Culture des armes, culture de mort

8 08 2019

El Paso

Nouvelles tueries aux Etats Unis, avec 20 morts au Texas et 10 dans l’Ohio, le nombre de personnes tuées par balles continue dramatiquement de s’aggraver. Selon une étude du Department of health and human services de 2014 qui s’appuie sur les chiffres du « Centers for Disease Control and Prevention » il y aurait environ 30 000 morts / an par armes à feu – environ 19 000 suicides et 11 680 homicides – ce qui donnerait environ :

489 700 morts par armes à feu aux États Unis depuis le 11 septembre 2001.

Pour Brady Campaign le décompte est plus lourd encore puisqu’il ajoute les morts accidentels par armes à feu qui sont d’environ 7 319 par an ce qui donnerait environ :

612 316 morts par armes à feu aux États Unis depuis le 11 septembre 2001.
Finalement l’interprétation erronée du 2° amendement de la constitution fait bien plus de morts étasuniennes que toutes les guerres qu’ont pu faire les Etats Unis depuis la création de ce pays (qui a pourtant été en guerre pendant 222 années sur les 239 depuis sa création en 1776)

Voir plus :

https://armerdesarmer.wordpress.com/2014/07/12/al-qaida-vs-la-national-rifle-association-nra-combien-de-morts/

https://armerdesarmer.wordpress.com/2012/12/16/les-larmes-dun-president-sur-son-impuissance-a-imposer-un-vrai-controle-pour-lacquisition-et-la-possession-des-armes-aux-etats-unis/

 





George H.W. Bush / Trafic d’armes / Graves violations des droits de l’Homme / Crimes de guerre / Génocide…

3 01 2019

2-18

Lors du décès des chefs d’Etat un phénomène physique curieux semble envahir le cerveau des journalistes des grands médias et de quelques personnages politiques aux affaires. Il se caractérise par une atrophie soudaine de la mémoire. Voilà sans doute l’explication la plus plausible aux panégyriques trouvés jusque dans les journaux français[1].

Il est vrai que George H.W. Busha eu un démarrage difficile car pendant qu’il pilotait des avions de chasse et luttait contre le nazisme, son père Prescott Bush, construisait la fortune familiale avec le camp d’en face.  En effet, membre associé de Brown Brothers Harriman, il fit  de grandes et fructueuses affaires avec Fritz Thyssen, un des soutien du régime nazi qui permit notamment la création de l’industrie de l’armement du IIIèmeReich jusqu’en 1942[2]. George H.W. Bush a bénéficié de la fortune faite par son père et des liens que les meilleurs écoles étasuniennes permettent, précisément quand il se lance dans les affaires du pétrole. C’est cette porte qui plus tard ouvrira celles de toute la famille Bush auprès des princes saoudiens[3].

 

Mais pour être juste dans cette biographie – et la participation active de George H.W. Bushaux graves violations des droits de l’Homme – il faut commencer par son passage à la tête de la CIA de janvier 1976 à janvier 1977[4]. George H.W. Bushy continue le soutien de l’agence aux mouvements évangélistes qui sont considérés par les conservateurs étasuniens comme le meilleur rempart à la théologie de la libération en Amérique Latine[5].  Cette assistance porte aujourd’hui de drôles de fruits avec l’élection de Bolsonaro à la Présidence du Brésil[6].

 

Toujours directeur de la CIA, George H.W. Bush couvre l’attentat qui tua en septembre 1976, le dissident chilien et ancien ministre des Affaires Etrangères d’Allende, Orlando Letelier, ainsi que  Ronni Moffitt, une activiste étasunienne. Les services secrets d’Augusto Pinochet – ainsi que ceux d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay – avaient  mis au point l’opération Condor qui traquait tous les opposants engagés dans la dénonciation de ces régimes dictatoriaux. George H.W. Bush et son assistant Vernon Walters avaient reçu les informations de l’ambassadeur étasunien au Paraguay, George Landau selon lesquelles des agents de la DINA (services secrets chilien) demandaient des visas pour les Etats Unis sous de faux passeports. La CIA les avait laissés entrer sur le sol étasunien pour commettre cette exécution extrajudiciaire et arbitraire[7]. Quelques années plus tard Robert Parry mit à jour cette complicité en démontrant l’appartenance du chef de la DINA, Juan Manuel Contreras, à la CIA[8].

