Cour pénale internationale : Une justice à 2 vitesses

25 03 2023

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le 25 mars 2023

20 ans après le crime d’agression de la part des États-Unis et de la Grande Bretagne en Irak et 9 ans après l’intervention de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen,[1] la Cour pénale internationale (CPI) a choisi un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine.  

Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER) considère que l’émission de ce mandat est justifiée suite aux rapports de la commission indépendante des Nations unies, particulièrement celui du 16 mars 2023. Cependant la CPI donne le sentiment que la justice internationale se donne les moyens d’intervention quant aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité quand les parrains occidentaux lui en donne l’ordre.

ASER dénonce avec vigueur une justice à deux vitesses qui sélectionne les bons et les mauvais responsables de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Car si la justice internationale a le devoir de traiter les crimes internationaux avec la même célérité, qu’en est il notamment de 
Paul Kagame et Yoweri Museveni[2] depuis 2000, des chefs d’État israéliens, dont Benjamin Netanyahu, depuis 2015 , de George W Bush et de Tony Blair depuis le crime d’agression de l’Irak en 2003 et d’Abdel Fattah Al Sissi depuis sa prise de pouvoir ? Tous reçus avec les honneurs en France…

ASER salut la prise de conscience de nombreuses ONG internationales qui parlent enfin de crimes contre l’humanité dans la guerre du Yémen,  après 9 longues années où le peuple yéménite a été l’otage des Houthis et du gouvernement du Président démissionnaire Mansour Hadi soutenu par la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis[3].

ASER est membre du Réseau d’Action International sur les Armes Légères (RAIAL), 

ASER a le statut consultatif spécial ECOSOC aux Nations Unies

Contacts : http://aser-asso.org

Pour demandes d’interview ou participation à une émission sur la question des armes : Benoît Muracciole : +337 72 33 40 45


[1] Dont la légalité est discutable

[2] https://www.icj-cij.org/case/116

[3] Plus de 230 000 morts selon les estimations du Programme des Nations Unis pour le Développement fin 2019 https://www.arabstates.undp.org/content/rbas/en/home/library/crisis-response0/assessing-the-impact-of-war-on-development-in-yemen-.html





La Russie de Poutine dérape dans le décor Syrien

2 02 2012

Le 11 ou le 12 janvier 2012, le bateau « Chariot », sous pavillon de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, est arrivé au port de Tartus ou Lakatia en Syrie, pour y décharger une cargaison de 60 tonnes munitions en provenance de Russie[1].

L’opérateur est la compagnie Westberg, sise à Saint Petersburg  et l’affréteur la compagnie Balchart[2], basée à Talinn. Les munitions ont été produites par la première entreprise de production d’armes russe : Rosoboronexport et d’après les informations que nous avons, comprennent des missiles antinavire Yakhont 3M55E d’une portée d’environ 300 km.

Le missile russe Yakhont

Le « Chariot » a du faire une escale, non prévue, à Limassol ce qui a impliqué de fait un Etat membre de l’Union Européenne dans ce transfert.

Cette livraison de missiles et munitions, en faveur du gouvernement syrien, pose au moins deux questions.

Premièrement sur le plan Européen.

La partie chypriote grecque est membre de l’Union Européenne, elle est donc tenue au respect de toutes les décisions du Conseil de l’Union Européenne. Le 9 mai dernier, le Conseil de l’Union Européenne a justement pris la décision, significative, d’imposer un embargo sur les armes dont la liste est définie dans son article premier[3] :

« Sont interdits la vente, la fourniture, le transfert ou l’exportation à la Syrie, que ce soit par les ressortissants des États membres ou depuis le territoire des États membres ou au moyen de navires ou d’aéronefs de leur pavillon, d’armements et de matériels connexes de quelque type que ce soit, y compris des armes et des munitions, des véhicules et équipements militaires, des équipements paramilitaires et des pièces détachées pour les articles susmentionnés, ainsi que des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne. »

Dans ce cas précis, nous considérons que le matériel livré au gouvernement syrien est bien inclus dans la liste de l’article de la Décision du Conseil. Il apparaîtrait donc que le gouvernement chypriote grecque, qui n’a pas donné d’autorisation de transit au Chariot mais qui ne l’a pas refusé et qui ne l’a pas bloqué, est en violation de l’embargo sur les armes du 9 mai dernier de l’Union Européenne. Dans l’esprit cela semble du bon sens mais dans les faits il n’y a rien de spécifié sur le transit de matériel de guerre dans les deux Décisions de l’Union Européenne. Cette absence de précision est elle le fait d’un oubli ou d’une volonté de laisser chaque Etat libre de ses décisions ? Après toutes ces années de discussion avec les acteurs du contrôle des armes au niveau européen, je dirais que c’est une non décision qui doit arranger quelques Etats de l’Union Européenne.

