Al Assad, Ben Salman, Erdogan, Macron, Poutine, Trump… Quelles différences pour les populations civiles de Syrie et du Yémen ?

30 05 2018

ASER_HD

Quel qu’en soit le lieu, la guerre apporte de façon quasi systématique des violations graves du droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. L’établissement d’une hiérarchie qui décréterait que la situation de la population civile syrienne est plus grave que celle de la population yéménite, ou vice versa, n’a aucun sens pour ceux qui subissent la violence des armes.La seule urgence pour ces populations est que l’horreur qu’ils subissent cesse. Mais ces gravesviolations sont perpétrées en majorité en utilisant des armes classiques  (qui vont des armes à feu, aux munitions, en passant par les aéronefs, les navires de guerre, les moyens de communications, les matériels de sécurité et de police, les biens à doubles usages…) et chimiques. Il se trouve que ces armes sont, pour l’écrasante majorité, fabriquées hors des frontières de ces deux pays, et que les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité en détiennent plus de 80% du commerce.

 

Ce constat est la raison majeure qui ont amené au début des années 2000, les ONG à défendre aux Nations Unies le projet de traité sur le commerce des armes (TCA). L’analyse des résultats des chercheurs montrait que l’outil des violations était, pour une immense majorité, l’usage OU la menace de l’usage des armes classiques. Cette idée simple et forte arguait que la manière la plus efficace pour prévenir ces violations était de contrôler les transferts d’armes (ventes, prêts, dons…), en posant comme postulat de base la responsabilité juridique des Etats dans la délivrance des autorisations d’exportations.

 

Aujourd’hui, et depuis le 24 décembre 2014, ce traité est une réalité pour au moins 94 Etats parties. Les Etats Unis l’ont signé, la Grande Bretagne et la France l’ont ratifié,  la Chine et la  Russie n’en sont pas encore parties mais tous ces pays continuent à un rythme de plus en plus élevé ce « commerce de la mort »[1]. Que ce soit en Syrie ou au Yémen les armes exportées par les 5 pays membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies sont présentes.Pour justifier ces transferts d’armes, les pays vendeurs mettent en avant les principes de légitime défense afin de permettre aux armées régulières de protéger leurs populations à l’intérieur des frontières, mais cette affirmation est contredite par la situation des civils dans chacun de ces pays. Car la traduction de cette intention, l’article 51 de la Charte des Nations Unies, ne représente pour des millions de civils syriens ou yéménites qu’un quotidien de massacres, tortures, emprisonnements, cholera et coercitions de tout genre… A quoi servirait donc l’article 51 de la Charte des Nations Unies pour une Syrie et un Yémen vidé de ses habitants ?

 

La meilleure réponse à cette question est aujourd’hui le respect du traité sur le commerce des armes. Celui-ci apparaît comme la seule sortie par le haut de ces guerres ; à la fois pour les gouvernements et groupes armés engagés mais aussi et surtout pour les peuples qui les endurent. Ce traité a été conçu, dans l’esprit des initiateurs, dans une logique de prévention : il vaut mieux prévenir les graves violations des Droits de l’Homme « que d’avoir à les guérir… ».  C’est précisément dans la continuité de cette idée que les deux derniers paragraphes de l’article 6 du TCA ont été construits. Ils précisent  qu’aucun État Partie ne doit autoriser le transfert d’armes classiques qui violerait ses obligations internationales[2]… et qui pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés… En bref les situations rapportées par les rapports de Nations Unies sur la Syrie et le Yémen, situations qui obligent les Etats parties au TCA, dont la France, à suspendre les transferts d’armes.

