Les larmes d’un Président sur son impuissance à imposer un vrai contrôle pour l’acquisition et la possession des armes aux Etats Unis ?

16 12 2012

Obama

Le 14 décembre 2012 à Newtown dans le Connecticut, un des Etats étasunien dont la loi sur l’acquisition des armes est une des plus strictes, à vu un nouveau carnage du à l’absence d’un réel contrôle sur les armes dans ce pays. Un jeune homme de 20 ans, Adam Lanza, a assassiné 28 personnes dont 20 enfants entre 5 et 10 ans. Après avoir tué sa mère, il emporté avec lui au moins deux armes de points,  Sig Sauer et Glock de 9 mm, ainsi qu’un fusil d’assaut Bushmaster model 233. Ces armes peuvent tirer des dizaines de projectiles en quelques secondes et chaque année ce sont près de 100 000 personnes qui meurent ou sont blessées aux Etats Unis, à cause de  l’usage de ces armes ,  si l’on compte les meurtres, les suicides, les accidents et l’action de la police[1].

Depuis l’arrivée d’Obama au pouvoir ce sont, au moins, 159 personnes qui ont été assassinées lors d’un massacre avec des fusils d’assauts ou des armes de poing automatiques ou semi automatiques[2] :

14 février 2008 Dekalb dans l’Illinois, 6 morts et 18 blessés,

5 novembre 2009 à Fort Hood au Texas, 13 morts et 30 blessés,

10 mars 2009 à Geneva County, 11 morts et 6 blessés,

8 janvier 2011 à Tuckson, 6 morts et 14 blessés,

5 octobre 2011 a Cupertino 4 morts dont le meurtrier et 7 blessés,

12 octobre 2011 à Seal Beach en Californie, 8 morts et 1 blessé,

21 février 2012 à Norcross en 6 morts dont le meurtrier,

27 février à Chardon dans l’Ohio 3 morts et 2 blessés,

8 mars à Pittsburg 2 morts dont le meurtrier et 7 blessés,

23 mars 2012 à San Francisco 5 morts,

2 avril 2012 à Oakland 7 morts 3 blessés,

6 avril à Tulsa dans l’Oklahoma, 3 morts et 2 blessés,

30 mai 2012 à Seattle 6 morts,

20 juillet 2012 à Aurora 12 morts et 59 blessés,

7 juillet 2012 à Grand Rapids dans le Michigan 7 morts et 3 blessés,

9 juillet 2012 à Dover, Delaware, 4 morts dont le meurtrier et 2 blessés,

5 août 2012 à Oaks Creek dans le Wisconsin, 6 morts dont le meurtrier,

13 août 2012 Texas A&M University, 3 morts,

24 aout 2012 à New York, 2 morts dont le meurtrier et 8 blessés,

31 aout 2012 à Old Bridge dans le New Jersey, 3 morts dont le meurtrier,

27 septembre à Minneapolis, Minnesota, 5 morts et 4 blessés,

30 septembre 2012 à Winter Springs, Floride, 2 morts et un blessé,

18 octobre 2012 à Casselberry en Floride, 4 morts dont le meurtrier et une blessée,

21 octobre 2012 à Brookfield dans le Wisconsin, 4 morts dont le meurtrier et 3 blessés,

11 décembre 2012 à Happy Valley dans l’Oregon, 3 morts dont le meurtrier et un blessé

L’Etat des lois aux Etats Unis :

Le second amendement :

“A well-regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed.”

« Une milice bien régulée est nécessaire pour assurer la sécurité d’un Etat libre, le droit du peuple de garder et de porter des armes ne doit pas être empêché. »

L’interprétation du second amendement par les juges de la cour suprême en 2010, nommés par Reagan, sous l’influence des producteurs d’armes légères et de petits calibres ou du groupe de pression  « National Rifle Association[3] » (NRA) est un plus grand scandale du XX° et début du XXI° siècle dans ce pays. De nombreux juristes[4] ont en effet relevé que le droit des individus à acquérir et porter des armes est contraire à l’esprit de la déclaration faites par James Madison et ses pairs en 1787. David Williams et Carl Bogus arguant notamment que le peuple d’alors représentait une homogénéité qui n’existe plus aujourd’hui. La notion même de milice bien organisée ne pouvant correspondre aux individus des XX° et XXI° siècle.

