processus au sein de l’ONU.

Et oups ! La déclaration du délégué égyptien sur le TCA au nom du groupe Arabe, fut un long récapitulatif de toutes les craintes qu’ont encore aujourd’hui un  petit nombre d’Etats.

La plus importante de ces inquiétudes reste le risque d’instrumentalisation des critères du futur TCA. Les critères du développement économique et social avec celui des  droits de l’Homme – qui ont pourtant une véritable assise en terme de droit international existant –  sont le plus souvent cités. Ils sont pressentis par certains, depuis le vote de la résolution 61/89 de 2006[1], comme  pouvant permettre aux « gros Etats exportateurs » d’empêcher les Etats importateurs d’acquérir les armes nécessaires à leur besoin de légitime défense comme cela est inscrit dans l’article 51 de la Charte des Nations unies[2] :

« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. »

Mais le point soulevé de nombreuses fois, de l’utilisation des critères Droits de la personne à des fins politique et économique, est à la fois juste et quelque peu faisandé.

Juste, parce que lors de dépôts de résolutions au sein de l’ONU, les votes des Etats ne sont pas toujours sur les mêmes  principes lorsqu’il s’agit de condamner les graves violations des droits humains. L’exemple de la résolution au Conseil des droits de l’Homme  à propos de l’intervention militaire de l’armée israélienne[3] de ce point de vue est  assez pertinent. Le rapport Goldstone[4] a relevé de graves violations du droit international relatif aux droits de l’Homme et de graves infractions aux Conventions de Genève, ce qui constitue un crime de guerre. Une résolution, prenant note du rapport Goldstone, demandait simplement : « les enquêtes sur les violations graves du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme signalées par la Mission d’établissement des faits[5]; »

Or malgré cela, les Etats Unis votèrent contre la résolution et 19 se sont abstenus dont des producteurs d’armes de premiers plan comme la Belgique, la France, la Grande Bretagne, la Suisse, l’Ukraine… Dans ce cas singulier, 20 Etats membres de l’ONU, et pas des moindres, ont délibérément diminué leur vision des normes du droit international pour protéger un pays Israël.

Il est évident que de tels comportements ne servent pas le respect du droit des personnes en général puisque cela permet au camp « opposé » de justifier un prochain vote négatif quand il touchera des individus ou des groupes de personnes qui ne rentreront pas dans leur vision stratégique des relations internationales.

Faisandés ; Parce que ces Etats qui utilisent l’argument de l’instrumentalisation, font la même chose quand ça les arrange. Pour le texte de ce futur TCA, le courage serait justement de prendre ces critères sur les graves violations des droits humains et du droit international humanitaire afin de pousser vers une harmonisation dans l’évaluation de ces critères. Le droit international existant est suffisamment riche pour  non seulement les intégrer pleinement en tant que critères obligatoires, mais aussi pour développer comme l’a fait Amnesty International[6], des indicateurs objectifs pour les appliquer.

Faisandé encore parce que l’absence de normes internationales communes met les pays importateurs encore plus à la merci de ces « gros exportateurs » qui ne rendent des comptes qu’au niveau régional quand il existe une Convention, Protocole ou une Position Commune.

Enfin faisandé parce que la Russie, l’Algérie, la Syrie, -cette dernière trouve inadmissible de réinterpréter le paragraphe sur le consensus mais normal les crimes contre l’humanités perpétrés contre ses propres citoyens – ne représentent pas vraiment des paradigmes incontournables dans leur pratique du respect des droits humains.

Heureusement un plus grand nombre de pays, l’Australie, la Grande Bretagne, le Mexique, le Nigeria pour l’Union Africaine, la Norvège, le Tanzanie, Trinidad et Tobago pour les CARICOM, la Tunisie, l’Union Européenne… ont rappelé que l’objectif de la conférence est d’obtenir en juillet un TCA fort et efficace et qu’il s’agit ici de se donner les moyens d’y arriver.
Sur le consensus il existe toujours de nombreuses interprétations. Pour les Etats sceptiques il est préférable de commencer la conférence avec le consensus, histoire de tuer le processus dès le premier jour en invoquant le risque de ne pas avoir un instrument universel…

Mais  pour l’immense majorité des Etats la vision du consensus est plus dynamique. Le consensus n’est pas unanimité, et ils refusent de le considérer comme un droit de véto pour quelques Etats isolés.

Demain nous aurons quelques plus amples indications sur les rapports de forces entre ces deux points de vues. Pour le moment la véritable unanimité des Etats est un soutien ferme pour l’ambassadeur Roberto  Garcia Moritan quant à la Présidence de la conférence de juillet prochain.

Benoît Muracciole