Pourquoi une Commission Nationale de Déontologie de Sécurité indépendante est encore plus nécessaire

22 12 2010

Le 10 décembre dernier au tribunal de Bobigny, des policiers ont été condamnés pour « dénonciation calomnieuse  et faux et usage de faux en écriture publique».  Ils avaient accusé le conducteur qu’ils poursuivaient d’avoir percuté leur propre voiture et l’avaient placé en garde-à-vue sous l’accusation de « tentative d’assassinat sur un fonctionnaire de police ». Les faits ont démontré que les policiers avaient été percutés par une autre voiture de police, innocentant de fait le conducteur accusé.

L’association ASER, regroupant des anciens policiers, chercheurs, militants des droits de l’homme, est stupéfaite de voir que le Ministre de l’Intérieur et un Préfet, fait rarissime dans l’histoire de la cinquième République, soutiennent ces fonctionnaires délinquants, mettant en cause une décision de justice en complète contradiction avec les textes internationaux auxquels la France est partie et en oubliant que la séparation des pouvoirs existe. Ces fonctionnaires sont jugés pour des faits qui auraient pu faire condamner un citoyen lambda à 15 ans de réclusion criminelle.

Cette affaire pose de manière éclatante la question du professionnalisme policier et nous amène à nous demander ce qui définit un bon policier ? Faire du chiffre, laisser de côté l’investigation et la prévention qui ne permettent pas de présenter de « bons chiffres » comme le dénonce des syndicats de policiers comme SGP FO. Et cela fut-ce en tordant le bras au droit, à la déontologie et à l’honneur ?

La mission de sécurité publique et de maintien de l’ordre exige un comportement exemplaire et une grande rigueur qui sont rappelons le, inscrits dans le code de déontologie de la police. Un bon policier ne doit-il pas garantir les libertés, défendre les institutions de la République, maintenir la paix et l’ordre public, protéger les personnes et les biens (article 1). Ne doit-il pas être loyal envers les institutions républicaines, intègre et impartial, se comporter envers les citoyens d’une manière exemplaire (article 7). Que faisaient donc ces individus dans la police ? Comment les services qui les ont recrutés, leur hiérarchie, leurs collègues ont-ils pu ne pas se rendre compte qu’il y avait une erreur manifeste de recrutement, que leur formation et leur suivi n’ont pas produit les effets attendus.

 

La majorité des policiers ne se reconnaissent pas dans leurs collègues délinquants. Un bon professionnel, c’est certes celui qui maîtrise les techniques, mais c’est aussi celui qui les met en œuvre dans un cadre déterminé par la loi au service et pour la sécurité des citoyens. C’est celui qui a l’intelligence des situations, avec qui vous ne vous retrouverez pas dans des situations critiques et qui rentre chez lui le soir en pouvant dire à ses enfants ce qu’il a fait dans la journée. C’est aussi celui dont les victimes comme les auteurs d’infraction pourront dire qu’ils ont été correctement traités.

Les personnes condamnées à Bobigny s’étaient trompées de métier. Le Ministre de l’Intérieur et le Préfet de Seine-Saint-Denis se trompent de défense. Le Premier Ministre l’a justement rappelé. Soutenir la profession, c’est condamner ce type de comportement. C’est pour cela que la reconduction de la Commission Nationale de le Sécurité et de la Déontologie au sein d’un Défenseur des droits indépendant est entre autres essentielle pour reconstruire une véritable relation de confiance entre la police et les citoyens.

Leila Bouache Leboucher, Georges Guillermou, Benoît Muracciole, Bernard Renault, Christophe Saintmartin

ASER : Action Sécurité Éthique Républicaine réunit des chercheurs et des policiers de tous grades qui travaillent au renforcement de la déontologie et de la formation des policiers pour un rapprochement de la police et des citoyens.





Et si, à l’avenir, Wikilileaks pouvait aider à prévenir des transferts d’armes irresponsables ?

13 12 2010

Chronologie génocide du Rwanda source Ministère des Affaires Étrangères MIP 1998

La question qui se pose aujourd’hui, après la mise en ligne d’environ 250 000 télégrammes diplomatiques par Wikilileaks, est : A quoi cela sert-il ?

Un des premiers arguments « contre » l’action de Wikilileaks avancés par certains, souvent engagés ou qui ont été engagés dans la diplomatie, est celui du fantasme qu’aurait une partie de la population qui voudrait une transparence absolue ou que « la transparence serait un bien en soi sans limites ni règles ». Et que la transparence défendue par Wikileaks est une «  transparence absolue qui est un principe totalitaire ».

Si l’on peut convenir aisément de l’argument selon lequel la transparence absolue est  un principe totalitaire, celui ci apparaît un peu spécieux à propos de Wikilileaks parce qu’il  est général et… « absolu ». En effet, à aucun moment Wikilileaks ne dit que les documents produits étaient l’absolue transparence de ce qui s’écrivait et se pensait de la part de la diplomatie des États Unis en direction du reste du monde. L’accusation de « totalitarisme masqué » est par ailleurs démasqué par ces mêmes accusateurs qui annoncent qu’il n’y a pas d’information qu’ils ne connaissent déjà.

