Révélations de Wikileaks sur l’ampleur des crimes subis par le peuple Irakien : Autant d’arguments en faveur d’un traité international sur le commerce des armes

2 11 2010

Photo de couverture du rapport d’Amnesty international : Blood at the crossroad © AP Photo/Wally Santana

 

Après les documents sur la guerre en Afghanistan, Wikileaks publiait, vendredi 22 octobre 2010, environ 400 000 documents classifiés de l’armée étasunienne sur la guerre en Irak. La réaction du Pentagone a été à la hauteur de ce que l’on pouvait attendre « rien de nouveau et la sécurité de nos soldats est fragilisée… ». Quant au prix Nobel de la Paix en 2010, Barak Obama, c’est le silence. Son opposition à cette guerre devrait pourtant lui permettre d’en souligner l’horreur pour les populations civiles, mais il a sans doute peur que cette réflexion ne se propage et que le pays s’interroge avec plus de vigueur quant au bien fondé de la guerre en Afghanistan.

Deux éléments importants sont révélés par la publication de ces documents :

Le premier point concerne l’impact de la guerre sur la population civile irakienne avec d’abord la preuve que les USA, malgré les dénégations du Lieutenant General Tommy Franks qui dirigeait l’invasion en Irak et en Afghanistan[1], tenaient une comptabilité des victimes civiles depuis 2004. Un mensonge qui leur a permis de cacher un chiffre minima des victimes de la guerre qu’ils connaissaient et qui dépasse les 150 000 morts entre 2004 et 2009.

Pour des organisations comme  Iraq Body Count[2] (IBC) cette publication a permis d’ajuster à la hausse leur calcul, avec un chiffre qu’ils situent autour de 122 000 morts violentes civiles.  Ce dernier chiffre ne tient compte que des corps comptabilisés à partir de sources documentées et recoupées. La publication de Wikileaks permet de revoir avec plus d’attention les trois études sérieuses traitant  la question de l’impact de la guerre d’Irak sur les populations civiles :

a) Celle de l’Université de Bloomberg  School of Public Health Johns Hopkins de Baltimore et la School of Medicine Al Mustansiriya University de Baghdad qui a travaillé en coopération avec le Center for International Studies Massachusetts Institute of Technology de Cambridge[3] : entre 426 369 et 793 663 morts civiles violentes pour la période de mars 2003 à 2006.

b) Celle de Opinion Research Business (ORB) : entre 946 000 et 1 033 000  morts pour la période de mars 2003 à 2008.

c) Celle de l’Iraq Family Health Survey Study Group (IFHSG) : entre 104 000 et 223 000 morts violentes pour la période de 2003 à 2007.

Le deuxième point que révèle Wikileaks est l’importance de l’usage de la torture par les forces combattantes engagées dans la guerre, que ce soient les forces d’occupations, les forces gouvernementales, les compagnies de sécurité privée ainsi que les forces de résistances. Les nombreux faits publiés révèlent un usage presque « libre » de la torture démontrant qu’Abou Ghraib n’était pas le cas isolé que les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni voulaient nous faire croire. Manfred Novak, qui est le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, a d’ailleurs déclaré que la ratification par les États-Unis de la Convention contre la torture de l’ONU[4], obligeait les États parties à poursuivre devant la justice toute personne engagée dans de tels actes. C’est d’abord l’article 4 de la Convention qui précise que « Tout Etat partie veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal… » et l’article 5 qui engage « Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions visées à l’art. 4 dans les cas suivants… ». Or aujourd’hui, à notre connaissance, ni les États-Unis ni le Royaume-Uni, qui ont pourtant ratifié la Convention[5], n’ont engagé de poursuites pénales, ni même entamé de recherche envers les responsables des actes exposés par Wikileaks .

La lecture d’une partie de ces documents donne l’impression que ce conflit doit rendre fou n’importe quel individu normalement constitué, il montre ce qu’est la guerre. La description factuelle des attaques des groupes armés, qui résistent à l’invasion, des affrontements entre l’armée irakienne, la police irakienne et ces mêmes groupes armés, les explosions de kamikazes… Tout cela donne le sentiment d’un monde sans espoir où le défi n’est pas de rester vivant mais de survivre le plus longtemps. Deux des plus grandes démocraties du monde libre[6], ont donc contribué un peu plus à la liberté du peuple Irakien.

Seront-ils longtemps encore résister à l’appel d’une véritable justice international ?

Benoît Muracciole


[4] http://www2.ohchr.org/french/law/cat.htm, elle est entrée en vigueur le 26 juin 1987

[5] Les Etats-Unis d’Amérique l’ont ratifié le 21 octobre 1994 et le Royaume-Uni et d’Irlande du Nord le 8 décembre 1988.

[6] qui avaient largement soutenu le dictateur quelques années auparavant quand il faisait gazer les Kurdes ou qu’il faisait torturer ou exécuter les opposants au parti Bas.


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