 

Mais c’est le Président Macron, lors de l’entretien du 15 avril dernier, qui d’une certaine manière, à fait un des liens les plus pertinents sur ce qui se passe dans ces pays.  Lorsque le Président de la République Française a déclaré que les Russes étaient complices des crimes commis par le régime d’Assad « parce qu’ils ont construit méthodiquement des blocages pour empêcher la communauté internationale de faire respecter le droit international humanitaire »,il interrogeait certainement, dans le même temps, la position  des Etats Unis, de la France et de la Grande Bretagne[3]qui bloquent la proposition du Canada et des Pays Bas, d’une commission d’enquête indépendante des Nations Unies sur les crimes de guerre au Yémen. Aujourd’hui la France marque « au fer rouge » l’histoire du Yémen. Outre la suspension des exportations, il nous apparaît aussi indispensable de mettre en place la commission d’enquête sur les ventes d’armes de la France en direction de l’Arabie Saoudite, comme réclamée par de nombreux Parlementaires, à l’initiative du député Sébastien Nadot, et pouvoir ainsi donner une chance à la réalisation d’une paix juste pour le Yémen.

 

Jean-Claude Alt est médecin anesthésiste, membre d’Action sécurité éthique républicaines (ASER)

Benoît Muraccioleest expert en transferts et usage des armes et en droits de l’homme. Il est président d’ASER, auteur de Quelles frontières pour les armes ?,éditions A. Pédone, 2016

[1]Le volume des transferts d’armes au niveau mondial a considérablement augmenté depuis 2013 date de la signature du TCA, en passant d’environ 75 à plus de  100 milliards d’euros, Rapports au Parlement sur les exportations d’armement de la France : http://aser-asso.org/transferts-darmes/rapports-exportations/france/.

[2]Article 6 Paragraphe 2, http://aser-asso.org/wp-content/uploads/2017/03/Traite-sur-le-Commerce-des-Armes-ONU-2013.pdf

[3] Reuter 28 SEPTEMBRE 2017 / 20:29 / IL Y A 8 MOIS Yémen: La France dit oeuvrer à un texte de compromis à l’Onu par John Irish et Stephanie Nebehay

 





Ventes d’armes aux pays engagés dans la guerre au Yémen Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER) et Droit Solidarité saisissent le Conseil d’Etat

6 05 2018

ASER_HD

Face au refus implicite de Edouard Philippe de suspendre les ventes d’armes de la France aux pays de la coalition engagés dans la guerre au Yémen – lettre envoyée à son adresse le 1° mars dernier – ASER et Droit Solidarité saisissent ce lundi 7 mai 2018, le Conseil d’Etat. C’est à ce dernier qu’il conviendra d’apprécier la légalité de ces autorisations exportations d’armes délivrées par le Premier ministre sur avis de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEMG).

En effet malgré les alertes continues des Nations Unies et des ONG sur les graves violations du droit international au Yémen, le gouvernement continue d’octroyer des autorisations d’exportations d’armes vers les pays de la coalition ce qui constitue une violation de l’article 6 du traité sur le commerce des armes des Nations Unies. Il y a un risque de complicité de la France dans les crimes de guerre, voire les crimes contre l’humanité commis par la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite au Yémen.

Depuis plus de 3 ans la situation ne fait qu’empirer dans ce pays ou plus de 22 millions de personnes sont en situation d’urgence humanitaire, notamment à cause d’un quasi blocus maritime auxquels des navires de fabrications françaises participent.

Dimanche 22 avril, la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite, avait à nouveau bombardé une cible civile faisant au moins 20 morts et plus de 40 blessés. Selon le suivi fait par le projet indépendant  « Yemen Data Project », un tiers des 16 847 bombardements aériens ont touché des cibles civiles.

Nous rappelons que le meilleur moyen d’informer la société civile quant à la réalité de la situation repose sur la commission d’enquête demandée par le député Sebastien Nadot« sur le respect des engagements internationaux de la France au regard des autorisations d’exportations d’armes de la France… ».

 

ASER a le statut consultatif  spécial ECOSOC aux Nations unies,

ASER est membre du Réseau d’Action International sur les Armes Légères (RAIAL),

ASER milite pour le respect des Droits de l’Homme dans les transferts  et l’usage des armes, notamment par les services de police et de sécurité.

Contacts : http://aser-asso.org

Pour demandes d’interview ou participation à une émission sur la question des armes : Benoît Muracciole : +336 84 10 62 18