Quels droits pour les citoyens ? Le projet de loi du Défenseur des Droits

20 05 2010


La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité vient de remettre son rapport annuel au Président de la République. Ce sera le dernier car le Président de la République, Nicolas Sarkozy a décidé de dissoudre la C.N.D.S. dans le Défenseur des droits gravé dans le marbre constitutionnel.

Le futur Défenseur des droits sera tout à la fois Médiateur de la République, Défenseur des enfants, garant de la déontologie de la sécurité et peut être aussi de la lutte contre les discriminations. Il sera nommé par le Président de la République et les collèges qui l’assisteront seront eux aussi nommés par les plus hautes autorités politiques. Pas de problèmes, les acteurs décisionnaires seront aux ordres.

Même si depuis plus de 10 ans, l’impact des rapports de la C.N.D.S. fut relatif auprès des Ministres de l’intérieur (la C.N.D.S n’ayant qu’un pouvoir de recommandations et non de sanction), les faits examinés et mis au grand jour permettaient d’ouvrir le débat sur la sécurité,  la déontologie et les droits humains.

Demain il n’y aura plus personne pour noter l’absence totale d’humanité de ceux qui ont par exemple imposé qu’une jeune femme soit menottée durant son accouchement. Le Défenseur des droits, nommé par le Président de la République, pourra refuser d’enquêter sans avoir à motiver sa décision. Le pouvoir de contrainte ne se discute pas.

Qui dénoncera la pratique perverse d’obliger une personne ayant contrevenu au code de la route, de se dénuder totalement trois fois de suite ? Le pouvoir de contrainte ne se discute pas.

Les organisations syndicales de policiers devraient être les premières à dénoncer ces pratiques. Malheureusement, au mieux, elles se taisent. Au pire, elles cautionnent les abus de pouvoir condamnés par la C.N.D.S. Le discours est connu : « on fait un métier difficile, les gens ne nous aiment pas, ce qu’on fait est légal… ». Il semble que dans certains services, les pratiques qui flirtent avec l’abus de pouvoir sont devenues la norme.

Le rapport remis cette année par le président de la C.N.D.S. ira vraisemblablement rejoindre les précédents rapports dans le fond d’une armoire. On peut même être assuré que les grands responsables des services opérationnels ne les liront pas. Ils sont dans l’action et bien loin de ces élucubrations de citoyens défenseurs des droits.

Et pourtant, la garde-à-vue fait toujours l’objet de critiques, comme la fouille systématique à nu, comme l’usage injustifié des menottes, l’usage disproportionné du taser et du flash-ball, comme le refus de prendre une plainte. Il faut que cette situation change pour le bien de tous, une société qui doute de sa police est une société en danger.

Pour cela il faut que la France s’inscrive dans le respect du code européen d’éthique de la police[1] et des principes de l’ONU sur l’usage de la force et des armes à feu[2].

Il faut renforcer la C.N.D.S., sous l’autorité d’un défenseur des droits désigné de façon indépendante, pour permettre aux citoyens français de retrouver la confiance dans une police qui en a bien besoin.

Georges Guillermou, Leila Le Boucher Bouache, Benoit Muracciole


[1] http://www.google.fr/search hl=fr&q=Le+code+europ%C3%A9en+d’%C3%A9thique+de+la+police&aq=f&aqi=&aql=&oq=&gs_rfai=

[2] http://www.amnesty.org/fr/library/info/ACT30/001/2004





Passez à l’action!

10 05 2010

Troisième jour de la semaine d’action internationale pour obtenir un traité sur le commerce des armes, vous pouvez aller signer le « PEOPLE TREATY » à l’adresse : http://www.amnesty.org/fr/appeals-for-action/peoples-arms-trade-treaty-must-be-bullet-proof

MAIS SURTOUT N’OUBLIEZ PAS D’ÉCRIRE A VOTRE DÉPUTÉ

Dans le droit fil de nos derniers articles nous vous proposons une lettre à envoyer auprès de votre parlementaire :

Madame la députée / Monsieur le député,


Je vous écris afin d’attirer votre attention sur deux points qui sont au cœur de mes préoccupations de citoyen et qui concernent la question des exportations d’armements.

1.             le traité sur le contrôle du commerce des armes :

La France s’est engagée, depuis de nombreuses années, en faveur du renforcement des mécanismes de contrôle des transferts d’armements. L’adoption de la Position Commune sur les exportations d’armement de l’Union Européenne, sous présidence française fin 2008, en est un exemple important.

En décembre dernier, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté une résolution ouvrant les négociations pour organiser une conférence sur le Traité sur le Contrôle des Armes (TCA) en 2012 en vue d’élaborer un instrument juridiquement contraignant énonçant les normes internationales communes les plus strictes pour le transfert des armes classiques. Ces normes internationales, pour être efficaces dans la protection des populations civiles, doivent inclurent le respect des droits de l’homme, du droit international et du développement économique et social. L’histoire de notre pays nous invite à être les ardents défenseurs de ces principes dans les négociations à venir.

