Milipol 2021

3 11 2021
©ASER

Cette année 2021, c’est le 9e salon Milipol France que nous visitions et pour ce curieux anniversaire nous avons pu observer la concrétisation du changement des matériels présentés commencé il y a une dizaine d’année. Le nombre de stands consacrés aux matériels de sécurité utilisés principalement dans les tâches assujetties aux membres de la force publique – menottes, bâtons, grenades lacrymogènes[1], boucliers, véhicules… –   dont les armes dites « intermédiaires » – est en voie de marginalisation au profit de matériels de surveillance. Quant à la part des exposants d’armes légères et de petits calibres présentées cette année, elle a subi, elle aussi, une diminution. 

Pour ASER ce mouvement est dû à au moins trois facteurs :

Nous avons donc orienté nos observations vers les sociétés que nous avions préalablement repéré, soit parce qu’elles fournissaient du matériels de guerre aux pays de la coalition, dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, pays responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans la guerre au Yémen, soit parce qu’elles avaient attiré notre attention, ainsi que celle de la justice, quant à une possible complicité dans les crimes de torture particulièrement en Libye en 2007 et en Égypte en 2014.

Pour ce qui est des premières nous sommes passés au stand de Thales (vente notamment du pod Damoclès qui désigne une cible à l’aide d’un faisceau laser) mais la personne avec laquelle nous avons échangé n’avait aucune connaissance de ces matériels de guerre, ni des conséquences de leurs usages sur la population yéménite. Ces compétences semblaient plus orientées vers les processus de surveillance. L’époque semble révolue où il y avait un interlocuteur éthique présent au sein de cette entreprise.

Deuxième visite au stand d’Arquus, qui vend notamment des véhicules blindés à la coalition en guerre au Yémen. ASER avait participé à une mobilisation en février 2019 dans le port de Cherbourg et avait déposé un référé pour bloquer un tel transfert. Durant cette visite, nous avons été accueillis par son directeur des affaires publiques et médias qui a malheureusement très vite perdu son sang-froid lorsque nous avons tenté de l’alerter sur le potentiel usage des blindés au Yémen, en violation du droit international, particulièrement le traité sur le commerce des armes (TCA). 

Nous passerons sur les impolitesses de ce monsieur pour nous inquiéter des problèmes auxquels les dirigeants l’entreprise d’Arquus pourraient faire face :

  • Poursuites judiciaires, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles,
  • Des risques financiers, de moins en moins de banques acceptent de s’impliquer dans ce type de contrat, 
  • Perte d’image, fermeture de marchés civils, boycott…
  • Un changement de gouvernement qui se mettrait à respecter les engagements internationaux de la France, dont le TCA 
  • Risques auprès des salariés·es du groupe si ces derniers avaient connaissance de l’usage des matériels qu’elles·ils fabriquent.

Nouvelles perspectives pour les ONG :

En plus du travail de suivi des entreprises de défense produisant du matériel de guerre classé dans la liste de l’Union européenne (UE), il y a une urgente nécessité de le faire sur celles qui travaillent sur la prévention des risques, l’observation et la surveillance comme ATOS dont l’activité est régie par le règlement sur les biens à double usage de l’UE. Même si cette dernière nous a été assuré que les liens avaient été coupés avec les sociétés Amesys et Nexa Technologies, il n’est pas impossible qu’à l’avenir de singulières circonstances mettent à jour l’existence de l’usage d’un nouveau logiciel intrusif de leur part.

Nous savons depuis Edward Snowden que ces matériels peuvent permettre des actions intrusives en violation graves des droits de l’Homme, comme ceux utilisés par le fameux logiciel Eagle vendu quelques années plus tôt aux régimes totalitaires, notamment en Libye (2007) ou en Égypte (2014). 

Les responsables d’Amesys et Nexa Technologies sont aujourd’hui devant les tribunaux suite à deux plaintes de la FIDH et la LDH pour des faits de complicité de torture et disparitions forcées, mais combien sont-ils à passer entre les gouttes ?

Benoît Muracciole President ASER

Alain Staehlin administrateur ASER


[1] Présence d’Alsetex qui refuse depuis des années tout dialogue avec ASER. 





MILIPOL 2017 Un manque constant dans le contrôle de la promotion et de la vente de matériel militaire de sécurité et de police