Au Panama c’est avec Manuel Noriega que George H.W. Bush fait ses affaires. Etudiant, Noriega dénonce ses petits camarades gauchistes avant de rejoindre l’école des Amériques, célèbre pour avoir formé presque tous les nervis des dictateurs d’Amérique latine sur des techniques de contre-insurrection qui prônait l’usage de la torture, des disparitions et des exécutions extrajudiciaires[9]. Noriega sera payé par la CIA dès 1971, il continuera de se débarrasser violemment des opposants politiques et profitera également du juteux trafic de drogue pour s’enrichir. Il servira sous la responsabilité du Bush, directeur de la CIA, jusqu’à ce qu’il devienne gênant au Bush, président des Etats Unis, qui s’en débarrassera en 1990[10].

Le même scénario se reproduit en Colombie avec la CIA qui participe encore à la répression des groupes de la société civile colombienne luttant pour le respect des droits de l’Homme, allant même jusqu’à saboter les enquêtes de la Drug Enforcement Agency (DEA). Au Guatemala, plus de 200 000 personnes ont été exterminés, avec ce qui a été décrit par une commission d’enquête comme étant un génocide contre les Indiens Mayas des hauts plateaux du Guatemala[11]. Au Salvador, environ 70 000 personnes sont mortes. Des villages entiers ont été massacrés dans l’opération « tierra arrasada » (terre brulée). En 1981, un bataillon entraîné par les États-Unis a abattu des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants dans la ville d’El Mozote[12]. Les massacres continuent, notamment à El Calabozo le 21 aout 1982 où aujourd’hui les familles des victimes n’ont toujours pas obtenu la justice[13].

Mais cela n’est que le début de son « œuvre ». Fin des années 70, George H.W. Bush, libéré de ses engagements à la CIA, va être dans l’ombre du blocage de la libération des otages étasuniens de l’ambassade à Téhéran sous la présidence de Jimmy Carter[14]. Comme futur vice président, il fait parti de l’équipe de Ronald Reagan candidat lui, à la présidence des Etats Unis. L’équipe de Reagan promet des livraisons d’armes en direction du régime de Téhéran, en lien avec le gouvernement israélien à condition que le régime de Khomeiny attende la fin de la campagne électorale qui oppose le président en exercice Jimmy Carter à Ronald Reagan avant de libérer les otages[15]. Il est toujours vice président lors de l’affaire des Contras que le journaliste Gary Webb dévoilera, seul contre tous. C’est dans le milieu des années 90 que Gary Webb démontrera  comment la drogue des cartels de Colombie fut chargée dans les avions de l’armée étasunienne et livrée à Ricky Donnell Ross, un dealer des « gangstas » of Compton and South-Central Los Angeles[16]. L’argent ira armer les Contras dont les Fuerza Democratica Nicaraguense (FDN), un groupe armé opposé aux sandinistes qui avaient le pouvoir au Nicaragua.  Les FDN ont été responsables de graves violations des droits de l’Homme. Tous les moyens ont donc été bons – sous la présidence Reagan et la vice présidence Bush – dans la lutte contre les régimes démocratiques d’Amérique latine, jusqu’à inonder de crack les banlieues sud de Los Angeles[17]. Le gouvernement étasunien poussera le journaliste au suicide, bien aidé en cela par les principaux journaux étasuniens – dont notamment le Washington Post et le New York Times et son propre journal San Jose Mercury Newstrop occupés à couvrir le scandale Lewinsky / Clinton – qui n’ont cessé de contester son remarquable travail de journaliste[18].