Après Lyndon Johnson et son Gun Control Act en 1968[5], le seul Président qui a fait avancer le contrôle de la vente et de la possession des armes dans le pays est Bill Clinton :

D’abord avec à la loi « Brady Handgun Violence Prevention Act » de 1993, qui a donné mandat au FBI de mettre en place en 1998  le « National Instant Criminal Background Check System[6] » (NICS). Le rôle de cet organe est de contrôler le passé des acheteurs tant sur le plan criminel que psychiatrique. Il est ouvert 7 jours sur 7, 17 heures par jour mais il ne fonctionne que sur la bonne volonté des institutions interrogées qui ne répondent pas toujours précisément aux demandes. De plus environ 40% des ventes ne sont pas concernées par ce système.

Enfin  le 25 janvier 1994 une nouvelle loi, présentée par l’administration Clinton, est votée par la chambre des représentants et interdit l’achat de fusil d’assaut[7]. Mais cette loi a expiré en 2004 et l’administration Bush s’est plus occupée de défendre les intérêts des producteurs d’armes que celui des citoyens[8].

Malgré l’engagement de Barak Obama sur le contrôle des armes, lors de sa première campagne électorale, il n’a  présenté à ce jour aucun nouveau projet de loi à la Chambre des Représentants.

Mais dans un monde gouverné de plus en plus par les études d’opinion et les communicants, les décideurs politiques valeureux se font de plus en plus rares. Les hommes politiques capables de porter une véritable vision en matière de droits de l’Homme se sont fait avaler par ces « Experts en communications ». Aux Etats Unis c’est Mitt Romney qui sera le seul à citer les droits de l’Homme lors du dernier débat télévisé en octobre dernier.

Nous avons donc aujourd’hui un Président des Etats Unis, garant de la protection des droits de l’Homme de tout citoyen étasunien et Prix Nobel de la Paix, qui n’a pas le courage politique de mettre en place les outils élémentaires de cette protection. A aucun moment dans son discours du 15 décembre, après le massacre des enfants à Newport, il n’a avancé quelque proposition concrète sur le contrôle des armes et il y a sans doute de nombreux parents qui se demandent si leurs enfants seront sur la liste du prochain carnage.

Benoît Muracciole


[3] Le mythe de l’influence de la NRA dans les élections étasunienne : http://www.bradycampaign.org/media/press/view/1545/

[7] Pour être précis il faut ajouter qu’elle ne concernait pas tous les fusils d’assauts, notamment ceux dont le chargeur fixe contient un maximum de 5 cartouches :

[8] Il fera passer une loi pour protéger les producteurs d’armes de toute poursuite en justice : http://www.govtrack.us/congress/bills/109/s397 . Georges Bush refusera également  toute initiative sur le marquage des munitions et la traçabilité des armes légères et de petits calibres.





République Démocratique du Congo (RDC), mais qui souhaite arrêter cette guerre ?

12 12 2012

M23

1996 puis août 1998 sont les dates qui marquent le début d’une des plus grandes catastrophes humanitaires depuis la seconde guerre mondiale. L’estimation de l’International Rescue Committee donne, entre 1998 et 2007, plus de 5,4 millions de personnes mortes directement ou indirectement  des suites du conflit[1]. Ce pays aux ressources naturelles extraordinaires[2] reste un des pays ou l’espérance de vie est  dramatique et ou la pauvreté continue d’avancer.

En 2001, puis en 2004 je faisais parti d’une mission en RDC pour Amnesty International. Les semaines que nous avons passées nous ont permis, grâce aux nombreux et courageux défenseuses et défenseurs des droits de l’Homme congolais de rassembler des éléments qui montraient l’implication notamment de l’Ouganda, du Rwanda dans les crimes contre l’humanité en RDC. En 2004, lors notre mission en Iturie nous avions par exemple réunis des témoignages sur la responsabilité de  Bosco Ntaganda dans de graves violations des droits de l’Homme. Ce militaire faisait déjà parler de lui par la commission de crimes de guerre, crimes imprescriptibles au regard du droit international humanitaire[3], par le recrutement forcé d’enfants soldats[4].

