Quelques jours après le vote de 157 pays en faveur de la résolution[1] ouvrant des négociations finales pour un traité sur le commerce des armes (TCA), il est intéressant de regarder avec attention les nouveaux équilibres qui se dessinent avant la conférence de mars 2013.
La Chine : C’est d’abord la première bonne nouvelle. Elle s’est toujours cachée pendant les premières années de discussion et elle n’avait osé, à la fin des discussions du groupe d’experts gouvernementaux en 2008, qu’une timide déclaration : «Pour un possible TCA». L’engagement des trois membres du Conseil de Sécurité[2] n’est pas étranger à ce mouvement, mais c’est incontestablement l’Afrique dans son ensemble, et non pas l’Union Africaine toujours bloquée par l’Egypte, qui a convaincu les chinois de leur intérêt à s’engager pour un TCA. Parce que l’immense majorité des Etats africains, dépassant une bonne fois pour toute de vieux clivages politiques et linguistiques, a su construire patiemment un rapport de force[3]afin de convaincre positivement ce grand Etat qu’est la Chine. Le signe avant coureur de ce changement était, en juillet dernier, la déclaration du délégué chinois demandant l’intégration du droit international, dont les droits de l’Homme et le droit international humanitaire, dans les critères.
A part son blocage compréhensible sur les accords régionaux[4], elle s’est engagée dans une véritable révolution culturelle…
L’Inde : C’est le troisième pays qui depuis 2006 s’était abstenu avec la Chine et la Russie, et qui a lui aussi basculé dans le camp des soutiens. C’est un mouvement que je le pensais voir faire dès 2009 mais il semble que la décision était encore trop controversée au sein même du gouvernement indien. Est ce là aussi la position des grands pays exportateurs, des pays africains, ou la montée en puissance d’une société civile indienne sur les questions de corruption, il est encore trop tôt pour le dire mais le résultat est là.
Le Pakistan : C’est un peu plus que le troisième pays qui depuis 2006 s’était abstenu avec la Chine et la Russie, et qui a lui aussi basculé dans le camp des soutiens. Car le Pakistan a été dans les premières années des discussions au sein de l’ONU un adversaire loquace. Par l’intermédiaire d’un officier pakistanais de haut rang j’avais eu quelques indications sur une analyse plus pragmatique du traité par les politiques et militaires pakistanais et la position de la Chine a sans doute aidé ce vote. Cependant je n’attendais pas un changement si rapide de la part de ce pays au point de ne pas avoir vu ce vote avant qu’on ne me le signal.
Les Etats Unis : Nous avions compris que ces derniers avaient conditionné leur accord vis à vis du texte du 26 juillet sur le résultat des élections présidentielles. La rapide validation de la victoire d’Obama a permis à la délégation étasunienne de commencer à réparer la bévue de juillet en votant pour la résolution. Gageons que ce pays pourra faire évoluer raisonnablement et positivement le texte du 26 juillet. Leur position sur les munitions ayant évolué, il n’est pas interdit de les voir évoluer encore un peu plus d’ici le 28 mars, mais là encore la clé de ce mouvement ne pourra venir que de l’Afrique soutenue bien entendu par l’ensemble des autres Etats.
La Russie : Ce pays n’a toujours pas réussi à se rassurer quant à ce processus de régulation. Pour ceux qui ont assisté ou participé à des négociations, ils savent combien la connaissance de la culture de « l’âme Russe » est importante pour comprendre et accompagner ce temps d’indécision. Comme chez les grands auteurs de Dostoïevski à Tchekhov, en passant par Gontcharov et Gogol ou l’immense Tolstoï, les chemins de la décision ne peuvent être rapides et simples, mais il y a de l’espace à un positionnement favorable à venir. D’abord parce qu’il pourrait être difficile pour ce pays de rester en dehors des 4 autres membres du Conseil de Sécurité; ensuite parce que la configuration de ce vote exprime un nouvel équilibre des pouvoirs, dont la Russie à terme pourrait souffrir. Enfin parce que la déclaration du major général d’aviation Syrien Mohamed Fares[5], réfugié à Doha au Qatar, laisse penser que si le pouvoir de Bachar el Assad manque de bombes et de pièces détachées pour son aviation, cela pourrait vouloir dire que les russes ont cessé, voir refusé de leur en livrer. Petit signe allant dans le sens d’une compréhension de ce que le TCA demande, une responsabilité des Etats quant à l’usage des armes.
L’Asie reste un continent aux engagements divers, mais dont il est raisonnable d’espérer de bonnes surprises pour mars.
Enfin l’Afrique bien sûr, l’Amérique latine, les Caraïbes, l’Océanie ont presque fait un bloc unanime dans le vote et quasi unanime dans le parrainage. Cuba toujours sur la défensive avec le Venezuela, dont le délégué m’avait pourtant assuré que son pays voterait en faveur de la résolution, ne l’ont pas fait. Quant aux pays de l’Union Européenne, dont la France et le Royaume Uni, l’unanimité était de mise, non seulement sur le vote, mais aussi pour le parrainage.
Le momentum, O combien fragilisé fin juillet, est à nouveau bien reconstitué. Il ne faudrait finalement qu’une compression magique du temps à venir pour que tout ces Etats se retrouvent au travail dès le 18 mars 2013 – 10 heures.
[2] France, Etats Unis et Royaume Uni.
et l’égypte? Tu y fais juste allusion sans en dire plus….