Enfin l’intervention des Etats Unis contre l’Irak de Saddam Hussein en 1991 est venu couronner  « l’œuvre » de George H.W. Bush en faveur du respect des droits de l’Homme, mais cette fois il est président des Etats Unis. Après avoir soutenu militairement sans ciller le régime dictatorial irakien [19], les Etats Unis et les pays occidentaux décident de s’en débarrasser. Un scénario est mis en place pour faire monter la pression internationale contre Saddam Hussein qui réclame de l’argent à ses voisins, notamment le Koweït, pour le dédommager de la guerre contre l’Iran[20].

Le 25 juillet 1990, quelques jours avant l’invasion du Koweït par l’Irak, dans un câble de l’ambassadrice étasunienne April Glaspie, celle ci reporte avoir dit à Saddam Hussein que les Etats Unis n’ont : « pas d’opinion sur vos conflits arabo-arabes, tels que votre différend avec le Koweït. Le secrétaire d’État, James Baker, m’a chargé de souligner l’instruction, donnée pour la première fois à l’Iraq dans les années 1960, selon laquelle la question du Koweït n’est pas associée à l’Amérique[21] ».

Dans le temps de l’énorme pression que Saddam Hussein faisait peser sur le Koweït, cette déclaration  est apparue à beaucoup comme un feu vert donné au dictateur pour envahir ce pays voisin. L’incompétence de l’ambassadrice  ou l’acceptation de celle-ci de jouer le rôle de l’imbécile,  aura permis  de justifier aux yeux de l’opinion publique la deuxième guerre du Golf appelée «Tempête du désert»[22]. Celle-ci fut pour les Etats Unis le moyen non seulement d’affaiblir Saddam Hussein qui avait eu l’outrecuidance de vouloir se débarrasser du dollar dans les ventes du pétrole irakien. Mais elle fut aussi l’occasion de consacrer la politique de  domination des neocons étasuniens, dont Zbigniew Brezinski, ancien conseiller à la sécurité du président Carter, disait que : « la question du pétrole n’était pas une question d’accès mais de contrôle de sa production[23] ». Grâce à Saddam Hussein les Etats Unis allaient pouvoir renforcer ce contrôle au Moyen Orient.

En plus de cela, cerise sur le gâteau, les Etats richissimes du golf devront assurer pour de longues années, la croissance étasunienne en signant des contrats de plus en plus mirifiques en faveur l’industrie d’armement des Etats Unis[24]. Le bilan des droits de l’Homme des populations irakiennes est désastreux. Les Kurdes que George H.W. Bush avait appelés à se soulever sont gazés par le dictateur. Quant aux chiites du sud de l’Irak, ils sont massacrés.  Les évaluations du nombre de morts directs et indirects sont toujours difficiles, elles se situeraient entre 4000 et 400 000 morts[25]et l’on ne compte pas les crimes de guerre dont l’armée étasunienne fut responsable[26].

La politique de George H.W. Bush sur l’Irak fut merveilleusement reprise par l’administration Clinton. C’est sans doute Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’Etat de Bill Clinton, qui l’illustra le plus clairement. A la question d’un journaliste qui lui  demandait si les 500 000 enfants irakiens morts « en valait la peine », elle répondit comme un hommage ultime à  George H.W. Bush : « Je pense que c’est un choix très difficile, mais le prix en vaut la peine »[27].

 

Jean Claude, Alt, médecin anesthésiste, administrateur ASER, expert droits de l’Homme

Benoît Muracciole, Président ASER, expert droits de l’Homme / force publique, auteur de « Quelles frontières pour les armes » édition A Pedone

 

[1]https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/01/mort-de-george-h-w-bush-politiques-et-personnalites-rendent-hommage-a-l-ancien-president_5391226_3210.html; http://www.lefigaro.fr/international/2018/12/01/01003-20181201ARTFIG00019-l-ex-president-americain-george-hw-bush-est-mort-a-l-age-de-94-ans.php;

[2]https://www.theguardian.com/world/2004/sep/25/usa.secondworldwar

[3]https://www.theguardian.com/us-news/2018/dec/04/george-hw-bush-saudi-arabia-donald-trump; https://consortiumnews.com/2018/12/12/george-hw-bushs-bitter-legacy-in-the-middle-east/; voir aussi Fahrenheit 9/11 de Michael Moore ; 2004

[4]Il est le seul président des Etats Unis qui a été directeur de la CIA.

