Les premières négociations sur le traité international sur le commerce des armes ouvrent un immense espoir pour les millions de personnes qui vivent sous la menace des armes.

23 07 2010
 

Une des rencontres quotidiennes des ONG à l'ONU. Photo Benoît Muracciole

Voilà, c’est fini pour cette première moitié de négociations avant la conférence de 2012. Quand vous regardez le communiqué de presse plus bas vous pourriez avoir quelques doutes sur le succès réel de cette rencontre, mais parfois les compromis entre les ONG ne sont pas plus facile que ceux qui se font avec les États…

Bien sûr, rien n’est acquis et nous devrons démultiplier notre travail dans toutes les régions du monde pour pousser les capitales à s’engager dans les éléments concrets du TCA mais si je devais mettre en avant 4 points majeurs qui ressortent de ces deux semaines je dirais  :

1) La conférence de 2012 se profile de plus en plus comme celle que nous souhaitons.

2) Il n’y a plus d’opposant au traité et le nombre des pays engagés se renforce notamment avec une expertise globale sur les enjeux qui prend forme.

3) Les « moins optimistes » sont isolés, empêtrés dans des arguments qui n’avancent plus depuis 2006, et tout le monde le sait.

4) La France continue de soutenir fermement la règle d’Or et va jouer un rôle grandissant jusqu’à la conférence de 2012.

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Je veux dédicacer les blogs de ces deux semaines à Jean Paul Hebert, représentant de la Ligue des Droits de l’homme[1] auprès de la Plateforme française « Contrôlez les armes ». Nous avons bossé ensemble depuis 1997 sur la question du contrôle de ces “ foutus armes ».  Même s’il ne pouvait pas souvent être présent à nos réunions cela me rassurait, pour le sérieux de notre boulot, de savoir qu’il était avec nous. Aujourd’hui c’est plus difficile, il est parti avec son cancer et voilà, nous avons perdu une vrai pensée politique sur la question des armes et j’ai perdu un bon copain.

Nous envoyons à sa famille toute notre affection.

Benoît Muracciole et toute l’équipe du blog Armer Desarmer.


[1] http://www.ldh-france.org/Jean-Paul-Hebert

 

Salle des négociations ONU New York. Photo Benoît Muracciole

Plate-forme française [1] Communiqué de presse

23 Juillet 2010

Négociations du traité international sur le commerce des armes :

les responsables des violations des droits de l’homme sur la sellette ?

La société civile demande un traité à l’épreuve des balles pour sauver des vies

A New York, lors de la réunion du comité préparatoire du Traité sur le commerce des armes (TCA), les Etats ont esquissé l’ébauche des principes et des éléments d’un futur traité, mais la moitié du temps alloué pour ces négociations s’est déjà écoulée. S’il était correctement mis en œuvre, ce traité empêcherait les marchands d’armes d’alimenter les conflits, d’aggraver la pauvreté dans le monde et de contribuer à de sérieuses violations des droits de l’homme.

La plateforme française « Contrôlez les armes » se félicite des progrès accomplis par les Etats notamment l’élaboration d’une l’architecture comprenant des éléments concrets [2] qui serviront de base au futur traité. Elle regrette toutefois l’exclusion des ONG de plusieurs discussions importantes. Elle s’étonne de cette décision prise par le président de la conférence et appelle à davantage d’ouverture et de transparence lors des prochaines sessions.

« Un vrai travail reste à faire par les Etats pour préciser le contenu d’un traité fort et efficace. Une majorité d’entre eux, dont la France, a défendu la nécessité de réduire la souffrance humaine causée par le commerce irresponsables des armes et l’absence de normes internationales communes», a déclaré Benoit Muracciole du Secours Catholique Caritas France.

D’autres principes défendus par de nombreux Etats tendent à lutter contre les livraisons d’armes qui contribuent à l’alimentation des conflits armés, des crimes de guerre, du terrorisme et des crimes organisés.

« Nous avons besoin d’un traité qui couvre l’ensemble des armes classiques – des armes à feu aux tanks en passant par les hélicoptères, leurs composants, ainsi que toutes les munitions pour véritablement protéger les peuples et garantir le développement économique et social» a déclaré Zobel Behalal du CCFD-Terre solidaire.

