Jusqu’où les Russes vont ils aller dans leur soutien aux graves violations des droits de l’Homme en Syrie ?

19 06 2012

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Il y a trois jours le navire Russe MV ALead a été arrêté dans la mer du nord de l’Ecosse par le gouvernement britannique. Ce bateau, parti du port Russe de Kaliningrad dans la mer Baltique,  transportait des hélicoptères MI 25 et des munitions pour le gouvernement Syrien. Cet hélicoptère d’attaque Russe est appelé le « Char volant » pour sa puissance de feu qui s’apparente à celle des chars terrestres. L’embargo de l’Union Européenne sur les livraisons d’armes en Syrie oblige les Etats membres à arrêter les navires transportant des armes pour cette destination et passant dans leurs eaux territoriales. La décision de l’assureur de résilier sur le champ le contrat qui le liait avec le propriétaire du bateau Russe est aussi un signe fort. Il montre clairement que les sociétés ou individus qui facilitent la livraison d’armes dans une situation illicite – que ce soit en terme de financement, d’assurance, de transport ou de tout autres services logistiques –  doivent être contrôlés. Les futures négociations du traité sur le commerce des armes qui s’ouvrent dans 14 jours à l’ONU devront intégrer cet état de fait pour montrer au monde sa volonté de prévenir les graves violations du droit international humanitaire et du droit international  lié aux droits de l’Homme.

La connaissance de la situation des droits de l’Homme en Syrie :

Le 18 juin 2012, Navy Pillay la haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme déclarait encore : «Le gouvernement de Syrie devrait cesser immédiatement l’utilisation d’armes lourdes et le bombardement de zones habitées, car de telles actions équivalent à des crimes contre l’humanité et autre possibles crimes de guerre[1]».

Pourtant les Russes continuent de tenir une position de « guerre froide » et de transférer des armes au régime syrien. Il semble que la diplomatie Russe n’ait pas vue l’immense changement dans les relations internationales et n’ait pas intégré la disparition des blocs.  Aujourd’hui la Russie est seule face à ces choix qui risquent durablement d’affaiblir sa positon dans le concert international des Etats. Les opinions publiques mondiales ne seront pas prêtes d’oublier comment elle a soutenu militairement le régime de Bachard el Assad. Cette réalité syrienne actuelle où le risque substantiel que ces armes soient utilisées dans de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire est évident. Cela l’est non seulement aux yeux d’une immense majorité de la population mondiale, mais aussi pour une partie même de la société Russe.

Il n’y a pas d’intérêt de la Russie et de sa formidable histoire de se retrouver impliqué dans cette sale affaire. Il s’agit même d’un acte illégal, car l’article 16 de la commission international des lois de l’ONU de 2001 qualifie clairement la responsabilité de l’Etat à : « assister un autre Etat dans la réalisation d’un acte illégal[2] ».

La justice internationale démontre aujourd’hui, dans sa pratique, que la participation des individus à des crimes de guerre ou crime contre l’humanité seront un jour ou l’autre, jugés. Combien de morts de femmes, d’hommes et d’enfants seront ils nécessaires pour que le gouvernement Russe prennent conscience de  l’inanité de sa position ?

Les Etats de la communauté internationale doivent trouver un moyen pour permettre à ses derniers de retrouver les valeurs de ce pays qui garde dans le cœur de son peuple la fierté de ses écrivains. Léon Tolstoï, l’un d’entre eux, avait pourtant ouvert « l’âme russe » vers une espérance infinie de voir l’Homme s’engager vers le respect et la reconnaissance de l’autre.

Benoît Muracciole

Dernière information : William Hague, le ministre des affaires étrangères britannique a déclaré hier que le bateau russe était rentré en Russie


[2] Article 16

Aide ou assistance dans la commission du fait internationalement illicite

L’État qui aide ou assiste un autre État dans la commission du fait internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable pour avoir agi de la sorte dans le cas où:

a) Ledit État agit ainsi en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite; et

b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État.