[5]https://www.politico.com/story/2017/01/church-committee-established-jan-27-1975-234079; https://www.nytimes.com/1976/01/29/archives/churches-angered-by-disclosures-seek-to-bar-further-cia-use-of.html; https://medium.com/@juliosevero/evangelicals-represent-the-greatest-conservative-force-in-the-brazilian-elections-dce5a378cd95http://lastdayswatchman.blogspot.com/2016/05/the-religious-war-between-cia-and-kgb.html; http://www.aspeninstitute.it/aspenia-online/en/article/latin-american-evangelicals-and-us-geopolitics

[6]http://indiafacts.org/religious-crusades-cia/; https://www.wikileaks.org/plusd/cables/1977BRASIL09820_c.html

[7]https://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet11Rev.1fr.pdf

[8]https://consortiumnews.com/2018/12/01/george-h-w-bush-the-cia-and-a-case-of-state-sponsored-terrorism/; https://consortiumnews.com/2018/12/05/the-bushes-death-squads/; https://www.washingtonpost.com/archive/opinions/1980/06/29/the-unresolved-questions-in-the-letelier-case/f70e1f2a-159f-492d-9a2a-a1f74d6d3430/?utm_term=.f59d4b5da54d

[9]Unmatched Power, Unmet Principles: The Human Rights Dimensions of US Training of Foreign Military and Police Forces Amnesty International USA Publications : https://www.amnestyusa.org/pdfs/msp.pdf

[10]https://www.nytimes.com/1986/06/12/world/panama-strongman-said-to-trade-in-drugs-arms-and-illicit-money.html?pagewanted=all; https://www.theatlantic.com/international/archive/2017/05/manuel-noriega-obituary-monroe-doctrine/518982/

[11]https://www.un.org/press/en/1999/19990301.guate.brf.html; https://www.documentcloud.org/documents/357870-guatemala-memory-of-silence-the-commission-for.html; voir traduction les crise.fr

[12]https://consortiumnews.com/2018/12/05/the-bushes-death-squads/; https://www.researchgate.net/publication/35495531_Buried_Secrets_Truth_and_Human_Rights_in_Guatemala

[13]https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2012/08/el-salvador-asesinados-sangre-fria-el-calabozo-orillas-rio/

[14]https://consortiumnews.com/2018/12/03/bush-41s-october-surprise-denials-2/; https://www.youtube.com/watch?v=yhzfNSMHN-A

[15]« Le cas symptomatique de l’Iran » Benoît Muracciole, les cahiers de l’Orient n° 105

[16]En mission pendant la guerre de la République Démocratique du Congo, nous avions rencontré un colonel de l’armée française ancien attaché militaire e Colombie qui nous avait dit avoir vu de ses propres yeux au Honduras, les étasuniens décharger la cocaïne colombienne d’avions civils et la charger dans les avions militaire étasuniens.

[17]The Dark Alliance, Gary Webb’s Incendiary 1996 SJ Mercury News Exposé http://www.mega.nu:8080/ampp/webb.html

[18]voir Kill the Messenger de Michael Cuesta 2014

[19]Notamment dans l’usage de gaz dans la guerre contre l’Iran et contre les Kurdes d’Irak : https://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/NEZAN/3615

[20]https://www.nytimes.com/1990/09/24/world/confrontation-gulf-iraqis-threaten-attack-saudis-israelis-if-nation-strangled.html

[21]https://www.globalresearch.ca/gulf-war-documents-meeting-between-saddam-hussein-and-ambassador-to-iraq-april-glaspie/31145; https://wikileaks.org/plusd/cables/90BAGHDAD4237_a.html

[22]La première concerne l’invasion de l’Iran par l’Irak.