« Il est indispensable d’obtenir des procédures d’évaluation communes afin d’empêcher ceux qui violent les droits humains et le droit international humanitaire et qui contribuent à aggraver la souffrance humaine de renforcer leur pouvoir de nuisance », a poursuivi Francis Perrin, vice-président d’Amnesty International France.

« Avec ce traité, les espaces vont se réduire pour les seigneurs de la guerre et tous les responsables de sérieuses violations des droits de l’homme. Demain, obtenir armes et munitions ne sera plus si simple. Toutefois, il reste beaucoup de travail avant la prochaine réunion de février 2011 pour obtenir le traité qui sauvera des vies », a conclu Rima Chemirik d’Oxfam France.





Messieurs les délégués encore un effort pour sauver des vies!

22 07 2010

Photo Benoît Muracciole


Et hop à peine le blog d’hier sur le net et nous apprenions que la session de l’après midi sera ouverte… C’est une plaisanterie bien sûr et cela fait du bien d’être à nouveau dans la salle à écouter en direct les débats. Il y a toujours des décalages entre les ONG, dans l’analyse des déclarations et la description de l’ambiance d’une telle conférence. C’est une vraie richesse lorsque l’on peut confronter nos points de vue, cela commence à être un peu plus compliqué lorsque le compte rendu se fait avec peu de voix différentes.

Ce matin donc, c’était le temps de l’incrimination que pourrait proposer le futur TCA.  L’idée est de mettre en place un système juridique qui puisse poursuivre les individus qui violent les dispositions du TCA en matière d’autorisation de transferts. Premier élément fort car il réduira considérablement les zones grises dans lesquelles se pavanent les Victor Bout, Leonind Minin[1] et autres courtiers, transporteurs, financiers, assureurs…

Donc un système avec des sanctions nationales et qui devrait déboucher sur une assistance judiciaire internationale afin de ne plus laisser échapper les coupables.

L’après-midi, session ouverte donc aux ONG, les questions de transparence, et de la production de rapport annuel, ont été généralement défendues par une grande majorité des États. Le Pakistan semble réticent sur cette question, mais il est isolé. S’il le souhaite, il aura tout le temps de partager son expérience nationale comme une base pour un guide des meilleures pratiques. Comme pour la question de la coopération et de l’assistance d’ailleurs, qui sera sur une base volontaire… Avec les propositions d’États comme la France et la Grande-Bretagne sur la corruption et les transferts financés avec l’argent du blanchiment, il y a des perspectives véritablement intéressantes pour encadrer ce commerce.

Voilà, les États déroulent sur du positif, une journée qui permet à chacun de reprendre son souffle. Demain l’Egypte va nous montrer de quoi il est capable, son rapport sur la mise en œuvre du TCA est attendu avec curiosité. Le plat de consistance sera servi par Moritan, nous espérons quelques bouts de viande fraîche sur son projet de squelette… pour le possible traité, mais demain sera un autre jour.

Benoît Muracciole


[1] Voir rapport Amnesty International : http://www.amnesty.org/en/news-and-updates/report/states-failing-control-movement-weapons-human-rights-abusers-2010-07-19





Allons, monsieur Moritan, laissez nous travailler avec tous pour le bien de tous !

21 07 2010

Les ONG rappellent quelles sont les armes qui ne font pas partie du registre des Nations-unies sur les armes classiques. Photo Benoît Muracciole

Photo Benoît Muracciole

Cette fois c’est un peu trop ! le deuxième jour de la deuxième semaine et déjà 4 sessions fermées aux ONG. Vous avez pu lire ici comment certains d’entre nous défendions l’idée selon laquelle les États devaient se retrouver de temps en temps à huis clos pour laisser échapper la pression. Mais là, depuis deux jours, aucune raison apparente, et cela ressemble de plus en plus à une bouderie Présidentielle. Nous ONG avons travaillé dur, dépensé des sommes importantes en voyages et frais de séjours et nous demandons du respect en retour. Certains d’entre nous viennent d’Afrique du Sud, du Sénégal en passant par le Maroc, le Liban, les îles Fidji et l’Australie, le Japon et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Thaïlande et la Corée, la Russie, Trinitad et Tobago, le Venezuela, d’Europe…

Dans un processus, qui doit son existence première au travail des ONG dans plus de 172 pays à travers le monde, il y a de quoi perdre un peu patience Monsieur le Président. Les règles de bien séances sont pour le moins bafouées et cela fait mauvais genre. D’autant que malgré cela, certaines des ONG sont intégrés dans les délégations des pays et assistent aux débats. Nous continuons également notre travail d’alerte à l’entrée des délégués dans la salle[1], pour dire sans cesse les obligations existantes de délégués d’avancer sur la question de la liste des armes à intégrer, des principes à inscrire au cœur du TCA.

