George H.W. Bush / Trafic d’armes / Graves violations des droits de l’Homme / Crimes de guerre / Génocide…

3 01 2019

2-18

Lors du décès des chefs d’Etat un phénomène physique curieux semble envahir le cerveau des journalistes des grands médias et de quelques personnages politiques aux affaires. Il se caractérise par une atrophie soudaine de la mémoire. Voilà sans doute l’explication la plus plausible aux panégyriques trouvés jusque dans les journaux français[1].

Il est vrai que George H.W. Busha eu un démarrage difficile car pendant qu’il pilotait des avions de chasse et luttait contre le nazisme, son père Prescott Bush, construisait la fortune familiale avec le camp d’en face.  En effet, membre associé de Brown Brothers Harriman, il fit  de grandes et fructueuses affaires avec Fritz Thyssen, un des soutien du régime nazi qui permit notamment la création de l’industrie de l’armement du IIIèmeReich jusqu’en 1942[2]. George H.W. Bush a bénéficié de la fortune faite par son père et des liens que les meilleurs écoles étasuniennes permettent, précisément quand il se lance dans les affaires du pétrole. C’est cette porte qui plus tard ouvrira celles de toute la famille Bush auprès des princes saoudiens[3].

 

Mais pour être juste dans cette biographie – et la participation active de George H.W. Bushaux graves violations des droits de l’Homme – il faut commencer par son passage à la tête de la CIA de janvier 1976 à janvier 1977[4]. George H.W. Bushy continue le soutien de l’agence aux mouvements évangélistes qui sont considérés par les conservateurs étasuniens comme le meilleur rempart à la théologie de la libération en Amérique Latine[5].  Cette assistance porte aujourd’hui de drôles de fruits avec l’élection de Bolsonaro à la Présidence du Brésil[6].

 

Toujours directeur de la CIA, George H.W. Bush couvre l’attentat qui tua en septembre 1976, le dissident chilien et ancien ministre des Affaires Etrangères d’Allende, Orlando Letelier, ainsi que  Ronni Moffitt, une activiste étasunienne. Les services secrets d’Augusto Pinochet – ainsi que ceux d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay – avaient  mis au point l’opération Condor qui traquait tous les opposants engagés dans la dénonciation de ces régimes dictatoriaux. George H.W. Bush et son assistant Vernon Walters avaient reçu les informations de l’ambassadeur étasunien au Paraguay, George Landau selon lesquelles des agents de la DINA (services secrets chilien) demandaient des visas pour les Etats Unis sous de faux passeports. La CIA les avait laissés entrer sur le sol étasunien pour commettre cette exécution extrajudiciaire et arbitraire[7]. Quelques années plus tard Robert Parry mit à jour cette complicité en démontrant l’appartenance du chef de la DINA, Juan Manuel Contreras, à la CIA[8].

Au Panama c’est avec Manuel Noriega que George H.W. Bush fait ses affaires. Etudiant, Noriega dénonce ses petits camarades gauchistes avant de rejoindre l’école des Amériques, célèbre pour avoir formé presque tous les nervis des dictateurs d’Amérique latine sur des techniques de contre-insurrection qui prônait l’usage de la torture, des disparitions et des exécutions extrajudiciaires[9]. Noriega sera payé par la CIA dès 1971, il continuera de se débarrasser violemment des opposants politiques et profitera également du juteux trafic de drogue pour s’enrichir. Il servira sous la responsabilité du Bush, directeur de la CIA, jusqu’à ce qu’il devienne gênant au Bush, président des Etats Unis, qui s’en débarrassera en 1990[10].

Le même scénario se reproduit en Colombie avec la CIA qui participe encore à la répression des groupes de la société civile colombienne luttant pour le respect des droits de l’Homme, allant même jusqu’à saboter les enquêtes de la Drug Enforcement Agency (DEA). Au Guatemala, plus de 200 000 personnes ont été exterminés, avec ce qui a été décrit par une commission d’enquête comme étant un génocide contre les Indiens Mayas des hauts plateaux du Guatemala[11]. Au Salvador, environ 70 000 personnes sont mortes. Des villages entiers ont été massacrés dans l’opération « tierra arrasada » (terre brulée). En 1981, un bataillon entraîné par les États-Unis a abattu des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants dans la ville d’El Mozote[12]. Les massacres continuent, notamment à El Calabozo le 21 aout 1982 où aujourd’hui les familles des victimes n’ont toujours pas obtenu la justice[13].

Mais cela n’est que le début de son « œuvre ». Fin des années 70, George H.W. Bush, libéré de ses engagements à la CIA, va être dans l’ombre du blocage de la libération des otages étasuniens de l’ambassade à Téhéran sous la présidence de Jimmy Carter[14]. Comme futur vice président, il fait parti de l’équipe de Ronald Reagan candidat lui, à la présidence des Etats Unis. L’équipe de Reagan promet des livraisons d’armes en direction du régime de Téhéran, en lien avec le gouvernement israélien à condition que le régime de Khomeiny attende la fin de la campagne électorale qui oppose le président en exercice Jimmy Carter à Ronald Reagan avant de libérer les otages[15]. Il est toujours vice président lors de l’affaire des Contras que le journaliste Gary Webb dévoilera, seul contre tous. C’est dans le milieu des années 90 que Gary Webb démontrera  comment la drogue des cartels de Colombie fut chargée dans les avions de l’armée étasunienne et livrée à Ricky Donnell Ross, un dealer des « gangstas » of Compton and South-Central Los Angeles[16]. L’argent ira armer les Contras dont les Fuerza Democratica Nicaraguense (FDN), un groupe armé opposé aux sandinistes qui avaient le pouvoir au Nicaragua.  Les FDN ont été responsables de graves violations des droits de l’Homme. Tous les moyens ont donc été bons – sous la présidence Reagan et la vice présidence Bush – dans la lutte contre les régimes démocratiques d’Amérique latine, jusqu’à inonder de crack les banlieues sud de Los Angeles[17]. Le gouvernement étasunien poussera le journaliste au suicide, bien aidé en cela par les principaux journaux étasuniens – dont notamment le Washington Post et le New York Times et son propre journal San Jose Mercury Newstrop occupés à couvrir le scandale Lewinsky / Clinton – qui n’ont cessé de contester son remarquable travail de journaliste[18].

Enfin l’intervention des Etats Unis contre l’Irak de Saddam Hussein en 1991 est venu couronner  « l’œuvre » de George H.W. Bush en faveur du respect des droits de l’Homme, mais cette fois il est président des Etats Unis. Après avoir soutenu militairement sans ciller le régime dictatorial irakien [19], les Etats Unis et les pays occidentaux décident de s’en débarrasser. Un scénario est mis en place pour faire monter la pression internationale contre Saddam Hussein qui réclame de l’argent à ses voisins, notamment le Koweït, pour le dédommager de la guerre contre l’Iran[20].