Du coté de la France il serait peut être opportun de rappeler aux autorités russes que la livraison des deux bâtiments de protections et de commandement (BPC) Mistral sont aussi tenu par l’attitude du pays récipiendaire quant aux décisions de l’Union Européenne. Dans le premier critère de la Position Commune de l’Union Européenne sur les exportations d’armes[4] il est explicitement dit :

« le respect des obligations et des engagements internationaux des États membres, en particulier des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies ou l’Union européenne, des accords en matière, notamment, de non-prolifération, ainsi que des autres obligations internationales.

Une autorisation d’exportation est refusée si elle est incompatible avec, entre autres:

a)     les obligations internationales des États membres et les engagements qu’ils ont pris d’appliquer les embargos sur les armes décrétés par les Nations unies, l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe; »

Malheureusement pour une grande partie du peuple syrien toute l’Union Européenne peine encore à montrer son engagement et son attachement dans les faits au respect des droits de l’homme.

Deuxièmement sur le plan international.

Le 28 novembre dernier, Paulo Pinheiro, Yakin Ertürk et Karen Koning AbuZayd déclaraient lors de la présentation du rapport d’enquête de la commission de l’ONU sur les droits de l’homme[5] : «  L’importance des violations systématiques des droits humains en Syrie ne pourraient se faire sans l’assentiment des plus hautes autorités de l’Etat ». Ils décrivent une situation ou des crimes contre l’humanité sont commis par les forces de sécurité et par l’armée. Quelques semaines plus tard, Amnesty International avait aussi dénoncé les crimes contre l’humanité[6], et demandé un embargo sur les armes en direction de la Syrie.

Mais hier encore Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères russe, se refusait à reconnaître la disproportion dans l’usage de la force par le gouvernement de Bachar el Assad. La « bonne nouvelle » est qu’il  mettait en avant la charte des Nations unies[7] valant comme droit international, la « mauvaise nouvelle » est qu’il ne s’agissait visiblement pas de l’article premier ou soixante seize qui engage les Etats à les faire respecter. Mais de quel article s’agissait il ?

Car pour ce qui est du droit international existant, et auquel la Russie est tenue,  il y a quelques engagements qui pourraient sortir ce beau pays de son aveuglement poutinien[8]. En effet dans le fameux droit international cité par Sergueï Lavrov, il y a l’article 16 de la commission internationale des lois de l’ONU[9].  Dans la résolution 56/83 de décembre 2001 cet article expose dans le cadre de l’aide, ou de l’assistance dans la commission du fait internationalement illicite :

« L’État qui  aide ou assiste un  autre État dans  la  commission du  fait internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable pour avoir  agi  de  la  sorte dans  le  cas où  :

a)  Ledit  État  agit ainsi  en connaissance des  circonstances du  fait internationalement illicite ; et

b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État. »

Or les crimes contre l’humanité sont une des expressions du fait « internationalement illicite ». Je conseils donc à mes éminents amis de retrouver leurs esprits – ceux de Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov, Gontcharov, Tourgueniev et Gogol- pour arrêter tout transfert d’armes[10] en direction de la Syrie. Il en va de leur crédibilité aux yeux du peuple syrien et de tous les peuples qui aspirent simplement à vivre dans le respect de la déclaration universelle des droits de l’homme.

Ce nouveau transfert d’armes rappelle l’urgence d’un traité sur le commerce des armes avec des obligations fermes des Etats.

Pour ne pas transférer d’armes s’il  y a un risque substantiel qu’elles soient utilisées ou qu’elles facilitent les graves violation des droits de la personne ou du droit international humanitaire. Quelques jours avant le dernier Comité Préparatoire de l’ONU à New York[11] il était important de le rappeler.

Benoît Muracciole


[1] Le journal russe « Kommersant » parle aussi d’une commande de 36 avions de combats Yak-130 pour environ $550 million avec des perspectives d’achat d’autres avions de combats MIG 29M ou MIG 35.

[2] Le nom complet semble être : « BALCHART EESTI OÜ » domiciliée à Tallinn en Estonie

[8] Suite aux élections législatives du 4 décembre 2011, Vladimir Poutine a bourré les urnes pour s’assurer d’une majorité à la Douma. Il a surtout réussi à mettre les russes dehors comme le signe prochain d’une nouvelle révolution d’octobre ?

[10] Comme défini dans la liste de l’Union Européenne citée plus haut.

[11] Il se déroulera du 13 au 17 février, Aser sera présent et nous assurerons un blog quotidien