
La répression policière des gouvernements tunisien et égyptien face à la mobilisation sociale et politique des populations, démontrent qu’il est important de renforcer le contrôle des transferts de matériels de sécurité et de police.
En Tunisie, le bilan de « la révolution du Jasmin » par le Ministre de l’intérieur le 17 janvier, est de 78 morts alors que celui de l’ONU en annonce plus de 219. En Egypte, l’estimation faite par Amnesty International est aujourd’hui de plus de 125 morts, avec des milliers d’emprisonnements et un nombre inconnu de blessés. Le pouvoir de Ben Ali avait donné l’autorisation aux forces de sécurité tunisiennes de tirer à balles réelles sur les civils. Les mêmes consignes avaient été données, par Moubarak, à la police dans les grandes villes d’Égypte.
Ces deux nations membres de l’ONU ont agi sans aucun respect de l’article premier de la Charte des Nations Unies qui engage les États à « développer et encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ». Pas de respect non plus des Principes de l’ONU sur l’usage de la force et des armes à feu, ni du Code de conduite des officiers de police qui engagent les États à respecter un usage proportionné de la force. Enfin ces deux gouvernements ont violé l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui précise que : « nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ». Et pourtant ces pays ont reçu, malgré un passé dramatique en matière de respect des droits humains, des équipements de police qui leur ont permis et leur permettent encore de réprimer ces mouvements populaires pour la liberté en Afrique du Nord.
Les témoignages sur les conditions de décès, de torture et/ou de mauvais traitement ne sont pas encore disponibles. Mais d’après les informations reçues, l’une d’elle concerne la mort, le 16 janvier dernier, du journaliste Lucas Mebrouk Dolega. Selon les témoignages recueillis, il a reçu une grenade lacrymogène à bout portant et en est mort. Al Jazzira invoque dans son édition du samedi 29 janvier, une jeune fille, elle aussi tuée par une grenade lacrymogène reçue au niveau de la tête. Dans les deux cas, il s’agit d’un mauvais usage de ces armes qui ne doivent en aucun cas être utilisées en tir tendu.
Amnesty International a également recueilli des éléments attestant que de nombreuses personnes arrêtées dans le cadre des émeutes avaient été victimes de torture ou de mauvais traitements en détention, frappées à coups de matraque et de poing. D’autres personnes avaient été contraintes de s’agenouiller face à un mur pendant des heures.
La question qui devrait guider les États pour autoriser l’exportation de tels matériels est : Y a t-il un risque substantiel que ces matériels puissent être utilisés pour de graves violations des droits de la personne ? Pour la Tunisie et l’Egypte, la réponse est assez simple, oui. En cela la France s’est ressaisie en suspendant tout les transferts en direction de ces deux pays. Par contre, l’immobilisation par les douanes, le 18 janvier 2011 à Roissy, d’un avion en direction de la Tunisie – qui contenait plusieurs tonnes de matériels de maintien de l’ordre, des grenades lacrymogènes, soufflantes ou éclairantes(1) – n’était dû qu’à un problème purement administratif.
Les ministères de l’intérieur et des affaires étrangères (2) avaient d’abord répondu sans discernement en autorisant jusqu’au 12 janvier, l’exportation de ces mêmes matériels.
Voilà pourquoi il est important d’inclure dans le futur TCA, les matériels utilisés dans le cadre classique du maintien de l’ordre (3) comme les matériels destinés à la neutralisation et à l’immobilisation ainsi que les armes nouvelles générations telles que :
Les armes à feu
Les gaz poivre
Les grenades offensives, lacrymogènes et autres grenades incapacitantes…
Les lanceurs de balles de défense (type flashball)
Les bâtons, les matraques classiques, matraques télescopiques, tonfats etc.
Les Pistolets à impulsions électriques type taser et armes à fléchettes à décharge électrique etc.
Les matraques, boucliers électriques etc.
Les fers à entraver, de chaînes multiples, les menottes etc.
Les armes d’étourdissement…
Les autres petites armes de nouvelles générations comme les technologies affectant la vue et l’orientation spatiale, les acoustiques, les lasers etc.
Leila Le Boucher Bouache
Benoît Muracciole
1Sofexi est un bureau d’achat d’équipements et de services habilité par l’Etat français à commercialiser du matériel soumis à autorisation d’exportation. Il appartient au groupe privé Marck, spécialisé dans l’équipement de sécurité. Sofexi, a confirmé à la presse que la Tunisie était l’un de ses clients depuis 2008.
2 Michèle Alliot Marie voulait aussi faire profiter le régime de Ben Ali «du savoir faire français» en matière de maintien de l’ordre…
3 Voir le règlement européen http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020428901&dateTexte=&categorieLien=id et rapport torture d’Amnesty International de 2007 https://armerdesarmer.files.wordpress.com/2010/10/rap_torture_fev_07pdf.pdf