Le 25 juillet 1990, quelques jours avant l’invasion du Koweït par l’Irak, dans un câble de l’ambassadrice étasunienne April Glaspie, celle ci reporte avoir dit à Saddam Hussein que les Etats Unis n’ont : « pas d’opinion sur vos conflits arabo-arabes, tels que votre différend avec le Koweït. Le secrétaire d’État, James Baker, m’a chargé de souligner l’instruction, donnée pour la première fois à l’Iraq dans les années 1960, selon laquelle la question du Koweït n’est pas associée à l’Amérique[21] ».

Dans le temps de l’énorme pression que Saddam Hussein faisait peser sur le Koweït, cette déclaration  est apparue à beaucoup comme un feu vert donné au dictateur pour envahir ce pays voisin. L’incompétence de l’ambassadrice  ou l’acceptation de celle-ci de jouer le rôle de l’imbécile,  aura permis  de justifier aux yeux de l’opinion publique la deuxième guerre du Golf appelée «Tempête du désert»[22]. Celle-ci fut pour les Etats Unis le moyen non seulement d’affaiblir Saddam Hussein qui avait eu l’outrecuidance de vouloir se débarrasser du dollar dans les ventes du pétrole irakien. Mais elle fut aussi l’occasion de consacrer la politique de  domination des neocons étasuniens, dont Zbigniew Brezinski, ancien conseiller à la sécurité du président Carter, disait que : « la question du pétrole n’était pas une question d’accès mais de contrôle de sa production[23] ». Grâce à Saddam Hussein les Etats Unis allaient pouvoir renforcer ce contrôle au Moyen Orient.

En plus de cela, cerise sur le gâteau, les Etats richissimes du golf devront assurer pour de longues années, la croissance étasunienne en signant des contrats de plus en plus mirifiques en faveur l’industrie d’armement des Etats Unis[24]. Le bilan des droits de l’Homme des populations irakiennes est désastreux. Les Kurdes que George H.W. Bush avait appelés à se soulever sont gazés par le dictateur. Quant aux chiites du sud de l’Irak, ils sont massacrés.  Les évaluations du nombre de morts directs et indirects sont toujours difficiles, elles se situeraient entre 4000 et 400 000 morts[25]et l’on ne compte pas les crimes de guerre dont l’armée étasunienne fut responsable[26].

La politique de George H.W. Bush sur l’Irak fut merveilleusement reprise par l’administration Clinton. C’est sans doute Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’Etat de Bill Clinton, qui l’illustra le plus clairement. A la question d’un journaliste qui lui  demandait si les 500 000 enfants irakiens morts « en valait la peine », elle répondit comme un hommage ultime à  George H.W. Bush : « Je pense que c’est un choix très difficile, mais le prix en vaut la peine »[27].

 

Jean Claude, Alt, médecin anesthésiste, administrateur ASER, expert droits de l’Homme

Benoît Muracciole, Président ASER, expert droits de l’Homme / force publique, auteur de « Quelles frontières pour les armes » édition A Pedone

 

[1]https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/01/mort-de-george-h-w-bush-politiques-et-personnalites-rendent-hommage-a-l-ancien-president_5391226_3210.html; http://www.lefigaro.fr/international/2018/12/01/01003-20181201ARTFIG00019-l-ex-president-americain-george-hw-bush-est-mort-a-l-age-de-94-ans.php;

[2]https://www.theguardian.com/world/2004/sep/25/usa.secondworldwar

[3]https://www.theguardian.com/us-news/2018/dec/04/george-hw-bush-saudi-arabia-donald-trump; https://consortiumnews.com/2018/12/12/george-hw-bushs-bitter-legacy-in-the-middle-east/; voir aussi Fahrenheit 9/11 de Michael Moore ; 2004

[4]Il est le seul président des Etats Unis qui a été directeur de la CIA.

[5]https://www.politico.com/story/2017/01/church-committee-established-jan-27-1975-234079; https://www.nytimes.com/1976/01/29/archives/churches-angered-by-disclosures-seek-to-bar-further-cia-use-of.html; https://medium.com/@juliosevero/evangelicals-represent-the-greatest-conservative-force-in-the-brazilian-elections-dce5a378cd95http://lastdayswatchman.blogspot.com/2016/05/the-religious-war-between-cia-and-kgb.html; http://www.aspeninstitute.it/aspenia-online/en/article/latin-american-evangelicals-and-us-geopolitics

[6]http://indiafacts.org/religious-crusades-cia/; https://www.wikileaks.org/plusd/cables/1977BRASIL09820_c.html

[7]https://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet11Rev.1fr.pdf

[8]https://consortiumnews.com/2018/12/01/george-h-w-bush-the-cia-and-a-case-of-state-sponsored-terrorism/; https://consortiumnews.com/2018/12/05/the-bushes-death-squads/; https://www.washingtonpost.com/archive/opinions/1980/06/29/the-unresolved-questions-in-the-letelier-case/f70e1f2a-159f-492d-9a2a-a1f74d6d3430/?utm_term=.f59d4b5da54d

[9]Unmatched Power, Unmet Principles: The Human Rights Dimensions of US Training of Foreign Military and Police Forces Amnesty International USA Publications : https://www.amnestyusa.org/pdfs/msp.pdf

[10]https://www.nytimes.com/1986/06/12/world/panama-strongman-said-to-trade-in-drugs-arms-and-illicit-money.html?pagewanted=all; https://www.theatlantic.com/international/archive/2017/05/manuel-noriega-obituary-monroe-doctrine/518982/

[11]https://www.un.org/press/en/1999/19990301.guate.brf.html; https://www.documentcloud.org/documents/357870-guatemala-memory-of-silence-the-commission-for.html; voir traduction les crise.fr

[12]https://consortiumnews.com/2018/12/05/the-bushes-death-squads/; https://www.researchgate.net/publication/35495531_Buried_Secrets_Truth_and_Human_Rights_in_Guatemala

[13]https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2012/08/el-salvador-asesinados-sangre-fria-el-calabozo-orillas-rio/

[14]https://consortiumnews.com/2018/12/03/bush-41s-october-surprise-denials-2/; https://www.youtube.com/watch?v=yhzfNSMHN-A

[15]« Le cas symptomatique de l’Iran » Benoît Muracciole, les cahiers de l’Orient n° 105

[16]En mission pendant la guerre de la République Démocratique du Congo, nous avions rencontré un colonel de l’armée française ancien attaché militaire e Colombie qui nous avait dit avoir vu de ses propres yeux au Honduras, les étasuniens décharger la cocaïne colombienne d’avions civils et la charger dans les avions militaire étasuniens.