Je vous invite donc à interroger le Ministre des Affaires étrangères pour lui demander un renforcement significatif des moyens humains et financiers mis en œuvre par le gouvernement afin de voir la France continuer à jouer le rôle qui doit être le sien dans l’élaboration de ce traité.

2.             le contrôle des intermédiaires en matière d’exportations d’armements

Toute législation adoptée à un niveau supranational doit, pour être opposable aux particuliers, être transcrite dans le droit national. Or le projet de loi sur l’intermédiation traduisant en droit français une partie de la Position Commune de l’Union Européenne n’a toujours pas été mis à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. En outre, ce projet est très incomplet : il ne vise qu’une partie des activités d’intermédiation et ne s’intéresse pas aux français résidant à l’étranger. La récente actualité autour de l’Angolagate est pourtant venue prouver la nécessité de renforcer ce dispositif.

Je souhaite que vous posiez une question au Ministre de la Défense sur la mise à l’ordre du jour de l’agenda de l’Assemblée Nationale du projet de loi sur l’intermédiation permettant la mise en conformité du droit français avec la Position Commune de l’Union Européenne adoptée en 2003, et que vous lui demandiez de considérer favorablement la prise en compte de l’ensemble des activités d’intermédiation et l’application de la loi aux ressortissants français résidant à l’étranger.

Vous remerciant de l’attention que vous porterez à ma demande, je vous prie d’agréer, Madame la députée, / Monsieur le député, l’expression de mes sentiments distingués.





Financement des ventes d’armes : à quand un vrai contrôle ?

6 05 2010

Ventes d’armes, intermédiaires et ancien Premier Ministre

En 1994 Édouard Balladur est 1er Ministre, Philippe Léotard, Ministre de la Défense avec dans son cabinet, Renaud Donnedieu de Vabres. Cette année là, la Direction des constructions navales (DCN) remporte au Pakistan  un contrat de 5,41 milliards de francs pour la vente de trois sous marin de type Agosta. La DCN s’engage alors à verser 338 millions de francs de commissions (soit 6,25% du contrat total) aux intermédiaires qui ont œuvré pour la finalisation du contrat au Pakistan.

Gérard Philippe Menayas[1], Directeur financier et Emmanuel Aris[2], anciens membres de la DCN Internationale (DCNI), versent à Ziad Takieddine et Abdulrahman el-Assir de Mercor Finance, une société off-shore, 216 millions de francs, deux nouveaux intermédiaires dont l’utilité n’apparaît pas évidente. Une fois le contrat signé, il y a donc 554 millions de francs de commissions (soit plus de 10%) qui doivent être versées.

Mais, pour compliquer les choses  Jacques Chirac, élu Président de la République demande en 1995 à Charles Millon, Ministre de la Défense, l’arrêt des versements des commissions du contrat Agosta. Sept ans plus tard en 2002, à Karachi, un attentat contre un bus transportant des salariés de la DCN coûte la vie à 14 personnes.

Attentat de Karachi en 2002 contre un bus transportant des employés de la DCN. Photo AFP

Pourquoi ne pas simplement prévenir ces scandales de la République ?

Cette affaire est d’abord une affaire d’État car si en 1994 il n’y avait pas de Position Commune de l’Union Européenne sur les exportations d’armements, l’État français contrôlait rigoureusement ses exportations[3]. C’est la commission interministérielle d’études des exportations de matériel de guerre  (CIEEMG) qui délivre les autorisations d’exportation. Elle est présidée par le Secrétaire général de la défense nationale (SGDN) qui est sous l’autorité du Premier Ministre. La justice pourrait donc interroger les autorités politiques d’alors avec de simples  questions: Pour quel travail et comment ces intermédiaires ont-ils été rémunérés ?

Pourquoi cette opacité dans des contrats qui concernent pourtant les finances publiques ?

Cette nouvelle affaire est donc encore une affaire d’État. Depuis 2001[4], même si un projet de loi est régulièrement déposé au Sénat, aucun gouvernement n’a trouvé utile de le mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale pour qu’il soit discuté puis voté. Comme nous l’écrivions récemment, c’est pourtant le moyen le plus efficace pour prévenir ces morts inutiles et empêcher de tels scandales à l’avenir.


[1] Cf l’article de du : « Il est parfaitement exact que Ziad Takieddine a été imposé à la DCNI (Direction de la Construction Navale Internationale), par le pouvoir politique, ainsi qu’Abdulrahman el-Assir ».

[2] Cf l’article de du : « M. Castellan m’a demandé d’aller le voir. M. Takieddine lui avait été présenté par M. Donnedieu de Vabres, qui était au cabinet de M. Léotard. D’après ce que m’a dit M. Castellan, le nom de Takieddine lui avait été donné par les autorités françaises».

[3] Décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, ce Décret-loi est toujours en révision.

[4] http://www.senat.fr/leg/pjl01-137.html