Armes françaises et crimes de guerre au Yémen, le gouvernement et le chef de l’Etat nous mentent.

11 06 2019

Ruf Nad Las - BD

Le mois de mai dernier les cargos saoudiens « de la honte », le Bahri Yanbu et le Bahri Tabuk, sont donc repartis à priori sans armes françaises dans leurs cales. A priori car dans cette culture presque pathologique du secret, et malgré la mobilisation des ONG, des Parlementaires et des syndicats, nous n’avons pas eu l’autorisation d’en vérifier l’absence. Il n’en demeure pas moins que le transit du Bahri Tabuk a constitué une violation du traité sur le commerce des armes des Nations unies (TCA), malgré les assurances du ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères Jean Yves le Drian, car dans la définition du champ d’application du traité et du registre des Nations Unies, la définition des transferts y inclue le transit.

Depuis la note de la direction des renseignements militaire (DRM) révélée par Disclose, nous avons la preuve que les assurances apportées par les membres du gouvernement et le Président de la République Emmanuel Macron ne sont que « fake news ». Le Premier ministre Edouard Philippe est dans la constitution de la V° République  responsable des autorisations d’exportation de matériel de guerre de la France. Dans la praxis le chef de l’Etat, comme un article du Point l’avait montré en 2016, intervient également pour renverser une décision lorsque la  commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) fait son travail et refuse, sur la base des engagements internationaux de la France, certaines exportations.

Quels sont les engagements internationaux que le gouvernement français viole en transférant des armes classiques aux pays engagés dans la guerre au Yémen ?

  1. La Charte des Nations Unies de 1945, notamment les articles 55 et 56. La France est un membre historique de l’ONU, membre permanent du Conseil de Sécurité, ce qui l’engage non seulement à respecter les droits de l’Homme, mais aussi à les favoriser et « à agir  en vue d’atteindre les buts énoncés à l’Article 55 ».

 

  1. Les conventions de Genèvede 1949 et 1977. La France est donc tenue de respecter et faire respecter le droit international humanitaire.

 

  1. Le traité sur le commerce des armesde 2013. Ratifié par la France, il entré en vigueur le 24 décembre 2014[1]. L’article 6 paragraphe 2 il est précisé que: « Aucun État Partie ne doit autoriser le transfert d’armes classiques… qui violerait ses obligations internationales… » .

Quant au paragraphe 3 il fixe qu’aucun «  État Partie ne doit autoriser le transfert d’armes classiques… s’il a connaissance, au moment où l’autorisation est demandée, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie… ».Il s’agit bien ici de potentialité d’usage des armes – la disponibilité de celles-ci aux mains des responsables de ces crimes est un facteur incitant –  et non pas de risques d’usages.

Les risques d’usages (l’article 7) sont évalués lorsque la situation dans le pays importateur est nouvelle. L’article 7 du TCA ne s’applique par ailleurs que « Si l’exportation n’est pas interdite par l’article 6 »[2].

C’est par ailleurs ce que montre l’analyse juridique des juristes de droit international Eric David, Daniel Turp et Brian Wood « Avis sur la légalité de ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux pays membres de la coalition participant à l’opération « Restaurer l’espoir » au Yémen »que Action Sécurité Ethique Républicaines a ajouté à son mémoire en réplique au tribunal administratif de Paris.

Lorsque le gouvernement affirme donc qu’il respecte ses engagements envers le TCA, il ment à la population civile yéménite, aux citoyens français et à la communauté internationale car il a bien connaissance de ces crimes de guerre, voire crimes contre l’humanité dont sont aujourd’hui encore victimes des millions de yéménitesselon le HCR. Il a en eu connaissance avec les nombreux rapports et les communiqués des Nations Unies, du 31 mars 2015, du 22 janvier et 4 août 2016, 31 janvier, 24 août, 19 décembre et 28 décembre 2017 et du rapport du Groupe d’éminents experts régionaux et internationaux sur le Yémen du 17 août 2018.

Le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement de 2019, « Assessing the impact of war », donne une évaluation de 230 000 morts dont 140 000 enfants fin 2019 si le conflit continue à cette intensité. Quant aux garanties saoudiennes rapportéespar Emmanuel Macron, le 16 mai 2019 elles ont encore fait 7 morts, dont 3 enfants, et plus de 47 blessés dans un quartier civil de Sanaa dans le centre ouest du Yémen.

Partout en Europe des gouvernements ont compris l’effroyable de cette guerre et ont suspendu leurs transferts d’armes. Le Congrès des Etats Unis a voté pour la première fois depuis 1943 dans ce domaine, un arrêt du soutien militaire aux saoudiens et émiratis. Mais le gouvernement français persiste dans son aveuglement.

Le mardi 11 juin 2019 Action Sécurité Ethique Républicaines a défendu  les engagements internationaux de la France devant le tribunal administratif de Paris, aidé en cela par l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture. Comme au Canada, en Grande Bretagne,  en Italie et au Pays Bas, se sont les ONG qui tentent de faire respecter la déclarationuniverselle des droits de l’Homme : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
Jean Claude Alt Expert droit de l’Enfant Action Sécurité Ethique Républicaines

Benoît Muracciole Président Action Sécurité Ethique Républicaines auteur de Quelles frontières pour les armes,éditions A. Pédone, 2016

[1]L’intervention de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis a commencé en mars 2015.