[17]The Dark Alliance, Gary Webb’s Incendiary 1996 SJ Mercury News Exposé http://www.mega.nu:8080/ampp/webb.html

[18]voir Kill the Messenger de Michael Cuesta 2014

[19]Notamment dans l’usage de gaz dans la guerre contre l’Iran et contre les Kurdes d’Irak : https://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/NEZAN/3615

[20]https://www.nytimes.com/1990/09/24/world/confrontation-gulf-iraqis-threaten-attack-saudis-israelis-if-nation-strangled.html

[21]https://www.globalresearch.ca/gulf-war-documents-meeting-between-saddam-hussein-and-ambassador-to-iraq-april-glaspie/31145; https://wikileaks.org/plusd/cables/90BAGHDAD4237_a.html

[22]La première concerne l’invasion de l’Iran par l’Irak.

[23]« It’s not about access to the oil itself. That will be on a global market. It will be part of it. It’s about control. It’s about controlling the terms of those contracts. It’s about controlling amounts that are being pumped at different times. It’s about controlling prices. It’s about controlling that crucial resource ». : https://off-guardian.org/2015/08/01/the-west-the-middle-east-and-oil-a-conspiracy-theory/

[24]Sans doute l’industrie qui permet aujourd’hui aux US de ne pas être en récession : https://www.lelibrepenseur.org/etats-unis-plus-de-102-millions-damericains-sans-emploi-au-30-juin-2018/;  voir aussi : https://www.youtube.com/watch?v=plXuqIw3AvU

[25]https://www.liberation.fr/evenement/1998/02/21/en-1991-entre-4-000-et-400-000-morts-irakiens-selon-les-estimations-les-plus-extremes-et-149-victime_227890

[26]https://www.hrw.org/reports/1991/gulfwar/INTRO.htmhttps://theintercept.com/2018/12/01/the-ignored-legacy-of-george-h-w-bush-war-crimes-racism-and-obstruction-of-justice/; https://theintercept.com/2018/12/05/george-h-w-bush-1924-2018-american-war-criminal/; https://www.nytimes.com/1984/11/24/opinion/l-cia-s-contra-manual-incited-war-crimes-104236.html

[27]I think this is a very hard choice, but the price—we think the price is worth it. : https://www.cis.org.au/app/uploads/2015/04/images/stories/policy-magazine/2002-winter/2002-18-2-matt-welch.pdf

 





Au Moyen Orient, les graves violations des droits de l’Homme et les crimes de guerre sont-ils la culture commune des pays occidentaux, de la Syrie, de la Turquie, de la Russie et de l’Iran ?

21 03 2017

Alep

Les rapports s’accumulent sur les crimes de guerre et les graves violations des droits de l’Homme autour des conflits allant de la Turquie, en passant par la Syrie et l’Irak jusqu’au Yémen.

 

Turquie

Le mois dernier les Nations Unies ont sorti un nouveau rapport dénonçant les graves violations des droits de la personne perpétrés par l’armée Turque et dirigée contre les populations majoritairement kurdes[1]. Plus de 2 000 personnes ont été tuées entre juillet 2015 et août 2016, dont des femmes et des enfants ainsi que plus de 800 membres des forces de sécurité turque. La lutte contre le « terrorisme » justifie beaucoup d’entorses quant au respect des droits de l’Homme pour la Turquie, comme pour de trop nombreux gouvernements. L’usage d’armes classiques par les forces gouvernementales dans des lieux à grande densité humaine constitue également une grave violation du droit international humanitaire. Enfin les disparitions, mauvais traitements et les cas de tortures, sont redevenus monnaie courante dans ce pays membre de l’OTAN[2]. Non seulement ses dernières interventions en Afghanistan et en Libye ont été un désastre pour les populations civiles, mais en plus l’OTAN accepte en son sein des pays qui violent gravement les droits fondamentaux.

 

Mais la Turquie est-elle seule à utiliser des méthodes contraires au droit international ?

Une étude attentive des règles d’engagement des groupes armés et des armées régulières dans cette partie du Moyen-Orient peut nous en faire douter. Même s’il est comme toujours difficile de connaître le nombre de morts dans un conflit, les informations sur la réalité et la gravité des crimes de guerre, les graves violations des droits de l’Homme, voir des crimes contre l’humanité finissent toujours par percer grâce au courage de militants sur le terrain.

 

Gaza : Israël.

Cette guerre entamée le 13 juin 2014 par l’armée israélienne à Gaza a constitué une des plus violentes opérations militaires de l’État israélien depuis l’invasion du Liban en 2006. Le nombre de victimes civiles a atteint à nouveau un seuil dramatique. Dans le camp israélien le bilan est de 6 civils et 67 soldats morts, ce qui signifie qu’un peu plus de 8% des victimes sont des civils. Du coté Palestinien le rapport dénombre 1 462 civils et 789 soldats, ce qui indique qu’un peu plus de 64% des victimes sont des civils[3].

 

Falloujah : coalition menée par les Etats Unis, milices irakiennes.

Si l’on prend les derniers exemples de rupture presque totale des règles d’engagements d’usage de la force en respect de la Convention de Genève, le constat est terrible. Un de ces sommets fut atteint par les forces armées étasuniennes à Falloujah en 2004. En plus de la violation du chapitre VII de la Charte des Nations Unies en envahissant l’Irak, les Etats Unies ont utilisé le phosphore blanc notamment à Falloujah. L’utilisation de cette arme constitue un crime de guerre, et ce malgré les déclarations du Pentagone qui avait affirmé que l’usage de phosphore blanc était légal[4]. Dans un texte de l’armée de terre étasunienne – « The Battle Book » – il est bien écrit que : « L’utilisation de phosphore blanc contre des personnes est contre les lois de la guerre[5] ». En plus de ce type d’armes, l’armée étasunienne a fait usage de « thermobaric novel explosive ». Ces armes ont une capacité de destruction des infrastructures avec leurs occupants, par un système de « dépression de l’air » un peu comme une mini bombe atomique sans les effets radioactifs[6].

Pour couronner le tout, les munitions à uranium appauvri ont été largement tirées par les soldats étasuniens. Elles ont sans doute encore des conséquences sur les enfants nées aujourd’hui, victimes de graves malformations physiologiques[7].

Sans doute pour éviter les états d’âme, il avait été dit aux marines qu’il n’y avait plus que 500 civils dans la ville, alors que d’autres estimations allaient entre 30 000 et 50 000 dont beaucoup de femmes et d’enfants[8]. Enfin les milices pro-gouvernementales entrainées par les Etats Unis ont été également responsables de graves violations des droits de l’Homme[9].

Il n’est pas étonnant de voir Falloujah entre 2012 et 2016 sous occupation d’une autre terreur : les takfiristes qui se font appelé DAESH. La reprise de la ville par les milices irakiennes en mai 2016 a été à nouveau le théâtre de graves violations de droits de l’Homme[10].