[23]« It’s not about access to the oil itself. That will be on a global market. It will be part of it. It’s about control. It’s about controlling the terms of those contracts. It’s about controlling amounts that are being pumped at different times. It’s about controlling prices. It’s about controlling that crucial resource ». : https://off-guardian.org/2015/08/01/the-west-the-middle-east-and-oil-a-conspiracy-theory/

[24]Sans doute l’industrie qui permet aujourd’hui aux US de ne pas être en récession : https://www.lelibrepenseur.org/etats-unis-plus-de-102-millions-damericains-sans-emploi-au-30-juin-2018/;  voir aussi : https://www.youtube.com/watch?v=plXuqIw3AvU

[25]https://www.liberation.fr/evenement/1998/02/21/en-1991-entre-4-000-et-400-000-morts-irakiens-selon-les-estimations-les-plus-extremes-et-149-victime_227890

[26]https://www.hrw.org/reports/1991/gulfwar/INTRO.htmhttps://theintercept.com/2018/12/01/the-ignored-legacy-of-george-h-w-bush-war-crimes-racism-and-obstruction-of-justice/; https://theintercept.com/2018/12/05/george-h-w-bush-1924-2018-american-war-criminal/; https://www.nytimes.com/1984/11/24/opinion/l-cia-s-contra-manual-incited-war-crimes-104236.html

[27]I think this is a very hard choice, but the price—we think the price is worth it. : https://www.cis.org.au/app/uploads/2015/04/images/stories/policy-magazine/2002-winter/2002-18-2-matt-welch.pdf

 





Le marchés des armes (2/4): la réglementation du marché des armes RTS

26 01 2018

ASER_HD

 

http://aser-asso.org/qui-sommes-nous/mediaspresse/

 





Quel héritage d’Obama laisse-t-il en matière d’usage de la force, de transferts d’armes et de respect des droits de l’Homme ?

23 01 2017

bo

Tout d’abord il nous apparaît logique de commencer, après l’investiture de Donald Trump, par les Etats Unis. Quel est l’héritage de l’administration Obama en matière d’exportations d’armes, d’usage de la force et du respect des droits de l’homme ?

Un premier bilan des exportations d’armes étasuniennes au Moyen-Orient[1], qui constituent l’immense majorité de ces transferts est nécessaire. Si l’on s’en réfère au rapport du CRS, les ventes d’armes en direction de cette région ont proprement explosé. Entre Bahreïn, les Émirats Arabes Unis, l’Irak, Israël, le Qatar, les groupes armés takfiristes (al Qaeda[2], Daesh et autres), il ne semble pas y avoir eu de frein à la politique d’exportation d’armes de l’administration Obama. En ce qui concerne l’Arabie Saoudite, il s’agit de plus de 119 milliards $ d’exportations d’armes entre 2009 et 2016[3]. Malgré le soutien du royaume d’Arabie Saoudite au régime Bahreïni responsable de graves violations des droits de l’Homme. Malgré le soutien du royaume d’Arabie Saoudite aux groupes takfiristes en Irak et Syrie[4]. Malgré les graves violations des droits de l’Homme, les crimes de guerre et possibles crimes contre l’humanité dont est responsable la coalition menée par ce même pays dans sa guerre au Yémen avec aujourd’hui plus de 10 000 morts civils[5]. Même si les États Unis n’ont fait que signer le traité sur le commerce des armes, il est vrai du temps de l’administration d’Obama, ils sont engagés au moins sur les objectifs.

 

Usage de la force

Dans sa déclaration lors de la réception du prix Nobel de la paix, Barak Obama avait présenté sa doctrine dans l’usage de la force:

  • Mise au point de normes pour l’encadrer
  • Normes que je me réserve le droit de ne pas respecter[6].