[2]Lors de la dernière semaine des négociations nous avionsobtenu avec les ONG du Réseau d’Action sur les Armes légères cet article dans les derniers jours des négociations sur le TCA.Nous souhaitions que soient pris en compte les situations de violences extrêmes où, par expérience, nous savions qu’il était impossible de s’assurer que par leurs seules présences ces armes ou ces biens  ne serviraient pas à des violations graves et systématiques du droit international des droits de l’Homme. Nous n’avions pas obtenu tout ce que nous demandions mais il y a l’article 6.

French weapons and war crimes in Yemen, the government and the head of state are lying to us.

Last May, the Saudi cargo ships « of shame », Bahri Yanbu and Bahri Tabuk, therefore left their holds a priori without French weapons. A priori because in this almost pathological culture of secrecy, and despite the mobilization of NGOs, parliamentarians and trade unions, we have not been allowed to verify its absence. Nevertheless, the transit of Bahri Tabuk was a violation of the United Nations Arms Trade Treaty (ATT). The statements by the Minister for Europe and Foreign Affairs Jean Yves le Drian that France complies with the ATT are unfounded, because in the definition of the scope of the treaty and the United Nations register, the definition of transfers includes transit.

Since the note from the Directorate of Military Intelligence (DRM) revealed by Disclose, we have proof that the assurances provided by members of the government and President Emmanuel Macron are only « fake news ». Prime Minister Edouard Philippe is in the constitution of the V° République responsible for the export authorizations of war material from France. In practice, the Head of State, as an article in the Point showed in 2016, also intervenes to reverse a decision when the Interministerial Commission for the Study of Exports of War Materials (CIEEMG) does its work and refuses, on the basis of France’s international commitments, certain exports.

What international commitments does the French government violate by transferring conventional weapons to countries engaged in the war in Yemen?

1. The 1945 Charter of the United Nations, in particular Articles 55 and 56. France is a historical member of the United Nations, a permanent member of the Security Council, which commits it not only to respect human rights, but also to promote them and « to act with a view to achieving the goals set out in Article 55 ».
2. The Geneva Conventions of 1949 and 1977. France is therefore bound to respect and ensure respect for international humanitarian law.
3. The 2013 Arms Trade Treaty. Ratified by France, it entered into force on 24 December 2014. Article 6, paragraph 2, states that: « No State Party shall authorize the transfer of conventional arms… in violation of its international obligations… ».
Paragraph 3 states that no State Party shall authorize the transfer of conventional weapons… if it is aware, at the time the authorization is requested, that such weapons or property could be used to commit genocide, crimes against humanity, grave breaches of the 1949 Geneva Conventions, attacks directed against civilians or civilian objects and protected as such, or other war crimes as defined by international agreements to which it is a party… ». The issue here is indeed the potential use of weapons – the availability of these weapons in the hands of those responsible for these crimes is an incentive factor – and not the risk of their use.
The risks of use (Article 7) are assessed when the situation in the importing country is new. Article 7 of the ATT also applies only « If export is not prohibited by Article 6 ».
This is also shown by the legal analysis of international law lawyers Eric David, Daniel Turp and Brian Wood « Opinions on the legality of arms sales to Saudi Arabia and coalition countries participating in the « Restoring Hope » operation in Yemen » that Action Sécurité Ethique Républicaines added to its reply brief at the Paris Administrative Court.
When the government therefore claims that it is honouring its commitments to the ATT, it is lying to the Yemeni civilian population, to French citizens and to the international community because it is well aware of these war crimes, or even crimes against humanity, of which millions of Yemenis are still victims according to UNHCR. The Committee is aware of the numerous United Nations reports and communiqués of 31 March 2015, 22 January and 4 August 2016, 31 January, 24 August, 19 December and 28 December 2017 and the report of the Group of Regional and International Eminent Experts on Yemen of 17 August 2018.
The latest United Nations Development Programme report of 2019, « Assessing the impact of war », gives an estimate of 230,000 deaths, including 140,000 children at the end of 2019 if the conflict continues at this intensity. As for the Saudi guarantees reported by Emmanuel Macron, on 16 May 2019, they left 7 people dead, including 3 children, and more than 47 injured in a civilian neighbourhood of Sana’a in western central Yemen.
All over Europe, governments have understood the horrors of this war and have suspended their arms transfers. The United States Congress has voted for the first time since 1943 in this area, to stop military support to Saudi Arabs and Emiratis. But the French government persists in its blindness.
On Tuesday, June 11, 2019, Action Sécurité Ethique Républicaines defended France’s international commitments before the Paris Administrative Court, assisted in this by the Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture. As in Canada, Great Britain, Italy and the Netherlands, NGOs attempt to uphold the Universal Declaration of Human Rights: « Everyone is entitled to all the rights and freedoms set forth in this Declaration, without distinction of any kind, such as race, colour, sex, language, religion, political or other opinion, national or social origin, property, birth or other status ».

Jean Claude Alt Expert droit de l’Enfant Action Sécurité Ethique Républicaines

Benoît Muracciole Président Action Sécurité Ethique Républicaines auteur de Quelles frontières pour les armes,éditions A. Pédone, 2016

 

1] The intervention of the coalition led by Saudi Arabia and the United Arab Emirates began in March 2015.

2]During the last week of negotiations we obtained this article with the NGOs of the Action Network on Small Arms in the last days of the ATT negotiations. We wanted to take into account situations of extreme violence where, from experience, we knew that it was impossible to ensure that by their mere presence these weapons or goods would not be used for serious and systematic violations of international human rights law. We had not obtained everything we were asking for, but there is Article 6.

 

 

 

 

 


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