 

Alep   Takfiristes, [Front Fatah al-Cham – branche syrienne d’Al-Qaida – Ahrar al-Sham et le Harakat Nourreddine al-Zenki soutenus par la Turquie et le Qatar, autres obédiences idéologiques + coalition menée par les Etats Unis… / forces syriennes + Hezbollah libanais + les gardiens de la révolution iraniens + les milices kurdes (Unités de protection du peuple, YPG[11]) + soutien Russe…

Les bombardements des forces réunies autour de Bachar al Assad [Russie, Iran, Hezbollah libanais, milices kurdes… ] et ceux des milices réunies autour d’Al Qaida et d’autres idéologiques totalitaires se font encore au détriment du droit international[12]. Alors que les crimes de guerre et les graves violations des droits de l’Homme de la coalition syrienne sont largement médiatisés, celles des milices d’en face soutenues par les pays occidentaux le sont beaucoup moins[13]. Dans un long article Robert Fisk décrit comment les milices armées par les occidentaux se sont servies des civils comme boucliers humains et sont également responsables de tortures et d’exactions contre les populations civiles[14].

 

Mossoul : Takfiristes, milices irakiennes, milices Kurdes, coalition menée par les Etats Unis + Turquie…[15]

L’action des milices irakiennes qui trop souvent agissent sans aucun discernement[16], les bombardements de la coalition derrière les Etats Unis, la terreur des takfiristes font que la situation pour la population de Mossoul n’a pas changé en 2016[17]. Depuis le début de l’année 2017 les mêmes logiques de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire sont imposées aux populations irakiennes. Les dernières interventions aériennes de la coalition menée par les Etats Unis dont la France, sont responsables de la mort de plus de 50 civils dont des femmes et des enfants[18].

 

Yémen : coalition Arabie Saoudite + Etats Unis + Iran ?

Depuis de longs mois, les possibles crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les graves violations des droits de l’Homme continuent de faire parti du quotidien des civils yéménites. Que ce soit par la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite, ou plus directement par les Etats Unis, le rythme des bombardements ne faiblit[19]. La situation empire pour les populations civiles sous embargo maritime et terrestre de la coalition menée par l’Arabie Saoudite, et dont plus de 14 millions de personnes sont en urgence humanitaire[20].

Sur tous ces terrains d’opérations que l’on soit du coté du régime syrien[21], de la Turquie, des takfiristes, des différents groupes Kurdes, de la coalition saoudienne où de la coalition des étasunienne « droits de l’Homme », les civils vivent un enfer. La complexité géopolitique de la région amène parfois les ennemis d’hier à devenir des alliés passagers pour détruire un tiers, ou l’inverse[22]

Le choix des populations se situe entre la peste et le cholera malgré les faux prétextes des droits de l’Homme, chaque camp répondant à la violence de l’autre par une violence plus grande encore. Cette fameuse montée aux extrêmes dont parle Clausewitz fait le bonheur des marchands de canons[23]. Dans cette logique du chaos, les Etats parties au traité sur le commerce des armes, dont la France, se doivent de repenser leur analyse des articles 6 et 7 afin de créer une rupture dans cette course aux armements, qui annonce la disparition des peuples du Moyen Orient.

Benoît Muracciole

[1] http://www.ohchr.org/Documents/Countries/TR/OHCHR_South-East_TurkeyReport_10March2017.pdf .

[2] . Lire le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires sur sa mission en Turquie : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G16/166/88/PDF/G1616688.pdf?OpenElement. Il y a quelque chose finalement qui était assez juste dans les propos du Président Trump qualifiant l’OTAN d’obsolète

[3] https://armerdesarmer.wordpress.com/2015/07/01/apres-la-sortie-du-rapport-des-nations-unies-sur-la-guerre-de-gaza-en-2014-faut-il-suspendre-les-exportations-darmes-vers-israel/

[4] https://www.theguardian.com/world/2005/nov/22/usa.iraq1

[5] Publié par le US Command et General Staff College de Fort Leavenworth, Kansas, 1991.

[6] https://en.wikipedia.org/wiki/Thermobaric_weapon

[7] Int. J. Environ. Res. Public Health 2010, 7(7), 2828-2837; doi :10.3390/ijerph7072828 http://www.mdpi.com/1660-4601/7/7/2828

[8] https://www.theguardian.com/world/2005/nov/22/usa.iraq1

[9] En 2004 : Amnesty International ; IRAK Des atteintes aux droits humains perpétrées de sang-froid par des groupes armés ; Index AI : MDE 14/009/2005 et en 2016 : https://www.amnesty.be/je-veux-m-informer/actualites/article/les-populations-sunnites-sous-la-menace-des-milices-chiites

[10] https://www.hrw.org/news/2017/01/06/integrating-iraqi-fighting-forces-not-enough

[11] http://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Quelles-sont-forces-presence-Alep-2016-12-07-1200808786

[12] ibid.

[13] http://www.amnestyusa.org/news/press-releases/amnesty-report-abductions-torture-and-summary-killings-at-the-hands-of-armed-groups-in-syria , http://www.les-crises.fr/alep-la-douleur-et-la-honte-par-leslie-varenne/

[14] http://www.independent.co.uk/voices/aleppo-falls-to-syrian-regime-bashar-al-assad-rebels-uk-government-more-than-one-story-robert-fisk-a7471576.html

[15] http://www.france24.com/fr/20161017-irak-armee-milices-chiites-coalition-internationale-peshmerga-turquie-iran-mossoul

[16] Amnesty International 2017 ; Iraq: Turning a blind eye the arming of the popular mobilization units. Human Right Watch décembre 2016 : https://www.hrw.org/news/2016/12/18/iraq-executions-government-backed-militia

[17] The Guardian, le 29 décembre 2016 : https://www.theguardian.com/world/2016/dec/29/us-military-mosul-airstrike-civilians-casualties-hospital ; Daily Kos, 2 janvier 2017 : http://www.dailykos.com/story/2017/01/02/1616422/-U-S-Military-Says-Deliberate-Bombing-of-Mosul-Hospital-May-Have-Killed-Civilians ;

[18] Telegraph, 12 mars 2017 : http://www.telegraph.co.uk/news/2017/03/12/just-hours-freedom-mosuls-civilians-die-bombs-liberators/ ; Le Monde, 18 mars 2017 : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/03/18/washington-dement-toute-bavure-dans-le-nord-de-la-syrie_5096749_3218.html?xtmc=mossoul&xtcr=2

[19] https://www.amnesty.org/en/documents/mde14/5386/2017/en/

[20] http://www.unocha.org/yemen

[21] Avec la Russie, l’Iran, le Hezbollah libanais.

[22] https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/04/06/la-communaute-internationale-se-nourrit-elle-des-conflits-au-moyen-orient-partie-ii/

[23] René Girard pour « achever Clausewitz. René Girard Achever Clausewitz, Cahiers du nord, 2007





Quel héritage d’Obama laisse-t-il en matière d’usage de la force, de transferts d’armes et de respect des droits de l’Homme ?

23 01 2017

bo

Tout d’abord il nous apparaît logique de commencer, après l’investiture de Donald Trump, par les Etats Unis. Quel est l’héritage de l’administration Obama en matière d’exportations d’armes, d’usage de la force et du respect des droits de l’homme ?