Les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires[7] par drones, en dehors des frontières des Etats Unis, en sont un terrible exemple. Elles ont significativement augmenté sous sa présidence. Entre l’Afghanistan, la Libye, la Somalie, le Yémen plus de 2000 personnes, combattantes et civiles, ont été assassinées[8]. Pour le Yémen le nombre de civils abattus, 2001-2011, s’établissait au minimum entre 52 et 108 pour les attaques de drones[9]. Pour les seules années 2012-2013 le chiffre a « fait un bon » de plus de 300%[10] : au minimum entre 255 et 333 civils assassinés.

Était-ce cela dont parlait Barack Obama à la réception de son prix Nobel en 2009 quand il assurait qu’il fallait : « penser une nouvelle voie pour les notions de guerre juste et sur les impératifs de paix juste[11] » ?

S’agissait-il des voies du ciel qui ont fait plusieurs centaines de victimes civiles ? Sans nul doute l’influence de l’ancien directeur « of the National Counterterrorism Center » et du partant directeur de la CIA John Brennan y est pour beaucoup. Mais c’est bien le chef des armés qui a pris la décision d’enfreindre ce droit international même si celui-ci est contesté par les Etats-Unis[12].

Mais comme le rapport des Nations Unies le rappelle, les exécutions extrajudiciaires sommaire ou arbitraires concernent également l’usage de la force à l’intérieur des frontières étasuniennes, notamment dans les prisons sous contrôle des militaires[13].

Et puis il y a toujours ce nombre de personnes noires harcelées, voir parfois assassinées par la police étasunienne dans un usage excessif et disproportionné de la force et des armes à feu[14]. Il était encore d’au moins 85 personnes en 2016, 93 en 2015. Dans l’immense majorité des cas, les responsables ont été acquittés[15]. Quand aux incarcérations, on observe une augmentation continue depuis 2008, pour arriver à un total de plus de 2 millions de personnes en 2016 [16] Encore une fois je laisserais le dernier mot à Barak Obama qui dans un entretien avec David Simmons (auteur de la série the Wire)  : Le défi, que vous décrivez à votre série, est que des gens qui entrent en prison à grands frais de l’état, y sont formés pour devenir les criminels plus endurcis, et qu’à leur sortie, ils sont absolument incapables de travailler et finissent dans ces mêmes prisons[17].

 

Guantanamo et sa promesse non tenue de fermer cette prison qui n’a pas de base juridique[18].

 

Enfin pour clore momentanément ce bilan, il convient aussi de parler de la protection des libertés individuelles. Pour rappel, des générations ont été éduquées dans l’impératif de lutter contre l’union soviétique précisément par ce qu’elle privait les citoyens de ces mêmes libertés. Or depuis les informations sur le programme échelon – qui ne concernait pas la présidence de Barak Obama mais celle de Bill Clinton –, puis les révélations d’Edward Snowden, nous savons que « le président du monde libre » a fait encore mieux que les soviétiques, puisqu’il a donné les autorisations et les moyens financiers aux agences de renseignement étasuniennes, avec les technologies du XXIe siècle, l’autorisation de surveiller chaque individu. Même s’il faut saluer la libération prochaine de Chelsea Manning, Edward Snowden et de trop nombreux lanceurs d’alertes restent en prison ou sous la menace d’y être envoyés[19].

« La promotion des droits de l’Homme ne peut relever de la seule exhortation[20] » cruel oracle portée par un prix Nobel sur son futur bilan de président. Peut être avait-il omis sciemment d’user ces mots simples que vivent au quotidien des millions de personnes vivant sous la menace directes et indirectes de la violence des armes : les mots engagement, courage et résistance ?

Benoit Muracciole

 

[1] But it is also incumbent upon all of us to insist that nations like Iran and North Korea do not game the system. Those who claim to respect international law cannot avert their eyes when those laws are flouted. Those who care for their own security cannot ignore the danger of an arms race in the Middle East or East Asia.