Le deuxième argument lui défend le respect de la propriété, « on ne publie pas ce qui est le résultat d’un vol !». Principe qui demanderait à être précisé quant au concept de propriété, mais qui se tient sur le plan du droit et de la morale. Cet argument tient d’autant mieux que la population mondiale sait d’ailleurs que tous les gouvernements appliquent ce principe et refusent systématiquement d’utiliser des informations qui sont le résultat  d’un vol !

Mais au-delà de cette petite lutte rhétorique et sémantique, il faut revenir à la première question posée : En quoi ces informations, livrées en vrac, peuvent-elles changer le cours des choses en matière de transferts d’armes  et de droit de l’homme ?

Par exemple, les fuites dans la presse de télégrammes diplomatiques de l’ambassadeur français en poste à Kigali, dès 1990, auraient elles pu prévenir les dramatiques erreurs commises par les personnes engagées au plus haut niveau de l’État français, dont Hubert Védrine[1], qui ont autorisé la livraison d’armes au régime de Juvenal Habyarimana de 1990 à  1993 ?[2]

Car les télégrammes diplomatiques de l’ambassadeur de France en poste à Kigali[3], avaient rapporté les massacres de Tutsi à Kibilira, en 1990, puis de Bugesera en mars 1992, notamment à l’instigation des milices progouvernementales Interahamwes. Ils avaient donné suffisamment d’éléments afin d’évaluer les risques substantiels de mauvais usage des armes, pour refuser ces exportations[4], ce que l’Élysée n’avait pas su voir.

Voilà pourquoi une partie de la société civile, mobilisée sur cette question des transferts d’armes, demande plus de transparence, et cela c’est ce que Wikileaks permet. Avoir les moyens de pouvoir réagir, alerter les autorités quand il y a un risque substantiel que les armes puissent être utilisées à de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire.

Pour répondre à la vision Léniniste, qui considère que l’élite est seule compétente à l’exercice du pouvoir, l’histoire proche, nous montre que la diplomatie est suffisamment sérieuse pour ne pas être confiée aux seuls diplomates.[5]

Benoît Muracciole


[1] Porte parole de l’Élysée entre mai 1998 et septembre 1991, puis secrétaire général de la Présidence de la République jusqu’en 1995.

[2] Rapport CDRPC Agir ici, Amnesty International France : Armes légères, de la production à l’exportation,le poids de la France 1999.

[3] Georges Martres de 1989 à 1993 puis Jean-Michel Marlaud de mai 1993 à avril 1994.

[4] voir notamment les auditions de Georges Martres et Jean-Michel Marlaud par la Mission d’enquête Parlementaire en 1998

[5] « La guerre est une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires » Georges Clemenceau





Premier mort en France après utilisation du Taser : l’association ASER va saisir la Commission Nationale de Déontologie et de la Sécurité.

1 12 2010

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Premier mort en France après utilisation du Taser : l’association ASER va saisir la Commission Nationale de Déontologie et de la Sécurité.

Après la mort d’une personne de 38 ans dans la nuit du 29 au 30 novembre à Colombes Hauts de Seine, suite à l’utilisation du Taser par des fonctionnaires de la police nationale, l’association Action Sécurité Éthique Républicaines rappelle au  gouvernement français l’impérieuse nécessité de limiter l’utilisation du Taser et autres pistolets à impulsions électriques (PIE) à la stricte légitime défense.

Aujourd’hui le bilan fait état de plus de 400 personnes mortes aux États Unis et au Canada, après utilisation du Taser.  C’est donc la première fois en France qu’une personne décède des suites d’une décharge du Taser.

Les informations manquent aujourd’hui sur les conditions précises dans lesquelles les policiers ont utilisé le Taser, mais il semblerait son utilisation  après celle de gaz lacrymogène accentue le risque létal.

Le rapport  Braidwood* au Canada a largement souligné les risques d’usage du Taser et mis en avant le fait que les PIE étaient susceptibles de provoquer des troubles du  rythme cardiaque pouvant conduire à  un arrêt cardiaque chez des personnes manifestement en bonne santé.

L’association ASER estime que les conclusions du rapport Braidwood devraient être communiquées à tous les policiers en formation ainsi qu’à tous ceux utilisant un Taser afin de limiter les risques décrits dans le rapport.

L’association ASER à l’intention de saisir très rapidement  la Commission Nationale de Déontologie et de la Sécurité afin que celle-ci détermine si les conditions dans lesquelles le Taser a été utilisé sont conformes aux règles de  la déontologie applicable en matière d’armes.

ASER : Action Sécurité Éthique Républicaine réunit des chercheurs et des policiers de tous grades qui travaillent au renforcement de la déontologie et de la formation des policiers pour un rapprochement de la police et des citoyens.

FIN

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez prendre contact avec le Service de presse d’ASER : Benoît Muracciole : +33 6 84 10 62 18 ou Georges Guillermou : +33 6 74 82 89 72.

*Disponible auprès de l’association ASER +33 6 84 10 62 18