En juillet 2005, un rapport d’Amnesty International dénonçait les livraisons massives d’armes dans les grands lacs[5]. Un autre rapport en 2006 « Dead on time[6] », confirmait s’il en était besoin l’implication du Rwanda et de l’Ouganda dans le soutien de groupes armés non étatiques, responsables de graves violations des droits de l’Homme en RDC. Pour couronner le quotidien des citoyens congolais, les forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) participaient elles aussi aux graves violations des droits de l’Homme contre leurs propres citoyens[7].

Malgré toutes ces substantielles informations fournies par les ONG, des Etats comme la Belgique, la Chine, la France, les Etats Unis, la Grande Bretagne, la Russie… ont continué de soutenir les gouvernements congolais, ougandais ou rwandais. Ce soutien s’est réalisé, parfois indirectement, par des transferts de matériels militaires ou de formations militaires sans que l’on ait pu y observer une amélioration quant au respect du droit international relatif aux droits de l’Homme ou au droit international humanitaire.

Pourtant la République Démocratique du Congo est sans doute un des pays qui, à son corps défendant  représente le mieux l’urgence d’un traité sur le commerce des armes.

Un changement de la donne dans les transferts d’armes ?

En juin 2012, quelques jours avant l’ouverture de la conférence à l’ONU des négociations du TCA, un rapport d’expert des Nations unies montre l’implication de l’Ouganda et du Rwanda dans le soutien armé à un nouveau groupe armé non étatique le M23[8]. Il est dirigé par une vieille connaissance Bosco Ntanganda et piloté depuis Kigali, capitale du Rwanda, par son ministre de la défense, James Kabarebe. Le Rwanda allant jusqu’à mettre une fois de plus à disposition des soldats nationaux pour soutenir les actions du M23 dans l’est de la RDC. Un nouveau rapport des experts de l’ONU, au mois de novembre, confirmait largement les informations que les ONG présentaient depuis maintenant plus de 10 ans [9].

Juillet 2012, un premier haut responsable  politique  réagit à ce rapport. Ce n’est pas n’importe qui, Stephen Rapp est ambassadeur étasunien chargé de la justice pénale internationale au département d’Etat. Il déclare que le Président rwandais, Paul Kagamé, pourrait être sous le coup de poursuites de la CPI pour  avoir armé des groupes armés, le M23 en l’occurrence, responsables de crimes contre l’humanité[10]. Les Etats Unis ont suspendu une aide militaire de 200 000$ au Rwanda[11].

Les britanniques, un peu plus longs à la détente, viennent finalement, par l’intermédiaire de l’ancien secrétaire d’Etat au développement Andrew Mitchell, d’accorder une aide à l’Ouganda et au Rwanda. C’est pour le moins dommageable pour la Grande Bretagne qui se veut être le champion du futur TCA, mais cela est d’autant plus terrible pour les populations civiles.

C’est aussi un mauvais signal pour les négociations entre les différentes parties en conflit, réunies aujourd’hui à Kampala. Les pays occidentaux doivent peser de tout leur poids pour arrêter les transferts d’armes car il n’y aura pas de solution de paix si les armes continuent d’équiper les armées ou groupes armés dans la région.

Ce sera une excellente occasion pour tous, de  se mettre en conformité avec leurs engagement internationaux notamment, la responsabilité d’un Etat dans son soutien à un autre Etat pour faits internationalement illicites[12].

Il en va de la vie quotidienne de centaines de milliers de femmes, d’enfants et d’hommes congolais.

Benoît Muracciole


[4] En 2006 était émis le premier mandat d’arrêt par la Cour pénal internationale : http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc305328.PDF

[8] Ce groupe armé porte un nom qui fait référence aux accords de paix du 23 mars 2009 voir : http://radiookapi.net/files/Accord-CNDP-Gvt-23-mars-2009-pdf.pdf?55c0b5

[12] Article 16 de la commission internationale des lois de l’ONU : http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/francais/commentaires/9_6_2001_francais.pdf