[2] « Negotiations cannot convince al Qaeda’s leaders to lay down their arms » https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2009/obama-lecture_en.html

[3] Selon : Security Assistance Monitor : http://securityassistance.org/fact_sheet/us-arms-transfers-saudi-arabia-and-war-yemen

[4] https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/03/25/la-communaute-internationale-se-nourrit-elle-des-conflits-au-moyen-orient-partie-i/ ; https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/01/06/sortir-des-logiques-de-violence-des-etats-au-moyen-orient/

[5] http://www.itele.fr/live/yemen-le-gouvernement-passe-a-loffensive-pour-reprendre-les-zones-longeant-la-mer-rouge-172 , http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/20161220_HPF_Dashboard_Final.pdf et https://armerdesarmer.wordpress.com/2016/08/21/les-exportations-darmes-des-pays-parties-au-traite-sur-le-commerce-des-armes-tca-a-lepreuve-des-pairs-lors-de-la-deuxieme-conference-des-etats/

[6] To begin with, I believe that all nations – strong and weak alike – must adhere to standards that govern the use of force. I – like any head of state – reserve the right to act unilaterally if necessary to defend my nation. Nevertheless, I am convinced that adhering to standards, international standards, strengthens those who do, and isolates and weakens those who don’t : https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2009/obama-lecture_en.html

[7] http://www.ohchr.org/FR/Issues/Executions/Pages/Overview.aspx

[8] https://www.thebureauinvestigates.com/2016/07/01/obama-drone-casualty-numbers-fraction-recorded-bureau/

[9] https://www.thebureauinvestigates.com/2012/03/29/yemen-reported-us-covert-actions-since-2001/

[10] Pour l’estimation basse du nombre de tués.

[11] « And it will require us to think in new ways about the notions of just war and the imperatives of a just peace. ». Idem.

[12] « Le Gouvernement (US) a refusé d’indiquer quels étaient les fondements juridiques des assassinats ciblés commis sur le territoire d’autres États au moyen de drones ou de donner quelque précision que ce soit sur les garde-fous mis en place pour réduire les pertes civiles collatérales et pour garantir que le Gouvernement cible la bonne personne. » page 3 et 4 Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Philip Alston ; A/HRC/11/2/Add.5 28 mai 2009 : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G09/135/58/PDF/G0913558.pdf?OpenElement

[13] « In relation to deaths in military custody, operational difficulties cannot be used to justify a failure to compile statistics. Making the numbers and causes of such deaths public is part of the United States’ obligation to exercise diligence, to prevent deaths of prisoners in its custody, and to investigate and prosecute any illegal conduct » ; Page 23, para 45. Idem.

[14] Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/UseOfForceAndFirearms.aspx

[15] https://www.theguardian.com/us-news/ng-interactive/2015/jun/01/the-counted-police-killings-us-database

[16] Mass Incarceration: The Whole Pie 2016 : https://www.prisonpolicy.org/reports/pie2016.html

[17] « And the challenge, which you depict in your show, is folks go in at great expense to the state, many times trained to become more hardened criminals while in prison, come out and are basically unemployable and end up looping back in » : https://medium.com/@ObamaWhiteHouse/president-obama-interviews-the-creator-of-the-wire-david-simon-40fb7bd29b18#.z39m49r6j

[18] https://www.amnesty.ch/fr/themes/torture/guantanamo

[19] https://armerdesarmer.wordpress.com/?s=Droits+de+l%E2%80%99Homme+et+usage+des+mat%C3%A9riels+de+surveillance+%C3%A9lectronique

[20] « The promotion of human rights cannot be about exhortation alone » : https://www.nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2009/obama-lecture_en.html

 





Allons, monsieur Moritan, laissez nous travailler avec tous pour le bien de tous !