Heureusement le Brésil, le Guatemala, le Mexique continuent de faire avancer la machine avec des déclarations qui reprennent les propositions des ONG sur les armes et la règle d’Or[2]. L’Union Européenne s’y met aussi pour répondre aux déclarations un peu désarticulées de l’Égypte et plutôt négatives du Pakistan.

Nous profitons de rencontres informelles, par exemple avec les USA, pour identifier les zones encore sensibles et celles qui sont plutôt acquises. La question des munitions a besoin d’un peu de temps de dialogue pour une conversion franche, mais les techniques de contrôle existant dans de nombreux pays ne devraient pas poser de problème de mise en place, en terme de capacité, pour ce grand pays. La question politique elle se décidera surtout à Washington. Les déclarations du Président Obama, sur sa volonté de voir son pays ratifier la Convention inter américaine sur le trafic et la production illicites d’armes à feu de munitions et d’explosifs, devrait peser sur la décision d’intégrer ou non les munitions. Autres difficultés sur l’évaluation du risque substantiel la décision autoriser ou refuser une licence d’exportation doit être ferme sans tomber dans un système d’interdiction. De la fermeté dans la régulation sans prohibition, cela aurait pu être un bon sujet au bac, mais c’est déjà ce que les USA applique dans le contrôle, il nous reste à les convaincre de considérer les graves violations du droit international humanitaire et la question du développement économique et social pour passer à la vitesse supérieure.

Autre rencontre intéressante et presque impromptue avec la délégation Russe. Cela fait seulement 10 ans que je suis dans les conférences internationales sur la question des armes et c’est la première fois, à ma connaissance, que les ONG et une délégation officielle russe se rencontraient. La rencontre fut dense et trop courte, mais il y a là encore des champs à explorer car l’instrument sur les autorisations de licences d’exportations sur le contrôle existe. Dans leur pratique, ils ont déjà un pied dans le TCA, reste à convenir ensemble de principes communs qui puissent guider l’évaluation du risque afin de penser un TCA préventif et non punitif. De toute façon le pays qui a vu naître Pouchkine, Tchekhov, Tolstoï, Dostoïevski, Gontcharov, Tchaïkovski, Korsakov, Borodine, Eisenstein, Mikhalkov…. ne peut que nous surprendre positivement.

Beaucoup de travail à faire mais dans un contour qui prend forme et qui trouve échos chez une majorité écrasante des États.

Benoît Muracciole


[1] Voir photos plus haut.

[2] Respect des droits humains, du droit international humanitaire et du développement socio économique





Le rapport sur le contrôle du transport maritime sauve une journée terne sur le TCA

20 07 2010

Ara MarcenNaval, Oliver Sprague AI. Clare da Silva. Sergio Finardi Transarm.

Photo Benoît Muracciole

Journée ensoleillée et terrain humide à l’ONU, idéal pour le jeu rapide. Les discussions sur les paramètres et la liste des armes sont fermées aux ONG même si certain d’entre nous continuent d’être intégrés dans les délégations gouvernementales. Petit jeu ou chacun feint un rôle convenu, comme le 24° joueurs d’une équipe de football qui s’offusque de ne pas rentrer sur le terrain. Cette fois, c’est encore plus académique car le jeu n’avance pas, nous revenons au jeu frileux du premier tour avec beaucoup de défense et peu de débordement. Comme le président de la Fédération semble plus accaparé par la taille des maillots, que par l’avancée même des techniques et de la tactique du jeu, on baille. Attention cela ne veut pas dire que ce temps est un temps complètement arrêté, il faut penser à ces premiers matchs de l’Allemagne en 1974[1] ou de l’Italie de 1982 où ces équipes ont gagné chacune la coupe du monde, mais quand même cela manque de panache et de vision universelle. Si ces fameuses sessions closes étaient faites pour faire avancer plus vite le processus c’est raté, du coup l’ambiance est ailleurs :