Un premier bilan des exportations d’armes étasuniennes au Moyen-Orient[1], qui constituent l’immense majorité de ces transferts est nécessaire. Si l’on s’en réfère au rapport du CRS, les ventes d’armes en direction de cette région ont proprement explosé. Entre Bahreïn, les Émirats Arabes Unis, l’Irak, Israël, le Qatar, les groupes armés takfiristes (al Qaeda[2], Daesh et autres), il ne semble pas y avoir eu de frein à la politique d’exportation d’armes de l’administration Obama. En ce qui concerne l’Arabie Saoudite, il s’agit de plus de 119 milliards $ d’exportations d’armes entre 2009 et 2016[3]. Malgré le soutien du royaume d’Arabie Saoudite au régime Bahreïni responsable de graves violations des droits de l’Homme. Malgré le soutien du royaume d’Arabie Saoudite aux groupes takfiristes en Irak et Syrie[4]. Malgré les graves violations des droits de l’Homme, les crimes de guerre et possibles crimes contre l’humanité dont est responsable la coalition menée par ce même pays dans sa guerre au Yémen avec aujourd’hui plus de 10 000 morts civils[5]. Même si les États Unis n’ont fait que signer le traité sur le commerce des armes, il est vrai du temps de l’administration d’Obama, ils sont engagés au moins sur les objectifs.

 

Usage de la force

Dans sa déclaration lors de la réception du prix Nobel de la paix, Barak Obama avait présenté sa doctrine dans l’usage de la force:

  • Mise au point de normes pour l’encadrer
  • Normes que je me réserve le droit de ne pas respecter[6].

Les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires[7] par drones, en dehors des frontières des Etats Unis, en sont un terrible exemple. Elles ont significativement augmenté sous sa présidence. Entre l’Afghanistan, la Libye, la Somalie, le Yémen plus de 2000 personnes, combattantes et civiles, ont été assassinées[8]. Pour le Yémen le nombre de civils abattus, 2001-2011, s’établissait au minimum entre 52 et 108 pour les attaques de drones[9]. Pour les seules années 2012-2013 le chiffre a « fait un bon » de plus de 300%[10] : au minimum entre 255 et 333 civils assassinés.

Était-ce cela dont parlait Barack Obama à la réception de son prix Nobel en 2009 quand il assurait qu’il fallait : « penser une nouvelle voie pour les notions de guerre juste et sur les impératifs de paix juste[11] » ?

S’agissait-il des voies du ciel qui ont fait plusieurs centaines de victimes civiles ? Sans nul doute l’influence de l’ancien directeur « of the National Counterterrorism Center » et du partant directeur de la CIA John Brennan y est pour beaucoup. Mais c’est bien le chef des armés qui a pris la décision d’enfreindre ce droit international même si celui-ci est contesté par les Etats-Unis[12].

Mais comme le rapport des Nations Unies le rappelle, les exécutions extrajudiciaires sommaire ou arbitraires concernent également l’usage de la force à l’intérieur des frontières étasuniennes, notamment dans les prisons sous contrôle des militaires[13].

Et puis il y a toujours ce nombre de personnes noires harcelées, voir parfois assassinées par la police étasunienne dans un usage excessif et disproportionné de la force et des armes à feu[14]. Il était encore d’au moins 85 personnes en 2016, 93 en 2015. Dans l’immense majorité des cas, les responsables ont été acquittés[15]. Quand aux incarcérations, on observe une augmentation continue depuis 2008, pour arriver à un total de plus de 2 millions de personnes en 2016 [16] Encore une fois je laisserais le dernier mot à Barak Obama qui dans un entretien avec David Simmons (auteur de la série the Wire)  : Le défi, que vous décrivez à votre série, est que des gens qui entrent en prison à grands frais de l’état, y sont formés pour devenir les criminels plus endurcis, et qu’à leur sortie, ils sont absolument incapables de travailler et finissent dans ces mêmes prisons[17].

 

Guantanamo et sa promesse non tenue de fermer cette prison qui n’a pas de base juridique[18].

 

Enfin pour clore momentanément ce bilan, il convient aussi de parler de la protection des libertés individuelles. Pour rappel, des générations ont été éduquées dans l’impératif de lutter contre l’union soviétique précisément par ce qu’elle privait les citoyens de ces mêmes libertés. Or depuis les informations sur le programme échelon – qui ne concernait pas la présidence de Barak Obama mais celle de Bill Clinton –, puis les révélations d’Edward Snowden, nous savons que « le président du monde libre » a fait encore mieux que les soviétiques, puisqu’il a donné les autorisations et les moyens financiers aux agences de renseignement étasuniennes, avec les technologies du XXIe siècle, l’autorisation de surveiller chaque individu. Même s’il faut saluer la libération prochaine de Chelsea Manning, Edward Snowden et de trop nombreux lanceurs d’alertes restent en prison ou sous la menace d’y être envoyés[19].

« La promotion des droits de l’Homme ne peut relever de la seule exhortation[20] » cruel oracle portée par un prix Nobel sur son futur bilan de président. Peut être avait-il omis sciemment d’user ces mots simples que vivent au quotidien des millions de personnes vivant sous la menace directes et indirectes de la violence des armes : les mots engagement, courage et résistance ?

Benoit Muracciole

 

[1] But it is also incumbent upon all of us to insist that nations like Iran and North Korea do not game the system. Those who claim to respect international law cannot avert their eyes when those laws are flouted. Those who care for their own security cannot ignore the danger of an arms race in the Middle East or East Asia.

[2] « Negotiations cannot convince al Qaeda’s leaders to lay down their arms » https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2009/obama-lecture_en.html

[3] Selon : Security Assistance Monitor : http://securityassistance.org/fact_sheet/us-arms-transfers-saudi-arabia-and-war-yemen

[4] https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/03/25/la-communaute-internationale-se-nourrit-elle-des-conflits-au-moyen-orient-partie-i/ ; https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/01/06/sortir-des-logiques-de-violence-des-etats-au-moyen-orient/

[5] http://www.itele.fr/live/yemen-le-gouvernement-passe-a-loffensive-pour-reprendre-les-zones-longeant-la-mer-rouge-172 , http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/20161220_HPF_Dashboard_Final.pdf et https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/08/21/les-exportations-darmes-des-pays-parties-au-traite-sur-le-commerce-des-armes-tca-a-lepreuve-des-pairs-lors-de-la-deuxieme-conference-des-etats/

[6] To begin with, I believe that all nations – strong and weak alike – must adhere to standards that govern the use of force. I – like any head of state – reserve the right to act unilaterally if necessary to defend my nation. Nevertheless, I am convinced that adhering to standards, international standards, strengthens those who do, and isolates and weakens those who don’t : https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2009/obama-lecture_en.html

[7] http://www.ohchr.org/FR/Issues/Executions/Pages/Overview.aspx

[8] https://www.thebureauinvestigates.com/2016/07/01/obama-drone-casualty-numbers-fraction-recorded-bureau/

[9] https://www.thebureauinvestigates.com/2012/03/29/yemen-reported-us-covert-actions-since-2001/

[10] Pour l’estimation basse du nombre de tués.