République Démocratique du Congo : Le scandale de la guerre oubliée

12 06 2012

AK 47 de fabrication chinoise saisie par les casques bleu à Mahagi en Iturie. Photo Benoît Muracciole

Comme nous l’avons souvent écrit ici, depuis la guerre de août 1998, International Rescue Committee (IRC) évalue le nombre de morts à plus de 5,4 millions de femmes, d’enfants et d’hommes[1]. Lors de mes deux missions sur place avec Amnesty International, nous avons pu observer comment les armes continuaient d’arriver dans la région des grands lacs et ce, malgré les rapports du Secrétariat de Londres ainsi que ceux des groupes d’experts de l’ONU. Dans les rapports que nous avions produit – notamment « Nos frères qui les aident à nous tuer[2] » le  « le Flux des armes à destination de l’est[3] » et « Dead on time[4] » – nous avions dénoncé sans cesse ces transferts d’armes irresponsables. Lors de l’allègement de l’embargo en 2008, nous avions prévenu les autorités, notamment françaises, du risque que cette action pouvait faire peser sur le respect des droits de l’Homme sans succès. Nous avions pourtant déjà recueilli de nombreux témoignages relatant la revente des armes aux nombreuses milices par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Nous avions observé à quel point les responsables de ces graves violations des droits de l’Homme pouvaient librement circuler en toute impunité[5]. Comment les enquêtes sur les meurtres de défenseurs des droits de l’Homme pouvaient être scandaleusement bloquées.

Cela fait maintenant plus de 10 années que nous avions rencontré Pascal Kabungulu à Bukavu, engagé auprès des Héritiers de la justice, il nous racontait comment il avait, une première fois, échappé à ces assassins et qu’il ne comptait pas se laisser intimider. Je me souviens de la description qu’il faisait de la tactique utilisée par les groupes armés déjà à l’époque pour se débarrasser plus rapidement de villages entiers[6]. Je me souviens de ces balles de Kalachnikov de 5,56 mm[7] qu’il m’avait discrètement apporté et qui avait servi au viol puis au meurtre d’une jeune étudiante. C’était en octobre 2001 à Bukavu dans l’est de la République du Congo au Sud Kivu, le 31 juillet 2005 Pascal Kabungulu était assassiné.

Depuis rien n’a changé ou presque, l’enquête n’a toujours pas avancé et les armes continuent d’arriver. Pas seulement des armes de trafic, des armes  détournées par des individus intermédiaires dénués de tout éthique, non elles sont venues aussi de pays dont certains gouvernements condamnent fermement les violations des droits de l’Homme. Car s’il n’est pas surprenant de voir des armes venant de Chine, d’Egypte[8] ou du Zimbabwe[9], il est un peu plus de découvrir que les Etats Unis aussi ont exporté des millions de munitions pour Kalachnikov et ce jusqu’en 2010.  Les Etats Unis ont aussi formé des militaires, en passant par la société Dyncorp[10], sans que l’on connaisse la dimension respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.  Mais il est aussi désolant de voir un pays comme la France citée, même si les armes transférées ne sont pas à « intentionnalités létales ». En l’occurrence il s’agit de matériel pour le maintien de l’ordre de type Cougar ou flashball[11], mais on a vu tout le long des révolutions arabes comment ces armes, mal utilisées, peuvent devenir mortelles. Et il s’agit bien là d’une évaluation des risques d’usages de ces armes qui ne correspond pas à la réalité du pays et qui aurait du alerter les autorités françaises comme cela avait été le cas lors de la suspension de ce type d’armes en janvier 2011, pour le Moyen Orient.

Un Antonov 26 sur le tarmac de l’aéroport de Kinshasa. Photo Benoît Muracciole

Car ce pays encore une fois regorge d’armes, déjà en 2005, le rapport d’Amnesty International mettait en avant les centaines de tonnes d’armes déversées par avions, principalement des Antonov, dans la région, plus que tous les militaires des FARC ne pourraient porter. Ce sont ces armes là qui font la loi et je me souviens de ce chef de communauté d’un village de l’Iturie qui nous disait à propos de cette état de fait : « Depuis que les armes sont arrivées, les jeunes se sentent tout puissant et on ne peut plus rien faire… »

Voilà précisément ce que doit empêcher le futur traité sur le commerce des armes. Au vu de l’importance des violations des droits de l’Homme, de leur prégnance dans le temps et de l’impunité qui entoure les auteurs, les Etats doivent refuser l’autorisation de transfert d’armes jusqu’au moment ou ils acquièrent l’engagement formel  de la part de l’Etat récipiendaire, qu’elles ne seront pas utilisées à des graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’Homme. Il ne s’agit pas d’interdire et le traité ne s’inscrit pas dans une dynamique punitive mais dans une dynamique de prévention qui enjoint les Etats dans leurs engagements auprès du droit international existant.

Benoît Muracciole

Pour ceux qui veulent nous soutenir financièrement, ASER est une association de loi 1901 qui peut recevoir des dons déductibles des impôts. Nous sommes entièrement financés par des contributions volontaires de particuliers.

Vous pouvez adresser vos dons à l’ordre de : ASER

Adresse :  Georges Guillermou

44 route de Crétal

74500 Lugrain


[1] Sans compter donc la guerre de 1996-1997 :  http://www.rescue.org/special-reports/congo-forgotten-crisis et encore une fois je ne connais pas d’étude sérieuses réalisées par ceux qui contestent ce chiffre.