Par exemple le rapport[2] sur le transport maritime, présenté par Transarm et Amnesty International, il a permit de découvrir un bon 4-3-3 à l’ancienne. Avec des fondamentaux et le jeu classique des ailiers qui font marquer, l’ambiance remonte. Un des meilleurs spécialiste mondiale de la question, Sergio Finardi assène que pour un meilleur contrôle, il faut enregistrer les transporteurs, identifier les producteurs et de leurs itinéraires. Puis suivre les différentes voies aériennes, terrestres ou maritimes, enfin la mise en place de banque de données, les fondamentaux vous dis je…

Ou dans le camp des ONG, aux niveaux des tifosis eux mêmes qui, pour certains, cherchent à trouver de nouveaux schémas plus spectaculaires autant qu’efficaces. Mais là, dans une des fédérations les plus conservatrices du sport collectif, la réaction ne se fait pas attendre. C’est l’appel aux procédures pour bloquer toute nouveauté tactique, on se croirait aux plus beaux jours d’une élection à la FIFA. L’idée était pourtant simple, se rencontrer avec un groupe d’État et d’ONG qui ne pensent pas tous de la même façon, afin de trouver un espace de dialogue informel et novateur, pour parler des munitions… C’est raté, le rappel au règlement qui masque un manque d’audace dommageable pour le processus, signe la fin de la partie, ce qui se voulait être un quart de final à Guadalajara[3], ne sera finalement qu’un match de classement de championnat de district.

[1] La RFA avait même perdu 1-0 contre la RDA

[2] http://www.amnesty.org/en/news-and-updates/report/states-failing-control-movement-weapons-human-rights-abusers-2010-07-19

[3] En 1986 au Mexique, le Brésil était éliminé par la France après un match qui reste un des plus beau de l’histoire de la coupe du monde de football.





Négociations pour le traité international sur le commerce des armes : Entre les deux tours!

19 07 2010

La première semaine est passée presque sur un petit nuage avec, soyons poëtes, le rayon de soleil apporté par la présentation des ONG. La question des paramètres, des types de transferts avec les courtiers, les financiers, les transporteurs, la liste des armes[1]… Petit à petit je crois que nous trouvons un rythme juste et rigoureux dans nos déclarations qui font apparaître nos amis, les représentants de la NRA, des chasseurs et des sportifs comme ceux d’un autre temps. C’est comme si l’on voulait faire jouer le deuxième tour de la coupe du monde avec le ballon en cuir de mon enfance, à la fin des années soixante, quand plongé dans la boue, il résistait à nos frêles coups de butoirs.

Comment voulez-vous prendre nos amis au sérieux quand on regarde le type d’armes utilisées par les gangs[2] du Mexique, d’Amérique Latine,  d’Europe ou d’Asie. Nous nous retrouvons à nouveau face à des interlocuteurs qui ne semblent pas comprendre, ou ne le souhaitent pas, que c’est un processus de régulation et non d’interdiction. À tel point que l’on pourrait finir par croire qu’ils pourraient défendre d’autres intérêts… C’est dommage car je viens d’un village Corse où la chasse est un élément important de notre culture. Je trouverais déplacé de l’interdire, mais je me sens rassurée de savoir que toute arme nouvelle importée pour la chasse est dûment contrôlée.

Sinon pour finir en beauté la semaine, et comme il y a toujours une petite histoire dans la grande histoire, j’ai pu percevoir un petit agacement du président de cette « coupe du monde de football ». Celui-ci aurait trouvé que les artistes qui l’animent, les ONG, n’auraient pas respectées toutes les règles de bien séance du jeu en oubliant que ce sont ces mêmes règles qui font bailler les spectateurs du monde entier. Aujourd’hui la patience des sociétés de ce monde globalisé du XXI° siècle a atteint ses limites, il s’agit de poser des actes forts. Ce 19 juillet, la question des critères sera discutée, elle est au cœur des priorités de Caritas, du CCFD et d’Amnesty International, voyons ce que les États sont capables de produire sur les droits humains, le droit international humanitaire et le développement économique et social. C’est le « match du lundi[3] », premier jour de la dernière semaine des Perpcom de 2010, Mesdames, Messieurs les États, le monde vous regarde.

Benoît Muracciole


[1] Voir blogs précédents sur les intermédiaires, Karachi, Angolagate…

[2] http://www.smallarmssurvey.org/files/sas/publications/yearb2010.htmla

[3] Émission de radio sur le football diffusée sur Europe 1 de 1998 à 2001 et animée par Eugéne Saccomano