La Libye, une nouvelle leçon à retenir pour des décisions d’exportations responsables ?

25 03 2011

L'ONU encore endormie. Photo Benoît Muracciole

Après la résolution 1973 du Conseil de Sécurité le 17 mars 2011, les frappes aériennes ont donc été autorisées pour interdire le ciel de Libye aux forces fidèles à Mouammar Kadhafi et ce, afin notamment de protéger les populations. L’urgence de la protection des populations, qui est réelle, semble plutôt être un bel argument pour justifier l’absence de réaction de notre gouvernement aux graves violations des droits humains en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Depuis le début du printemps Arabe, qui a vu naître les mouvements populaires de Tunisie, d’Égypte, du Bahreïn, du Koweït, du Yémen de Syrie… ce même gouvernement n’avait pas jugé bon de parler d’une quelconque intervention pour protéger les populations.

Une fois de plus donc, des avions militaires français ont bombardé des positions tenues par un gouvernement étranger sans qu’il y ait eu un débat, ni même un vote, au sein de l’Assemblée Nationale. Dommage  car le débat démocratique est parfois l’occasion d’apprendre un peu plus de nos erreurs passées et permet de se préserver de toute diplomatie mondaine[1]. Mis à part le ridicule de cette diplomatie, celle ci  se paye largement en vies humaines, dans un  temps moins immédiat, lorsque les caméras sont reparties vers de nouvelles urgences[2]. Ce débat aurait pu être l’occasion de retrouver les questions qui avaient surgi par exemple en 1991 lors de la guerre d’Irak :

« Quels sont les pays qui ont transféré cet arsenal au gouvernement de Mouammar Kadhafi et quand ? »

Pour la France la réponse se trouve en partie dans les rapports au Parlement sur ses exportations d’armes. S’il n’y avait pas eu, du moins à notre connaissance, d’exportations d’armes en direction de la Libye entre 1994 et 2006, l’année 2007 annonce une reprise de celles ci. Le rapport de 2007 annonce des exportations de quelques 15,5 millions d’euros[3] qui se répartissent entre des équipements pour avions et du matériel de mesure / contre mesures militaires[4]. Ce qui signifie, par exemple, que les mirages français achetés dans les années 1970 par la Libye, et qui étaient hors d’état de nuire faute  d’entretien et de pièces de rechanges, ont pu être remis en état de marche et être ainsi utilisés contre la population.

Mais qui au sein de la CIEEMG[5] a pu prendre cette décision ?

Alors que les critères du code de conduite (CdC) de l’Union Européenne[6] alertaient chaque pays sur le risque d’usage des armes, une décision politique a été prise en complète contradiction.

Qui a accordé ces autorisations d’exportations[7] de matériels de guerre qui sont aujourd’hui utilisés contre les populations ?

Qu’en est il de la responsabilité du politique qui a pris cette décision ?

Les arguments d’urgence cachent mal l’absence de vision politique du gouvernement français sur le devenir des populations. Mais aussi une absence de stratégie internationale à moyen terme sur le futur de la Libye, qui se révèle par une décision de « bombardements ciblés » afin d’obtenir ou ne pas obtenir le départ de Kadhafi.

S’il y avait au moins une fois dans l’histoire l’exemple d’une intervention militaire extérieure qui ait apporté la liberté et le respect des droits humains aux populations d’un pays, cela se saurait. Mais cette même histoire montre que les États préfèrent trop souvent mettre de côté le respect des droits humains dans leurs décisions d’exporter les armes.

C’est en cela que le traité international sur le commerce des armes (TCA) est une occasion pour la France de retrouver une légitimité aux yeux des populations du monde. Car le futur TCA  ne s’inscrit pas dans une logique punitive mais dans une dynamique préventive. Il posera aussi la question de la responsabilité des États dans l’évaluation des risques d’usages de ces armes, dans la délivrance au cas par cas, des autorisations d’exportations.

Benoît Muracciole

Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER)


[1] Comme la déclaration de la reconnaissance du «gouvernement provisoire de la Libye libre» par un représentant du nouveau concept de «philosophe tacticien militaire ».

[2] De la Côte d’Ivoire à la République Démocratique du Congo, en passant par le Sri Lanka, Ghaza, la Somalie ou la Colombie ou les graves violations des droits de la personne, voire des crimes contre l’humanité, continuent dans l’indifférence des médias… et des mondains.