[5] D’abord Thomas Lubanga qui a été depuis transféré à la cour pénale internationale (CPI), puis sous les ordres de ce dernier, Bosco Ntaganda a engagé ces troupes dans des crimes contre l’humanité en Iturie. La CPI a émis un  mandat d’arrêt en 2006 puis le 14 mai 2012. Voir :http://www.icc-cpi.int/NR/exeres/AF78E110-8F94-4577-8955-E17EF9244E8D.htm . On espère que la CPI ne s’arrêtera pas là car en  2004 un des inspecteurs rencontrés nous avait expliqué que le Procureur de l’époque ne souhaitait pas poursuivre les « gros poissons ».

[6] Voir le blog précédent.

[7] Que le centre de recherche Omega avait tracé, les balles étaient de fabrication russes.

[8] Deux pays ou la volonté de contrôle des Etats s’affichent rigoureuse mais où les pratiques le sont beaucoup moins.

[9] Deux Seul pays avec les Etats Unis de Bush junior à avoir voté contre une résolution de l’ONU à propos du traité sur le commerce des armes.





ASER pour un traité sur le commerce des armes qui protège les droits de l’Homme et respecte le droit international humanitaire.

5 06 2012

Quarier Tshopo Kisangani 2001. Photo Benoît Muracciole

ASER tient à informer les nombreux lecteurs du blog Armer Désarmer que nous venons de recevoir notre accréditation officielle pour participer aux négociations du traité sur le commerce des armes ce mois de juillet à l’ONU. Nous serons donc présent cette fois en notre nom. Nous étions jusqu’à maintenant chaleureusement accueillis par le réseau d’action international sur les armes légères (RAIAL ou IANSA en anglais) dont nous sommes membre. C’est un pas supplémentaire dans la reconnaissance de notre expertise sur la question des transferts et des droits de l’Homme et nous nous en réjouissons.

Dans un moment où les conséquences de l’absence de normes internationales fortes sur les transferts d’armes classiques se font dramatiquement sentir, nous continuerons de convaincre les Etats réunis le mois prochain d’établir un traité efficace et rigoureux. Il est urgent pour les Etats de  s’accorder pour un instrument juridiquement contraignant sur les transferts d’armes classiques.

Quel est impact des transferts irresponsables sur les droits de l’Homme ?

Comme nous l’avons déjà souligné ici[1], il est difficile de donner les chiffres précis du nombre de morts et de blessés du à l’usage illégal des armes classiques. Certaines ONG annoncent le chiffre de 500 000 morts par an, d’autres plus de 700 000, mais les chiffres semblent grandement sous estimer la réalité. Prennent ils en comptent seulement les morts directes?  et qu’en est il  alors des morts indirectes?

Dans le conflit en République Démocratique du Congo, qui a fait plus de 5 millions de morts depuis 1996 selon International Rescue Committee[2], la grande majorité sont des « morts indirectes ». Dans les missions que j’ai effectuées pour Amnesty International, nous avions recueilli de nombreux témoignages relatant ces situations. Un groupe de miliciens débarque dans un village, il vole matériel, viole femmes et enfants, torture et massacre tout ceux qui ne peuvent s’enfuir. Dans le même temps les miliciens  annoncent leur venue prochaine dans les villages alentours. Par peur les habitants fuient et meurent parfois de faim parce qu’éloignés de tout. Parfois encore ils meurent de maladies, fautes d’accès aux soins de base, les centres de soins étant détruits par des groupes armés.

Mais l’impact de ces transferts irresponsables doit aussi considérer globalement ces millions de personnes qui vivent quotidiennement sous la menace des armes. Que ce soit dans les pays en conflits comme l’Afghanistan, la Birmanie, la Colombie, la Lybie, en passant par le Pakistan, la Somalie, le Soudan et la Syrie ou dans des pays sans conflit mais où la violence illégale des armes est terrifiante comme en Afrique du Sud, au Guatemala[3], au Mexique[4], ou au Venezuela ?

Une des conséquences de cette menace est bien sûr la fuite. Elle se fait  toujours sous une forme désespérée, que ce soit pour les émigrants ou les réfugiés. Dans son rapport « Killer Facts[5] » Amnesty International évalue à 26 millions le nombre de réfugiés dans le monde pour une cause de  violence illégale des armes classiques.

Voilà pourquoi ASER sera présent à New York du 2 au 27 juillet 2012 et nous comptons sur votre soutien pour nous y aider.

Benoît Muracciole

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