[11] « And it will require us to think in new ways about the notions of just war and the imperatives of a just peace. ». Idem.

[12] « Le Gouvernement (US) a refusé d’indiquer quels étaient les fondements juridiques des assassinats ciblés commis sur le territoire d’autres États au moyen de drones ou de donner quelque précision que ce soit sur les garde-fous mis en place pour réduire les pertes civiles collatérales et pour garantir que le Gouvernement cible la bonne personne. » page 3 et 4 Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Philip Alston ; A/HRC/11/2/Add.5 28 mai 2009 : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G09/135/58/PDF/G0913558.pdf?OpenElement

[13] « In relation to deaths in military custody, operational difficulties cannot be used to justify a failure to compile statistics. Making the numbers and causes of such deaths public is part of the United States’ obligation to exercise diligence, to prevent deaths of prisoners in its custody, and to investigate and prosecute any illegal conduct » ; Page 23, para 45. Idem.

[14] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/UseOfForceAndFirearms.aspx

[15] https://www.theguardian.com/us-news/ng-interactive/2015/jun/01/the-counted-police-killings-us-database

[16] Mass Incarceration: The Whole Pie 2016 : https://www.prisonpolicy.org/reports/pie2016.html

[17] « And the challenge, which you depict in your show, is folks go in at great expense to the state, many times trained to become more hardened criminals while in prison, come out and are basically unemployable and end up looping back in » : https://medium.com/@ObamaWhiteHouse/president-obama-interviews-the-creator-of-the-wire-david-simon-40fb7bd29b18#.z39m49r6j

[18] https://www.amnesty.ch/fr/themes/torture/guantanamo

[19] https://armerdesarmer.wordpress.com/?s=Droits+de+l%E2%80%99Homme+et+usage+des+mat%C3%A9riels+de+surveillance+%C3%A9lectronique

[20] « The promotion of human rights cannot be about exhortation alone » : https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2009/obama-lecture_en.html

 





Quelle chance pour le cessez-le-feu au Moyen Orient ?

4 03 2016

Cessez-le-feu-treve-provisoire-de-deux-semaines-en-Syrie

Depuis le 22 février un accord a donc été conclu pour un cessez-le-feu entre les parties du conflit Syrie / Irak (pas toutes car les Takfiristes de Syrie et d’Irak, le Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaida en sont exclus). Il est entré en vigueur le 27 février à minuit. Sur le terrain il a été de nombreuses fois violé[1], notamment par l’armée turque[2], même s’il est toujours difficile de discerner et d’identifier, en temps de guerre, les véritables responsables d’actes qui pourraient remettre en cause un processus de paix ou provoquer l’entrée d’autres forces dans un conflit[3].

Mais il ne faut pas oublier qu’un cessez-le-feu est comme une cure de désintoxication, il faut en faire plusieurs pour en accepter l’issue avec conviction et sortir des logiques d’addictions que la prise, à hautes doses, de substances (alcool, drogues, médicaments…) impose. L’addiction étant ici renforcée par les enjeux stratégiques :

  • économiques avec notamment la rivalité entre les projets de gazoduc Iran/Syrie et du Qatar[4]
  • politiques dans la préservation de territoires d’influences.

Essayons donc d’analyser les positions des différentes parties et voir quels pourraient être leurs intérêts à trouver une véritable résolution dans ce conflit.

 

Du coté de Bachard al-Assad et de ses alliés Hezbollah, Iraniens et Russes il semble qu’il y ait une alliance plus « cohérente » – qui existe aussi malheureusement dans les moyens militaires utilisés contre les civils avec de graves violations des droits de l’Homme, des crimes de guerre[5] et des crimes contre l’humanité[6] – dans leur stratégie pour sortir de la guerre et obtenir un accord politique acceptable pour leurs intérêts en Syrie.

Il semble, car le régime de Bachar al-Assad continuerait d’être obsédé par la reconquête totale du territoire syrien, autant dire une guerre sans fin.

Pour les Russes et les Iraniens – chez lesquels il y a une volonté très forte de ne pas répéter les dramatiques interventions des pays occidentaux en Afghanistan, en Irak, en Libye, et à moindre degré au Mali – il faut stabiliser ces deux pays et particulièrement la Syrie. Il y a donc, pour ces deux pays, une vision stratégique de fin de conflit, même s’il ne se réalisera pas à n’importe quel prix. La Russie, en plus d’une base navale qui lui est utile, ne peut accepter la présence de combattants extrémistes (plutôt nihilistes violents) dont l’idéologie pourrait s’expatrier à l’intérieur de ses frontières. Elle est également très attentive aux risques de voir les pays occidentaux faire encore avancer leurs intérêts (OTAN) comme en Ukraine.

L’Iran, qui depuis la révolution de 1979 tient une politique extérieure indépendante, veut que ce conflit régional soit résolu régionalement[7]. Elle continue, malgré la crise économique qu’elle traverse, à soutenir le régime de Bachar al-Assad sans être, semble-t-il, obsédé par son maintien au pouvoir puisqu’elle l’avait invité à Téhéran avant même l’élection de Rohani[8]. La reconnaissance de l’Iran comme un acteur majeur de la région est maintenant actée et ce pays est aujourd’hui plus enclin à apaiser sa relation avec l’Arabie Saoudite[9] et à se concentrer sur la situation économique intérieure.

 

Dans le camp impliqué dans la lutte contre le régime de Bachard al-Assad, l’architecture des groupes armés et des Etats est bien plus complexe. Pour les pays occidentaux engagés, le discours renvoyé aux opinions publiques fut assez simple : il faut défendre les droits de l’Homme ! Avec un appui certain de la grande presse, les émotions ont été mobilisées à propos, notamment, des yézidis et des chrétiens d’Orient[10]. Cependant il est important de noter qu’à la vue du nombre de réfugiés accueillis à ce jour – en France, en Grande Bretagne et aux Etats Unis – ces postures ressemblent aux classiques narrations fictionnelles de ces mêmes gouvernements.

L’engagement sans discernement en terme d’exportations d’armes en direction des groupes aux idéologies absolutistes, et ce malgré les alertes des services de renseignements et des ONG[11], n’apparait pas toujours comme la volonté de trouver un accord pour une paix durable. Pire, si l’on en croit Alastair Crooke, ancien conseiller Moyen-Orient dans le domaine de la sécurité de l’Union Européenne[12], le cessez-le-feu ne sert qu’à réarmer les Takfiristes de Syrie et d’Irak, dont le Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaida[13]. Quant au traité sur le commerce des armes, qui vient d’enregistrer son 82 État Parties, il semble encore jouer le rôle d’un « joli tableau » dans les chancelleries des grands pays exportateurs[14].