22 12 2017

© Benoît Muracciole

© Benoît Muracciole

Quelques semaines après le MILIPOL de Paris qui s’est déroulé du 21 au 24 novembre 2017, les chiffres publiés par la direction du salon pourraient faire croire à un franc succès. En terme quantitatif l’affluence à ce salon est en effet importante. Selon les chiffres publiés par MILIPOL il y a une augmentation de 36 % des visiteurs par rapport aux chiffres de 2015 et la présence de 1050 exposants. Mais ces chiffres ne doivent pas faire oublier qu’il ne s’agit pas ici d’un salon de prêt à porter mais d’armes. En l’occurrence des matériels militaires, de sécurité et de police (MSP) qui pourraient être utilisés à de graves violations des droits de l’Homme jusqu’aux crimes contre l’humanité, voire aux génocides.
C’est pour cela qu’Action Sécurité Ethique Républicaines (ASER), qui travaille sur le contrôle du commerce des MSP depuis de nombreuses années, avait alerté les autorités françaises dans un rapport publié en avril 2017: « Ventes de matériels de sécurité et de police hors Union européenne ». Nous relevions l’extrême faiblesse en France dans le contrôle de la vente d’un certain nombre de ces matériels ainsi que dans celui de la promotion de matériels interdits par le règlement (CE) n° 1236/2005 du Conseil de l’Union européenne. Ce règlement concerne le commerce de certains biens susceptibles d’être utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Notre dernière alerte, communiqué de presse le 19 novembre 2017, soulignait à nouveau ce risque en reprécisant le cadre du règlement qui s’impose aux Etats membres de l’UE dans sa révision de 2016 qui :

« interdit la promotion de ces biens lors des salons et expositions professionnels au sein de l’Union, ainsi que la vente ou l’achat, à des fins de publicité de tels biens, d’espaces publicitaires dans la presse ou sur l’internet ou de temps d’antenne publicitaire à la télévision ou à la radio. »

 

Or le dernier constat d’ASER sur ce salon MILIPOL est pour le moins partagé.

Nous notons avec satisfaction l’absence de sociétés que nous avions signalées lors du MILIPOL 2015 et qui contrevenaient au règlement du Conseil. Nous ne savons cependant pas s’il s’agit d’une décision des autorités ou simplement si ces sociétés ont décidé de leur fait de ne pas participer au salon. La transparence dans ce type de décision serait utile à tous et aurait aussi un effet pédagogique pour les entreprises aux usages répréhensibles.

 

Ensuite, comme l’a aussi noté Amnesty International, il y a encore des sociétés qui vendent ou font la promotion de matériels interdits par la dernière révision du règlement du Conseil. D’autres sociétés proposent à la vente des matériels qui nécessitent des licences d’importation et d’exportations, comme les chaines aux pieds inscrits dans l’annexe III du règlement du Conseil et qui ne connaissent pas les réglementations existantes. Pour ce type de matériel, nous avons obtenu l’accord oral de sociétés, dont une israélienne, qui acceptent de les livrer en France sans passer par la demande de licence… Ces entreprises ne sont pas forcément productrices, et leurs agissements soulignent l’absence de loi sur le courtage en armes. Cela est vrai à la fois dans le règlement du Conseil, mais aussi sur le plan national. La France, Etat partie au traité sur le commerce des armes (TCA), n’a toujours pas de loi réglementant les intermédiaires en armes, et ce malgré les nombreuses promesses de tous les gouvernements français qui se sont succédé depuis 2001.

 

Enfin la présence de sociétés qui ont une pratique selon nous parfois contraire à l’article 7 du TCA, mais qui obtiennent des autorisations d’exportations par les autorités françaises, rappelle une politique française des exportations d’armes peu soucieuse du respect du droit international relatif aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire. Il en est ainsi notamment pour l’entreprise Nexa Technologies, spécialiste de la vente de matériel d’espionnage. Celle-ci s’est distinguée par le rachat du logiciel Eagle d’Amesys pourvoyeur de ce type de matériel auprès du colonel Kadhafi en Lybie et plus récemment du général Al Sissi, le président égyptien. Il est a noté que le Parquet de Paris vient d’ouvrir une information judiciaire pour « complicité d’actes de torture et disparitions forcées » suite à une plaine de la Ligue des droits de l’Homme et de la FIDH contre cette société[1]. Nous rappelons que ces matériels MSP vendus ont déjà été utilisés dans de graves violations des droits de l’Homme et des crimes contre l’humanité. Egalement présente la société Alsetex produit des matériels de maintien de l’ordre qui ont été utilisés dans de graves violations des droits de l’Homme au Bahreïn. Comme l’écrit de sa prison Nabeel Rajab, le président du « Bahrain Center for Human Rights » : « C’est un signe politique fort de voir que le régime bahreïni continue de commettre des atrocités et qu’il continue de recevoir un soutien des Etats Unis par la vente d’armes… ».

Il y a là une inadéquation qu’il serait temps pour le gouvernement français de résoudre, non pas en faisant la leçon sur les droits de l’Homme mais en les appliquant dans leur politique d’exportation d’armes.

 

Benoît Muracciole

Président d’Action Sécurité Ethique Républicaines

[1] Article Télérama du 22 décembre 2017, Olivier Tesquet : http://www.telerama.fr/monde/vente-de-materiel-de-surveillance-a-legypte-le-parquet-de-paris-ouvre-une-information-judiciaire,n5413292.php#xtor=EPR-126

 





Milipol 2017 Les catalogues de certains exposants comporteront-ils encore du matériel interdit par l’Union européenne ?

19 11 2017

ASER_HD

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le salon international du matériel de sécurité intérieure des Etats, Milipol, ouvrira ses portes à Villepinte (Seine-Saint-Denis, France) lundi 21 novembre 2017.