[3] Voir le rapport au parlement sur les exportations d’armes de la France de 2008

[4] Voir le rapport au parlement sur les exportations d’armes de la France de 2008 : ML9 : 32 250€   ML10 : 16 025 667€  ML11 : 594 000€  ML15 : 1 011 000 €  pour un total = 17 662 917 €

[5] Commission inter ministérielle d’étude des exportations de matériel de guerre qui dépend du Premier Ministre.

[6] Ils sont au nombre de 8 dont le premier qui concerne le respect des droits de l’homme dans le pays récipiendaire. Depuis décembre 2008 le CdC est devenu une Position Commune de l’Union Européenne, donc un instrument juridiquement contraignant.

[7] Les livraisons d’armes sont : de  15,7 M€ en 2007 /  de 12,3 M€ en 2008 /  de  44,3 M€ en 2009 dont  60 fusils, 50 pistolets mitrailleurs…





Le traité international sur le commerce des armes ! Les États se donnent rendez vous pour juillet 2011 avec un projet de texte à consolider !

4 03 2011

Événement sur la violence armée Amnesty International & RAIAL Photo Benoît Muracciole

Hier, Clare da Silva pour Amnesty International, avait fait une présentation sur ce que l’on pouvait considérer comme sérieuses violations des droits humains dans ce concept de violence armée. Vous pouvez retrouver cette intervention sur http://controlarms.org/.

Ce matin, les commentaires des États sur le texte présenté hier, se sont fait dans une ambiance tranquille de fin de Prepcom. Aujourd’hui en fin de matinée, les délégués se sont séparés avec des sentiments partagés quant à la force de ce texte et la pertinence de sa substance, mais ce qui est entendu en creux, c’est qu’il y aura un TCA et que ce sera pour 2012.

Photo Benoît Muracciole

Lors de la rencontre d’hier, entre l’Ambassadeur Éric Danon et les ONG, nous avons fait plus qu’entrevoir comment  États et ONG pouvaient partager une même conception du TCA, dans des domaines assez larges. C’est visiblement le cas pour le droit international humanitaire et les droits humains. La nouvelle donne diplomatique imposée par la globalisation, nous amène à considérer un intérêt commun en terme de sécurité et de stabilité. Si les états jouaient souvent la stabilité contre la sécurité des individus[1], elle s’inscrivait pour nous militants,  dans une logique des droits de l’homme. Plus qu’un concept,  une réalité quotidienne qui, lorsqu’elle se réalise, accorde la stabilité  dans le temps à un État.

Photo Benoît Muracciole

L’évènement sur les munitions, qui font toujours débats avec quelques États comme l’Égypte et les États Unis, a confirmé le sentiment que sans leur contrôle il n’y aura pas de protection des droits de la personne. Mais sans leurs munitions, comme disait Sergio Finardi directeur de TransArms, ces armes ne sont plus qu’un assemblage inoffensif de bois de fer ou d’autres matériaux solides. Car malgré la mauvaise foi de certains qui déclarent que leur contrôle n’aura pas d’incidence sur la sécurité des personnes, il y a aujourd’hui suffisamment d’armes dans le monde pour pouvoir éliminer tous les êtres humains.

Mais y a t-il suffisamment de munitions pour le faire ?

Le contrôle des munitions n’est pas un problème technique car la majorité des États sait le faire. Le contrôle des munitions dépend d’une décision politique, même si cela aura un coût financier, à nous donc de créer une pression suffisante pour que cette prise de décision se fasse pour le bien commun.

Là encore, la stabilité des États doit se faire par la sécurité des personnes et ce qui se passe en Cote d’Ivoire, en République Démocratique du Congo et dans les pays arabes, doit guider les gouvernements vers plus de responsabilité et  de pragmatisme.

Du coté des ONG, l’équilibre géographique, linguistique et politique reste une préoccupation.  Seuls Amnesty International, Caritas et le RAIAL s’attachent à ce principe. L’absence dans l’intervention des ONG d’intervenant d’ONG d’Afrique Sub-Saharienne, remarquée par les délégués africains, est un petit scandale. D’autant que l’Europe était représentée par deux ONG britanniques. Il y a décidément là, un grand écart de culture, principalement entre les ONG d’Europe / d’Amérique du Nord et nous, qui ne  trouve toujours  pas  de résolution.

Je crois que c’est tout pour aujourd’hui.  Nous sommes encore quelques ONG présentes pour le débriefing et dans cet ultime tour de table, où chacun pouvait résumer la semaine en un mot,  GOOD !

