Viktor Bout vient d’être transféré de Thaïlande aux Etats-Unis après avoir été arrêté dans un hôtel à Bangkok en mars 2008 par des agents infiltrés de la Drug Administration[1]. Le plus célèbre des intermédiaires est peut-être en train de finir son épopée de « Marchand de la mort » à travers les continents. Après une longue lutte entre les autorités Russes et Étasuniennes, le gouvernement Thaïlandais, qui espéraient voir ces deux pays trouver un accord, a finalement tranché en faveur des derniers.
Né à Douchanbe en 1967, ancien officier de l’armée de l’air et membre du KGB de l’époque soviétique, Viktor Bout avait bâti sa fortune en vendant des armes aux plus offrants et avait été un des inspirateurs du personnage joué par Nicolas Cage dans le film « Lord of War ».
Ses premiers exploits remontent à la guerre d’Afghanistan dans les années 1990, puis en 2000 au Liberia ou le panel d’experts de l’ONU le cite pour avoir violé l’embargo et livré, notamment, des hélicoptères militaires, des véhicules blindés, missiles et aux armes légères et de petits calibres, ALPC[2].
Viktor Bout est à nouveau cité en mars 2000 pour avoir cette fois livré des armes à l’UNITA de Jonas Savimbi[3], violant encore une fois l’embargo des Nations unies. Il continue ses trafics, aux Philippines avec Abu Sayyaf, parfois troquant des armes contre des matières premières en République Démocratique du Congo[4]…
Comme c’est un gars malin, il enregistrera ses compagnies un peu partout, en Afrique du Sud, en Belgique à Ostende entre 1995 et 1997, à Sarjah dans les Émirats Arabes Unis, en Grande-Bretagne, au Liberia, en République Centrafricaine, en Suisse à Genève, au Swaziland[5] … Jonglant également avec les noms des compagnies, Air Cess, la Compagnie Aérienne des Grands Lacs, Trans Aviation Network Group, Skyair, Air Atlantic…
Il trouve aussi les occasions pour travailler pour les gouvernements. Le gouvernement étasunien l’avait sorti de la liste noire de l’ONU pour des services rendu notamment en Irak et Afghanistan. Il déclarera sur Channel 4, « avoir aidé le gouvernement français » pour transporter du matériel, après le génocide, au Rwanda.
Les exemples de ses trafics ne manquent malheureusement pas et ils vont avoir de quoi occuper de nombreuses personnes en charge du dossier. La loi étasunienne sur les intermédiaires permet de juger ces derniers même s’ils n’ont pas exercé sur le territoire des Etats-Unis, ce qui n’est toujours pas le cas de la France !
Car comme nous l’avons répété plusieurs fois sur ce blog[6], notamment à propos de Taiwan et Karachi, le projet de loi français attend, depuis 2000, d’être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale.
Si Viktor Bout était Français, il pourrait donc circuler librement comme tout bon citoyen français grâce à l’inertie de nos gouvernements successifs et malgré l’obligation de la France de mettre en conformité le droit français de la Position Commune de l’Union Européenne de juin 2003.
Benoît Muracciole
[1] Ils se sont fait passer pour des FARC et prétendaient acheter des missiles sol air (Manpads).
[2] En 2007, la Président du Liberia Ellen Johnson-Sirleaf déclarait que l’estimation des morts directs des 14 années de guerre dans son pays était de 250 000 personnes, environ 8% de la population, sans compter les blessés, les réfugiés, les déplacés et un pays économiquement exsangue.
[4] « Le flux d’armes à destination de l’est » rapport Amnesty International juillet 2005.
Voir aussi sur l’impact de la guerre :
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