Dans un rapport consacré aux « Ventes de matériels de sécurité et de police hors Union européenne) publié en avril 2017, ASER (Action Sécurité Ethique Républicaines) avait relevé que lors de la 19e édition, le salon Milipol avait été l’occasion pour des sociétés de sécurité – notamment françaises, chinoises, coréennes – de présenter dans leurs catalogues de ventes, des matériels interdits par le Règlement (CE) N°1236/2005 du Conseil de l’Union européenne.

Il est donc urgent de contrôler strictement que les matériels de sécurité intérieure en vente durant ce 20° salon, seront conformes à la réglementation de l’Union européenne.

En effet la dernière révision du règlement du Conseil de l’Union européenne du 17 octobre 2016 « interdit la promotion de ces biens lors des salons et expositions professionnels au sein de l’Union, ainsi que la vente ou l’achat, à des fins de publicité de tels biens, d’espaces publicitaires dans la presse ou sur l’internet ou de temps d’antenne publicitaire à la télévision ou à la radio. »

ASER souhaite que, cette fois-ci, les autorités françaises montrent leur volonté d’un contrôle strict des matériels proposés à la vente par les sociétés participantes.

 

ASER est membre du Réseau d’Action International sur les Armes Légères (RAIAL), ASER lutte pour le respect des Droits de l’Homme dans les transferts d’armes, et dans le champ de la sûreté – dont le maintien de l’ordre – par les services de police et de sécurité.

ASER a le statut consultatif spécial ECOSOC aux Nations unies  

Demande d’interview ou participation à une émission sur le problème des armes : Benoît Muracciole : +336 84 10 62 18

Site : www.aser-asso.org





La tenue du 18ème salon Milipol rappelle l’urgence d’un contrôle cohérent du matériel de sécurité intérieure

18 11 2013

ASER_BD

Ce mardi 19 novembre s’ouvre à Villepinte (Seine-Saint-Denis, France) le salon international du matériel de sécurité intérieure des États : le Milipol. Tous les deux ans,  des milliers de sociétés présentent ici des types de matériels utilisés dans le cadre du maintien de l’ordre. De la société française Amesys, qui avait vendu du matériel d’interception internet et téléphonique au régime de Kadhafi, à Magforce, qui présentait dans son catalogue des matériels interdits par la régulation ‘’(CE) N°1236/2005’’ du Conseil de l’Union Européenne, il apparait qu’une grande partie de ces sociétés fasse peu de cas des risques d’usage de leur matériel en termes de graves violations des droits de l’homme.

 

ASER (Action Sécurité Ethique Républicaines), qui travaille depuis de longues années sur le respect des droits de l’Homme dans l’exercice du maintien de l’ordre, tient à alerter les autorités françaises : ces matériels – qui dépendent pour beaucoup de la régulation du Conseil de l’UE concernant ‘’le commerce de certains biens susceptibles d’être utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants’’ – doivent être soumis au contrôle du Secrétariat Général de la Sécurité et de la Défense Nationale, au même titre que tout matériel à usage militaire.

 

Il y a deux ans, déjà, la Fondation Omega et ASER avaient saisi les autorités françaises sur la présence au salon Milipol de sociétés chinoises, sud-coréennes et israéliennes qui y vendaient des matériels interdits par la régulation ‘’(CE) n° 1236/2005’’ du Conseil de l’UE. A la suite de quoi, un contrôle des catalogues de vente et du respect des règles communautaires aurait été diligenté. ASER entend qu’une nouvelle fois les autorités françaises marquent, à l’occasion de ce Milipol, leur volonté d’un contrôle strict des sociétés participantes et des matériels proposés.

 

Sous prétexte que ces armes ne sont pas létales par destination, ces matériels sont exportés vers des pays comme Bahreïn, Egypte, Arabie Saoudite, peu regardants en matière de respect des droits de la personne. Des sociétés françaises, par leurs exportations, ont ainsi participé aux violentes répressions internes de régimes parfois issus d’un coup d’état, comme c’est le cas de l’Egypte. De récents événements dans ces pays, tels qu’exécutions extra judiciaires, tortures et usage disproportionné du recours à la force et à l’usage des armes à feu[1], devraient inciter ces marchands d’armes à adhérer à la position de la France qui a suspendu les exportations de tout matériel de ce type en direction de l’Afrique du nord et du Moyen Orient depuis février 2011.

 

L’association ASER (Action Sécurité Ethique Républicaines) lutte pour le respect des droits de l’Homme dans les transferts d’armes et dans l’exercice du maintien de l’ordre par les forces armées et de police.

ASER, membre du Réseau d’Action International sur les Armes Légères (RAIAL), est accréditée ECOSOC Civil Society Network, aux Nations unies (ONU).


[1] En violation des principes de base des Nations unies : http://www2.ohchr.org/french/law/armes.htm

Contacts:

Demande d’interview ou participation à une émission sur le problème des armes : Stéph. Muracciole : +336 99 75 41 80

Toute l’information sur les négociations du TCA : http://aser-asso.org/index.php