Benoît Muracciole

Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER)


[1] Roosevelt parlait du dictateur Trujillo en disant : « c’est un fils de P… mais c’est notre fils de P… »





Jeudi 3 mars 2011, à noter un progrès significatif sur le traité international sur le commerce des armes à l’ONU.

4 03 2011

Salle des négociations Nations unies photo Benoît Muracciole

Aller, ne gâchons pas notre plaisir !

Aujourd’hui, une énorme majorité des États ont montré que l’on peut observer des avancées concrètes dans des négociations sur le contrôle des transferts d’armes, même aux Nations unies.

42 heures avant la fin des Comités Préparatoires sur le TCA, le président a présenté un nouveau « papier [1] ». Celui ci rassemble les éléments présentés par les délégués depuis le 28 février,  et que les États veulent voir dans le futur TCA.

La bonne nouvelle est que les principales critiques, qu’avaient formulé les ONG et de nombreux États, sur les faiblesses du papier précédent[2], ont été entendues.

Les paramètres sont cette fois considérés dans la conception d’un risque substantiel d’usage avec les critères de graves violations des droits humains et du droit humanitaire séparé, ainsi que ceux que l’on retrouve dans les accords régionaux les plus avancés[3].

Les États ne doivent pas autoriser un transfert, s’il y a un risque substantiel que ces matériels seront utilisés pour commettre ou faciliter…

La liste des armes commence à prendre forme, même s’il manque encore les équipement de sécurité et de police, qui, comme on le sait, sont à l’origine de graves violations des droits humains. Celle des transferts et de l’intermédiation, avec le retour du financement dans le contrôle, à besoin d’être encore consolidée.

Nous avons là, ce pourquoi nous nous sommes battus toutes ces années; non pas que les États ont repris la rédaction du texte des ONG, mais plutôt qu’ils ont retrouvé, dans ces textes, leurs propres engagements juridiques  inscrit dans les différents foras internationaux.

Bien sûr, nous avons eu une nouvelle profession de foi vibrante du représentant égyptien pour dire que rien n’allait. Je le trouve un peu comme Charlot défilant devant des milliers de personnes, et qui ne remarque pas que cela fait depuis un bon kilomètre qu’ils ont pris la ruelle de gauche.  Je n’ose penser à la tête qu’il va faire quand il va se retourner…

Les autres États fignolent, dansent même pour certains, et vont prendre le temps de le travailler pour soumettre leurs remarques à l’ambassadeur Moritan. L’inde et le Pakistan renâclent mais reconnaissent en creux la légitimité du texte, ils réitèrent l’importance de la non-discrimination  dans l’application des critères.

Photo Benoît Muracciole

Argument repris avec conviction par Salah Abbdellaoui, directeur d’Amnesty International Maroc, qui à non seulement insisté sur le caractère universel et non discriminatoire des critères, mais aussi sur leur effectivité dans la prévention des graves violations des droits de la personne observées en Afrique du nord et au Moyen Orient.

Benoît Muracciole


[1] Ambassadeur Garcia Moritan avait présenté un premier « papier » le premier jour de la Prepcom qui reflète les vues des États consultés, entre juillet 2010 et février 2011, pour le futur traité, voir rapports.

[2] Voir le blog du 28 février

[3] Convention de la CEDAO, Position Commune de l’UE, Protocole de Nairobi à retrouver dans rapport sur le Blog





A l’ONU, l’Afrique monte en puissance sur le traité international sur le commerce des armes !

3 03 2011

Photo Benoît Muracciole

Mardi 1er  mars 2011 à New York, la journée a été consacrée aux paramètres du TCA, avec comme enjeu le renforcement du papier non officiel de l’Ambassadeur Garcia Moritan, qui en a bien besoin.

C’est exactement ce qu’ont dit, notamment, la France, le Mexique, la Nouvelle Zélande, le Royaume uni, mais aussi le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Libéria, le Mali, le Nigeria, le Sénégal… « Le papier présenté aux États sur le  futur TCA ne servira pas à grand chose si la rédaction n’est pas consolidée ».

Leurs déclarations sonnent comme une réponse concrète aux violences causées par un contrôle trop faible des transferts internationaux d’armes1. Ce traité, qui sera le premier traité majeur du XXI° siècle, va être une indication concrète du nouveau pouvoir des États Africains, car jusqu’à ce jour, le continent pouvait se sentir en marge voir même négligé à cause d’un différentiel persistant entre le discours de la communauté internationale et son engagement concret pour le contrôle des armes sur le terrain.