 

Absence de stratégies ou au contraire stratégies ancrées dans de vieilles visions datant de la conférence de Berlin, de la fameuse partition Sikes / Picot[15] augmentée par celle du Heartland de Halford John Mackinder[16] et du Rimland de Nicholas Spykman[17] ?

Bien difficile de répondre avec assurance à cela, mais les signes donnés par la coalition occidentale renforcent ce doute[18]. Nous l’avons écrit ici de nombreuses fois, seul un accord sur un programme d’assèchement des combattants, en terme d’armes et de revenus, pourrait permettre une authentique négociation en y comprenant également tous les enjeux économiques et stratégiques des pays engagés.

Les prochaines semaines nous dirons quels ont été les choix du camp de la « démocratie » et les droits de l’Homme.

Benoît Muracciole

[1] http://lematin.ma/journal/2016/15-violations-du-cessez-le-feu-en-syrie/242644.html ,

[2] http://www.breitbart.com/national-security/2016/03/01/bombing-continues-despite-cease-fire-in-syria/ , http://www.hurriyetdailynews.com/turkey-denies-hitting-ypg-positions-in-northern-syria.aspx?pageID=238&nID=95801&NewsCatID=341

[3] Voir par exemple la question de l’utilisation du gaz sarin en août 2013 : https://www.documentcloud.org/documents/1006045-possible-implications-of-bad-intelligence.html . http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/syrie-la-responsabilite-du-regime-d-assad-dans-l-attaque-du-21-aout-ne-fait-aucun-doute_1283834.html , A ce propos également voir le documentaire avec l’ancien secrétaire d’Etat à la défense Robert S McNamara dans « Frog of War et particulièrement à partir de 1:04:50 : https://www.youtube.com/watch?v=-KSqnK_9WRA

[4] http://www.wsj.com/articles/SB10001424053111903591104576467631289250392

[5] Article 16 de la commission international des Nations Unies : https://armerdesarmer.wordpress.com/2014/07/30/de-la-responsabilite-des-etats-dans-le-soutien-aux-actes-illegaux-dautres-etats-suite/ et https://www.amnesty.org/en/latest/news/2015/12/syria-russias-shameful-failure-to-acknowledge-civilian-killings/ https://www.hrw.org/news/2016/02/08/russia/syria-daily-cluster-munition-attacks , https://www.hrw.org/news/2015/10/25/russia/syria-possibly-unlawful-russian-air-strikes ,

[6] http://orientxxi.info/magazine/les-calculs-de-la-russie-a-l-heure-du-cessez-le-feu-en-syrie,1221

[7] Ibid.

[8] Azadeh Khian à partir de la 27° minute : http://www.rfi.fr/emission/20160116-iran-arabie-saoudite-affrontement-crainte

[9] L’ Arabie Saoudite vient de suspendre l’aide de 4 milliards $ au Liban jugé « trop chiites », donc les armes pour l’armée libanaise que devaient livrer la France : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/02/19/97001-20160219FILWWW00193-riyad-interrompt-son-aide-militaire-au-liban.php

[10] http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/L-accueil-en-France-de-chretiens-et-yezidis-irakiens-n-est-pas-remis-en-cause-2015-09-22-1359605 , http://www.lexpress.fr/actualite/societe/le-sort-des-migrants-emeut-il-moins-que-celui-des-chretiens-d-orient_1712284.html , http://www.bbc.com/news/uk-34839477 , http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/islamic-state/11748943/UK-is-denying-refuge-to-Christians-fleeing-Isil-say-church-leaders.html , https://www.opendoorsusa.org/christian-persecution/stories/tag-blog-post/why-arent-more-christians-among-the-syrian-refugees-coming-to-the-united-states/ , http://www.foxnews.com/world/2015/08/12/yazidi-refugees-flee-isis-but-find-door-to-us-asylum-closed.html

[11] Voir : https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/01/06/sortir-des-logiques-de-violence-des-etats-au-moyen-orient/

[12] https://www.youtube.com/watch?v=clmy7hYOymY

[13] En France les décisions semblent influencées par de jeunes diplômés accros aux jeux de Nitendo, et ce nonobstant les alertes rouges envoyés par certains militaires.

[14] Rappelons encore ici l’article 6 qui interdit toute exportation qui viole les engagements internationaux des Etats et l’article 7 qui obligent ces mêmes Etats à considérer le risque prépondérant :

  1. i) Commettre une violation grave du droit international humanitaire ou à en faciliter la commission;
  2. ii) Commettre une violation grave du droit international des droits de l’homme ou à en faciliter la commission;

https://armerdesarmer.files.wordpress.com/2010/04/texte-final-tca-2-avril-13-1.pdf

[15] http://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/LAURENS/10102

[16] https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_Heartland

[17] https://en.wikipedia.org/wiki/Rimland

[18] http://www.middleeasteye.net/columns/war-islamic-state-new-cold-war-fiction-1608242142

 





Sortir des logiques de violence des Etats au Moyen Orient ?

6 01 2016

Sans titre 2

 

Le rapport d’Amnesty International « The arming of islamic state[1] » sortie au mois de décembre 2015 nous révèle peu de choses que nous ne sachions déjà. C’est d’ailleurs peut être une première depuis la création du département armes. Nous avions toujours eu jusqu’à présent de sa part, des informations de première main[2]. Qu’à cela ne tienne, le fait de voir inscrit dans un rapport de ce mouvement une partie des informations que nous avions trouvées dans les nombreuses sources ouvertes, donne un peu plus de poids au travail des chercheurs anonymes des pays en conflits.

Dans la grande Kermesse de la récupération d’armes suscitée par l’implosion de cette partie du Moyen Orient depuis les années 1990, il n’y a pas eu un instant de répit dans les transferts d’armes en direction de cette région.

Les Etats Unis avaient perdu la trace d’un million d’armes légères et de petits calibres (dont quelques centaines de milliers d’armes de points Glocks, d’AK 47, de fusil semi automatique M4 Benelli… jusqu’aux lance-grenades antichar portatifs RPG7 et leurs munitions). Tout cela entre 2003 et 2007[3]. Ces armes étaient sensées équiper les forces de sécurité et la nouvelle armée irakienne.

En Lybie c’est la même logique. Ce sont encore les grands pays producteurs qui sont épinglés. La Russie, les pays de l’Union européenne qui avaient autorisé pour plus de 834,5 millions € d’exportation d’armes pour le régime de Kadhafi[4], dont 438,5 millions € pour la France entre 2007 et 2011… En effet, avant son spectaculaire volte face, la France avait vendu pour 15,5 millions € en 2007[5] ; 12,3 millions € en 2008[6] ; 44,3 millions € en 2009[7] ; 88,4 millions € en 2010[8] et 87,3 millions € en 2011 au régime de Kadhafi.