21 07 2010

Les ONG rappellent quelles sont les armes qui ne font pas partie du registre des Nations-unies sur les armes classiques. Photo Benoît Muracciole

Photo Benoît Muracciole

Cette fois c’est un peu trop ! le deuxième jour de la deuxième semaine et déjà 4 sessions fermées aux ONG. Vous avez pu lire ici comment certains d’entre nous défendions l’idée selon laquelle les États devaient se retrouver de temps en temps à huis clos pour laisser échapper la pression. Mais là, depuis deux jours, aucune raison apparente, et cela ressemble de plus en plus à une bouderie Présidentielle. Nous ONG avons travaillé dur, dépensé des sommes importantes en voyages et frais de séjours et nous demandons du respect en retour. Certains d’entre nous viennent d’Afrique du Sud, du Sénégal en passant par le Maroc, le Liban, les îles Fidji et l’Australie, le Japon et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Thaïlande et la Corée, la Russie, Trinitad et Tobago, le Venezuela, d’Europe…

Dans un processus, qui doit son existence première au travail des ONG dans plus de 172 pays à travers le monde, il y a de quoi perdre un peu patience Monsieur le Président. Les règles de bien séances sont pour le moins bafouées et cela fait mauvais genre. D’autant que malgré cela, certaines des ONG sont intégrés dans les délégations des pays et assistent aux débats. Nous continuons également notre travail d’alerte à l’entrée des délégués dans la salle[1], pour dire sans cesse les obligations existantes de délégués d’avancer sur la question de la liste des armes à intégrer, des principes à inscrire au cœur du TCA.

Heureusement le Brésil, le Guatemala, le Mexique continuent de faire avancer la machine avec des déclarations qui reprennent les propositions des ONG sur les armes et la règle d’Or[2]. L’Union Européenne s’y met aussi pour répondre aux déclarations un peu désarticulées de l’Égypte et plutôt négatives du Pakistan.

Nous profitons de rencontres informelles, par exemple avec les USA, pour identifier les zones encore sensibles et celles qui sont plutôt acquises. La question des munitions a besoin d’un peu de temps de dialogue pour une conversion franche, mais les techniques de contrôle existant dans de nombreux pays ne devraient pas poser de problème de mise en place, en terme de capacité, pour ce grand pays. La question politique elle se décidera surtout à Washington. Les déclarations du Président Obama, sur sa volonté de voir son pays ratifier la Convention inter américaine sur le trafic et la production illicites d’armes à feu de munitions et d’explosifs, devrait peser sur la décision d’intégrer ou non les munitions. Autres difficultés sur l’évaluation du risque substantiel la décision autoriser ou refuser une licence d’exportation doit être ferme sans tomber dans un système d’interdiction. De la fermeté dans la régulation sans prohibition, cela aurait pu être un bon sujet au bac, mais c’est déjà ce que les USA applique dans le contrôle, il nous reste à les convaincre de considérer les graves violations du droit international humanitaire et la question du développement économique et social pour passer à la vitesse supérieure.

Autre rencontre intéressante et presque impromptue avec la délégation Russe. Cela fait seulement 10 ans que je suis dans les conférences internationales sur la question des armes et c’est la première fois, à ma connaissance, que les ONG et une délégation officielle russe se rencontraient. La rencontre fut dense et trop courte, mais il y a là encore des champs à explorer car l’instrument sur les autorisations de licences d’exportations sur le contrôle existe. Dans leur pratique, ils ont déjà un pied dans le TCA, reste à convenir ensemble de principes communs qui puissent guider l’évaluation du risque afin de penser un TCA préventif et non punitif. De toute façon le pays qui a vu naître Pouchkine, Tchekhov, Tolstoï, Dostoïevski, Gontcharov, Tchaïkovski, Korsakov, Borodine, Eisenstein, Mikhalkov…. ne peut que nous surprendre positivement.

Beaucoup de travail à faire mais dans un contour qui prend forme et qui trouve échos chez une majorité écrasante des États.

Benoît Muracciole


[1] Voir photos plus haut.

[2] Respect des droits humains, du droit international humanitaire et du développement socio économique