L’événement sur la liste des armes et la portée des, comme annoncé dans le blog précédent à été à la hauteur de nos attentes. Ainsi, plus de 100 personnes se sont déplacées à l’invitation d’Amnesty International, de Caritas Justice et Paix et du gouvernement français. C’était d’ailleurs une première pour Caritas Justice et Paix d’être parti dans un tel événement sur la question des armes ce qui constitue déjà une bonne nouvelle au regard de l’impact dévastateur qu’ont les armes sur les personnes mais aussi indirectement sur les projets que nous défendons en terme de soins, d’éducation, et de développement.

Un panel d’experts[1] :

 


Olivier Rossignol Photo Benoît Muracciole

L’intervention d’Olivier Rossignol a été axée principalement  sur la faiblesse de la liste des armes présentée dans le document de l’Ambassadeur Moritan. Le monde change à grande vitesse, et l’usage des matériels aussi. Il faudrait fixer la ligne entre leurs différents usages et la meilleure façon de le faire est de le qualifier pour un contrôle efficace. Par exemple les aéronefs, un avion, un hélicoptère, un drone à usage militaire et au maintien de l’ordre doit être contrôlé Il en est de même pour un véhicule blindé et tout autre matériel connexes. En fait une liste intéressante pour le TCA existe au niveau international. La résolution 1970 du Conseil de sécurité de samedi dernier sur la Libye, votée par laRussie,la Chine, L’inde, le Brésil, l’Afrique du Sud…

Colin Roberts Photo Benoît Muracciole

Celle de Colin Roberts à démontré clairement la nécessité d’avoir un « attrape tout » pour les matériels additionnels des armes à feu. Cela concerne le matériel de sécurité et de police, seulement celui qui peut présenter une «  létalité potentielle ». Mais avec les derniers graves évènements du Moyen Orient et d’Afrique du Nord, le monde sait qu’une grenade lacrymogène, si elle est mal utilisée, peut être mortelle.

Mujahid Alam Photo Benoît Muracciole

Mujahid Alam est intervenu sur le besoin de considérer tout le spectre des activités de transferts, du transit au transbordement mais spécialement sur l’activité d’intermédiation : le transport, l’assurance, la facilitation et bien sûr les finances qui se posent en France, notamment, avec une acuité toute quotidienne3.

Brian Wood Photo Benoît Muracciole

Enfin Brian Wood a repris le lien des obligations existantes des États sur le droit international – dont les droits humains- et le contrôle des transferts d’armes classiques et ce afin de montrer quelles sont les faiblesses que des individus ou des industriels pourraient utiliser.

La fin de la journée a été couronnée par une deuxième rencontre avec la délégation Russe. C’est, à nouveau, un précédent dans l’histoire du TCA et l’on peut voir à quel point l’absence de dialogue nous a fait perdre beaucoup de temps. Il y a une véritable volonté de la part des Russes de contrôler les transferts. Il faut maintenant reprendre les fondamentaux, ensemble avec eux, et voir quels sont nos points de convergences. Mais la nouvelle la plus importante est que les esprits bougent vers un TCA efficace pour la protection des droits des personnes.

Benoît Muracciole 


[1] Voir la présentation de chaque intervenant dans le blog précédent





Que doit être la liste des armes pour un TCA efficace ?

2 03 2011

Photo Benoît Muracciole

 

French Mission, Amnesty International and Caritas

Present

What should be

the SCOPE

of an effective

Arms Trade Treaty?

 

Villagers throw rocks at a police van during a clash in Munshiganj January 31, 2011. Bangladeshi police fired teargas and rubber bullets on Monday to disperse villagers who set fire to a police camp during protests. (c)REUTERS/Andrew Biraj

 

Tuesday 1 March – 1:15-2:30pm

Conference Room 6 North Lawn Building UNHQ

Chair:

Eric Danon, French Ambassador to the Conference on Disarmament, Geneva.

Speakers:

Brigadier-General Mujahid Alam: Retired, Pakistan Army; Head of Office, UN Mission to Democratic Republic of Congo (DRC), Pretoria; previously member of the UN International Commission of Inquiry for Rwanda, and senior civil affairs officer with the UN Interim Administration Mission in Kosovo.

Olivier Rossignol: Président de la délégation Caritas Paris. Officier Général en retraite, Ancien responsable du contrôle à la Délégation Générale de l’armement.

Dr. Colin Roberts: Universities Police Science Institute, Cardiff University; former UK police firearms officer.

Brian Wood, ManagerArms Control, Security Trade and Human Rights, Amnesty International and consultant to the UN on arms control.