Où en sont les ONG dans le processus du traité sur le commerce des armes ?

24 08 2011

Evénement AI, IANSA, ASER lors du Comité Préparatoire de juillet 2011. Photo Benoît Muracciole

Lors de l’Assemblée Générale de l’ONU (AGONU) de 2009, comme je l’écrivais alors[1], le message des ONG avait parfois été confus et mettait à nu de notables différences dans la compréhension du processus d’adoption du traité sur le commerce des armes (TCA), ainsi que du traité lui même.   La résolution 64/48[2] demandait clairement une nouvelle forme de travail  et de discours de la part des ONG et comme le dernier Comité de Préparation du mois de juillet l’a rappelé, nous ne sommes plus ni dans les déclarations de bonnes intentions, ni dans l’Agitprop. Trop souvent les  grandes ONG au sein de la coalition internationale « Contrôlez les armes » donnent le sentiment de travailler sur un modèle d’interdiction[3] plutôt que de régulation des armes classiques. Cette dernière démarche, infiniment plus complexe, demande pas mal d’humilité, un peu moins de sensationnel autrement dit, elle nécessite une petite révolution culturelle pour nos amies ONG anglo-saxonnes. Car si l’aspect communication est important, il ne peut se substituer à un travail sur la substance qui évite les confusions et les déclarations intempestives car comme disait Francis blanche « … si vous n’avez rien à dire, cela n’est pas la peine de le dire à tout le monde ! ». Les déclarations demandant des sanctions pénales des Etats[4] dans le futur TCA ou affirmant que les livraisons d’armes aux rebelles libyens[5] contrevenaient  au traité reflètent assez justement ces confusions. Il ne s’agit pas de se priver de critiquer les Etats dans leurs pratiques[6], mais de le faire lorsque c’est pertinent afin que cela serve les négociations pour un TCA efficace. Le risque de ces « pratiques légères » étant de voir les Etats sceptiques utiliser cet « à peu près » des ONG pour semer le doute auprès d’autres Etats hésitant sur le langage du futur TCA.

C’est en cela aussi que les relations se sont compliquées entre Amnesty International (AI) et un certain nombres d’ONG au sein du nouveau comité international de suivi du TCA. La décision de quitter ce comité a été prise par AI en 2011, notamment[7], parce que cette vision du futur traité des ONG impliquait des temps de négociations, interne au comité, trop lourds et finalement contre productifs. Pour le secrétariat international d’AI, qui avait commencé à penser ce traité dans les années 90, il s’agissait de mettre en place un traité de régulation des armes classiques afin prévenir les transferts d’armes qui sont utilisées ou qui facilitent les graves violations des droits de l’homme[8] et du droit international humanitaire, comme nous l’avons souvent écrit ici. Le concept a toujours été de promouvoir un traité préventif et non punitif avec un argumentaire alimenté régulièrement par des rapports[9] ad-hoc. Ceux-ci, basés sur un travail rigoureux d’observation des manques existants, au niveau du contrôle international des transferts d’armes classiques, proposent, par exemple, des instruments techniques de contrôle sur les transports ou les livraisons d’armes classiques. Sur le plan juridique également, AI continue de fournir des formes de langages qui, sans affaiblir le texte, puisse rassembler un maximum d’Etat, dont de grands pays exportateurs et importateurs, autour du futur TCA. Inutile de dire qu’ASER soutient cette démarche et  contribue, avec ses très modestes moyens, à avancer dans ce sens.

Les perspectives  pour 2012 :

L’équilibre, dans la  représentativité géographique et la compétence des ONG, reste un point central pour les futurs échéances du TCA, tant au niveau des campagnes que du plaidoyer. Ici nous avons de nombreuses fois regretté une surreprésentation des membres nord américains et nord européens  des ONG. Amnesty International[10] et le RAIAL ont fait de vrai efforts en ce sens et il s’agit maintenant pour la coalition « contrôlez les armes » de s’inscrire à l’intérieur de cet équilibre dans une transparence et une responsabilité digne.

Enfin, l’enjeu auquel nous tous devons faire face aujourd’hui est, contenu du temps restant avant les quatre semaines de la conférence de négociation de juillet 2012[11],  de réunir les Etats sur un texte qui permette une régulation responsable des transferts d’armes classiques. Nous savons que le cœur de notre combat se situera autour de la responsabilité des Etat dans l’évaluation du risque d’usage des armes classiques. Ne nous dispersons pas dans des combats qui n’apportent qu’une gloire éphémère et qui évitent d’adresser les véritables enjeux que pose ce futur TCA. Mettons nous encore et encore au travail  car comme le disait Lino Ventura dans les Tontons Flingueurs  « … n’empêche qu’à la retraite de Russie, c’est les mecs qu’étaient à la traîne qu’ont été repassés. »

Benoît Muracciole


[1] J’étais à l’époque responsable de la campagne pour Amnesty International France http://veilleedarmes.wordpress.com/2009/10/26/quelques-jours-avant-le-vote-de-la-resolution/

[2] 153 Etats votaient pour l’ouverture des négociations du futur TCA :  http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/464/72/PDF/N0946472.pdf?OpenElement

[3] Type du traité d’Ottawa ou d’Oslo http://www.sousmunitions.org/grandes-conferences/

[4] Il n’avait pas été question de mettre en place un instrument juridique contraignant pour poursuivre les Etats devant la Cour de justice internationale ou le Conseil de Sécurité de l’ONU afin d éviter à un blocage inévitable du processus, quand à la poursuite pénale des Etats ce nouveau concept est encore juridiquement pour le moins obscur.