En 2015, un rapport du Government Accountability Office du Defense Department and State Department étasunien programs, révèle que ce sont encore 500 millions $ d’armes qui se sont évaporées au Yémen depuis le début de leurs livraisons, en 2007[9]. Ils devaient cette fois équiper une armée yéménite qui ignore les droits de la personne et le droit international humanitaire[10]

Cela s’est aussi joué au Mali quand les observateurs se sont aperçus que les soldats qui avaient bénéficié des formations de l’armée étasunienne avaient pris part au putsch contre le Président Amadou Toumani Touré…

Enfin le point d’orgue que les opinions publiques éclairées découvrent chaque jour et l’immense arsenal dont les takfiristes d’Irak et de Syrie – groupe armé qui n’existait pas dans les faits avant 2003 – ont hérité :

 

  • Des ALPC dont les fusils d’assauts Kalachnikovs,
  • les M16 de l’armée étasunienne ou le G3 de Heckler & Koch GmbH qui équipe notamment l’armée allemande,
  • le FAL de FN Herstal de l’armée belge… aux missiles antichars, systèmes d’artillerie, transporteurs de troupes, chars russes T55, T56…,
  • missiles sol air (Chine, France, Etats Unies, Russie, Yougoslavie) qui sont le cauchemar des aviations civiles du monde entier,
  • avions de combats russes MIG21 et MIG23[11]

 

Les combattants Takfiristes d’Irak et de Syrie sont finalement bien ingrats, car sans les coalitions internationales initiées par les grands producteurs d’armes et leurs grands acheteurs, ils n’auraient que peu de chances d’obtenir tout ces matériels de guerre.

Alors c’est sûr depuis une année que le traité sur le commerce des armes est entré en vigueur les pays Parties et, pourquoi pas, signataires[12], vont faire un effort de rigueur dans l’évaluation du risque d’usage des armes transférées et vont sauver des vies afghanes, irakiennes, libyennes, maliennes, syriennes[13]… en suspendant les livraisons d’armes dans toute la région.

Le paragraphe 7 de l’article 7 du traité sur le commerce des armes le permet quand il inscrit :

« Si, après avoir accordé l’autorisation, un État Partie exportateur obtient de nouvelles informations pertinentes, il est encouragé à réexaminer son autorisation, après avoir consulté au besoin l’État importateur[14]. »

Va-t-on enfin ébranler la logique clausewitzienne des Etats qui ne pensent que par l’écrasement ou l’éradication de l’ennemi, en oubliant les alertes de Clausewitz sur les risques de la montée aux extrêmes de la violence[15] ?

Aujourd’hui l’on sait – par le directeur du Department Intelligence Affair Michael Flinn qui avait alerté ses supérieurs dès 2011 – que les armes livrées à l’Armée Syrienne Libre (ASL) atterrissaient dans les mains des Takfiristes syriens[16]. L’information était disponible au sein même d’un des services de renseignements étasunien, et de l’administration Obama, mais aussi des gouvernements des pays occidentaux en plus de la Russie et d’Israël.

Pour quelles raisons ont-ils refusé d’en tenir compte ?

En plus des alertes des ONG et autres centres de recherches la cécité des Etats engagés en Syrie et en Irak continue de plonger les populations civiles dans un quotidien fait de graves violations des droits de l’Homme, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Plutôt que de punir encore un peu plus ces millions de réfugiés[17] par une fermeture des frontières irresponsable, ne serait il pas temps de rentrer dans une nouvelle ère et répondre à la violence par autre chose que de la violence ?

Retravailler cette stratégie d’assèchement (au moins pour ce qui concerne les livraisons d’armes) dont je parlais précédemment[18]. Stratégie qui semble avoir également été abordée en partie par le directeur de la CIA John Brennan. Dans une rencontre en 2014 avec les services secrets sunnites du Moyen Orient, celui-ci a tenté de convaincre les Saoudiens d’affaiblir Al Nosrah et les Takfiristes de Syrie et d’Irak en tarissant les arrivées d’armes[19]

Les Etats pourraient utiliser les centaines de millions € économisés chaque mois pour construire une véritable politique d’accueil que le bon sens commun nous demande[20].

Réapprendre à voir l’autre comme une chance plutôt que comme une menace est sans doute aujourd’hui le moyen le plus sûr de permettre aux Syriens et Irakiens de choisir leur futur.

Peut être aussi une première étape importante dans la lutte contre les actes terroriste.

Benoît Muracciole

[1] http://www.armerdesarmer.fr

[2] La mondialisation est passée par là et la qualité de la recherche, le cœur historique de ce mouvement, semble avoir été sacrifiée devant l’hôtel d’une économie libérale sans limite.

[3] Voir : https://armerdesarmer.files.wordpress.com/2010/04/blood-at-the-cross-road-08.pdf et http://www.corpwatch.org/article.php?id=15184

[4] http://www.theguardian.com/news/datablog/2011/mar/01/eu-arms-exports-libya

[5] Annexe 7, rapport au Parlement des exportations de la France de 2007

[6] Annexe 7, rapport au Parlement des exportations de la France de 2008

[7] Annexe 6, rapport au Parlement des exportations de la France de 2009

[8] Annexe 6, rapport au Parlement des exportations de la France de 2010

[9] https://www.washingtonpost.com/world/national-security/pentagon-loses-sight-of-500-million-in-counterterrorism-aid-given-to-yemen/2015/03/17/f4ca25ce-cbf9-11e4-8a46-b1dc9be5a8ff_story.html

[10] https://www.amnesty.org/en/countries/middle-east-and-north-africa/yemen/report-yemen/

[11] http://www.militaryfactory.com/smallarms/weapons-of-isis.asp

[12] 130 pays signataires dont 79 pays Etats Partis : http://disarmament.un.org/treaties/t/att

[13] https://armerdesarmer.wordpress.com/2014/02/27/la-politique-des-etats-observee-en-lirak-semble-induire-celle-de-la-syrie-mais-pour-quels-benefices/

[14] https://armerdesarmer.files.wordpress.com/2010/04/texte-final-tca-2-avril-13-1.pdf

[15] René Girard « Achever Clausewitz » , Edition carnetsnord, 2007

[16] Military to Military Seymour M. Hersh on US intelligence sharing in the Syrian war : http://www.lrb.co.uk/v38/n01/seymour-m-hersh/military-to-military; traduction de l’article en français : http://www.les-crises.fr/echanges-entre-militaires-par-seymour-hersh/

[17] Ils sont près de 7 millions de réfugiés, plus de 4,3 millions déplacés et près de 14 millions qui nécessite une aide d’urgence, chiffres pour la Syrie : http://www.unocha.org/syria

[18] https://armerdesarmer.wordpress.com/2015/11/27/les-massacres-de-paris-signent-ils-la-fin-dune-histoire-de-domination-occidentale-aveugle-partie-ii/

[19] voir supra : Military to Military Seymour M. Hersh on US intelligence sharing in the Syrian war

[20] Cela bien sûr sans compter les livraisons d’armes effectuées et en prévision de livraisons : https://www.quora.com/How-much-will-the-intervention-in-Syria-cost, http://www.themoscowtimes.com/business/article/calculating-the-cost-of-russias-war-in-syria/540015.html