[5] Nous avons ici été critique sur la livraison d’armes aux rebelles libyens mais sous un autre angle voir : https://armerdesarmer.wordpress.com/?s=libye

[7] Avec la notoriété de la campagne et les subventions qui viennent avec, le manque de transparence et les conflits d’intérêts au sein du bureau de ce comité a compliqué les choses.

[8] Dont les droits économiques sociaux et culturels

[10] La délégation d’AI était composée de 13 nationalités, plus 3 membres d’AI Grande Bretagne

[11] Dont les dates, du 2 au 27 juillet 2012 à New York, ont été arrêtées.





Les Etats Unis au sabordage du traité sur le commerce des armes ?

17 08 2011

Fin des Prepcom pour 2011. Photo Benoît Muracciole

Vendredi  15 juillet 2011 était le dernier jour du Comité Préparatoire et les commentaires des Etats, sur le texte[1] du Président Roberto Garcia Moritan avaient été, comme à l’habitude, largement positifs. Mais comme il faut toujours un peu de drame pour faire une bonne pièce, les Etats Unis avaient théâtralement ouvert le bal et montré quelques dents. Après des années de discussions et une année pleine de pré négociations, l’Ambassadeur des Etats Unis Don Maley, nous avisait qu’il découvrait soudainement un axe essentiel du futur traité, à savoir le risque d’usage des armes. Ce texte, annonçait-il, n’est pas fait pour s’occuper des risques d’usages des armes mais plutôt pour mettre en place, au niveau national, un organisme de contrôle de délivrance des licences. Et comme ils  ont d’excellentes écoles de théâtre aux Etats Unis, Don Maley nous avait fait part de sa grande tristesse de voir un tel texte être distribué aux délégations. Mais en bon comédien Monsieur l’Ambassadeur est sujet au trou de mémoire, vous savez ce moment un peu douloureux où le comédien s’arrête car les mots du texte, qu’il a pourtant lu et relu mille fois, ne lui reviennent plus.  Pourtant dans ce texte, il n’y a rien de nouveau dans la partie des critères et de l’évaluation des risques d’usage, qui n’était déjà dans celui distribué par le Président Moritan au mois de mars[2]. Qui plus est, la loi étasunienne, qui commande la délivrance des licences d’exportation des armes classiques et qu’ils considèrent eux même comme une des plus strictes au niveau international[3], parle de « présomption de refus » [4]. Même les Sénateurs, amis de la National Rifle Association (NRA), semblent reconnaitre la nécessité de ne pas exporter des armes au risque de les voir aux mains des personnes responsables de violations des droits de l’homme[5].

Wayne Lapierre Vice Président exécutif de la NRA. Photo Benoît Muracciole

Quant à la NRA, elle continue sciemment de faire la confusion entre les transferts internationaux et la régulation intérieure des armes à feu.  Leur combat est déplacé, mais leur « puissance de feu » est bien plus importante que les ONG étasuniennes qui apparaissent  bien atones. Il y a là une équation qu’il faudra bien résoudre avant la conférence de 2012.

Mais pourquoi donc l’ambassadeur Maley s’est il lancé dans cette déclaration au risque de désavouer la Secrétaire d’Etat Hilary Clinton qui avait annoncé en octobre 2009 le soutien des Etats Unis pour un traité sur le commerce des armes « strong and robust »[6] ? Et comme personne ne peut croire qu’il se serait entendu avec la Russie et la Chine pour bloquer le TCA voulu par Hilary Clinton pour en faire un instrument juridique « faible et souffreteux »…  je préfère décidément rester sur le mode théâtrale et accepter de reconnaître qu’un ambassadeur des Etats Unis peut, comme tout être humain avoir des trous de mémoire à moins qu’il ne rejoigne Francis Blanche pour qui « … une journée sans canular, c’est comme un  gruyère sans trou…. ».

Après cela la journée c’était déroulé tranquillement, les Russes se sentant rassurés par les Etats Unis, n’en rajoutaient pas, ils parlaient, par deux fois, d’une idée de TCA, qu’elle audace…

La clarté de leur intervention ainsi que celle des Etats Unis, vous avez noté qu‘il m’aura fallu plus d’un mois pour en saisir la quintessence, me permet toutefois de finir mes commentaires avec Pierre Dac : «  Ceux qui ne savent pas à quoi penser font ce qu’ils peuvent, toutefois et néanmoins, pour essayer de penser à autre chose que ce à quoi ils ne pensent pas ».

Benoît Muracciole

ASER Action Sécurité Ethique Républicaines